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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Peter Grimes de Britten dans la mise en scène de Willy Decker, sous la direction d’Andrew Davis à Covent Garden, Londres.
Une reprise de référence
Peter Grimes, le plus populaire des chefs-d’œuvre de Britten, revient sur la première scène lyrique britannique, dans une interprétation dramatiquement et musicalement magistrale. On retrouve avec bonheur un bouleversant Ben Heppner, quasiment égal à lui-même, dans le rôle-titre qui reste l’un de ses meilleurs emplois.
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Fastueuse fin de saison au Covent Garden qui affiche en alternance des reprises de Peter Grimes dans l’inégalable production de Willy Decker, créée à la Monnaie de Bruxelles en 1994 et transférée par Antonio Pappano au Covent Garden en 2004, de Tosca selon Jonathan Kent avec le trio de choc Gheorghiu-Terfel-Kaufmann, enfin une nouvelle production de Cendrillon de Massenet avec Joyce Di Donato dans une production réjouissante et colorée de Laurent Pelly que la Monnaie affichera en décembre 2011.
Le niveau artistique d’une très grande maison d’opéra peut se mesurer à la qualité de ses spectacles de routine pour les théâtres d’alternance tels le Staatsoper de Vienne ou le Bayerische Staatsoper de Munich, ou celui des reprises, comme c’est le cas du Covent Garden. Ainsi, le Peter Grimes proposé par le Royal Opera House est non seulement exemplaire mais mémorable, grâce à la formidable adéquation de toutes les forces vives d’une maison d’exception.
En tête, des chœurs fastueux mais aussi impliqués dramatiquement dans la production de manière hallucinante. Non seulement, chacun caractérise un personnage individuel mais est en même temps intégré à une communauté étriquée, hypocrite, bigote et médisante, liguée contre un individu différent qui refuse de se soumettre à ses règles et à sa morale de surface.
À cet égard, le travail de Decker est un modèle d’intelligence : chaque mouvement, chaque attitude éclaire le spectateur sur les motivations et la psychologie des protagonistes. Les mouvements de foule sont significatifs, avec un Grimes solitaire, en marge, accablé dès la première image, toujours en retrait de cette société hostile et bornée.
Les décors picturaux abstraits de John McFarlane accentuent cette atmosphère d’enfermement claustrophobe. Le choix d’un enfant de neuf ou dix ans, chétif, minuscule, confronté à un Grimes massif, impulsif et violent qui ne mesure pas sa force, semble exclure l’hypothèse pédophile : ce géant terrassé par le destin est en fait fragile et désarmé.
Déjà titulaire du rôle-titre sur cette même scène en 2004 (et en 1995 dans la production Moshinsky où avait triomphé Jon Vickers), Ben Heppner retrouve un emploi qui convient encore à ses moyens actuels. Sans doute l’assume-t-il avec moins de facilité que par le passé, avec aujourd’hui quelques irrégularités car il ne se ménage jamais, mais l’effort accentue le côté pathétique du personnage et le rend d’autant plus vulnérable et bouleversant.
Très bien servie par la mise en scène qui fait d’Ellen une sorte de pendant féminin de Peter, Amanda Roocroft est très convaincante. Jonathan Summers (Captain Balstrode), Roderick Williams (Ned Keene), Matthew Best (Swallow), Catherine Wyn-Rogers (Auntie), sont impeccables. Jane Henschel compose une redoutable Mrs Sedley, mais toute la troupe est digne d’éloges.
Dans une palette différente des interprétations habituelles, la direction intense d’Andrew Davis fait ressortir l’agressivité, la violence et le dramatisme de la partition. De bout en bout superbe, l’orchestre exprime comme rarement une menace latente et indicible.
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Royal Opera House, Covent Garden, London Le 03/07/2011 Monique BARICHELLA |
| Reprise de Peter Grimes de Britten dans la mise en scène de Willy Decker, sous la direction d’Andrew Davis à Covent Garden, Londres. | Benjamin Britten (1913-1976)
Peter Grimes, opéra en un prologue et trois actes
Royal Opera Chorus
Orchestre of the Royal Opera House
direction : Andrew Davis
mise en scène : Willy Decker
décors : John McFarlane
Ă©clairages : David Finn
préparation des chœurs : Renato Balsadonna
Avec :
Stephen Richardson (Hobson), Matthew Best (Swallow), Ben Heppner (Peter Grimes), Roderick Williams (Ned Keene), Martyn Hill (The rector / Reverend Horace Adams), Alan Oke (Bob Boles), Catherine Wyn-Rogers (Auntie), Rebecca Bottone, Anna Devin (Her nieces), Jane Henschel (Mrs Sedley), Amanda Roocroft (Ellen Orford), Jonathan Summers (Captain Balstrode), Walter Hill (Dr Crabbe), Orlando Copplestone (John). | |
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