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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert du London Philharmonic Orchestra sous la direction de Vladimir Jurowski, avec la participation du pianiste Nikolaï Lugansky au festival de Besançon 2011.
Besançon 2011 :
Une rigueur magistrale
À la veille de la clôture de son édition 2011, le festival de Besançon aura vécu une soirée symphonique d’anthologie avec la venue dans un Théâtre musical archicomble du London Philharmonic et de son directeur musical Vladimir Jurowski pour une démonstration de pugnacité et de puissance maîtrisée, aux côtés du pianiste Nikolaï Lugansky.
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Décidément, Vladimir Jurowski s’affirme au fil des ans comme l’une des figures de proue de la nouvelle génération de chefs appelés à présider aux destinées des plus prestigieuses phalanges européennes. On connaît son élégance, son économie de gestes au pupitre, mais aussi son impressionnante rigueur intellectuelle.
Aux antipodes de son compatriote Valery Gergiev, chef boulimique s’abandonnant souvent à l’inspiration du moment et répétant de moins en moins, Jurowski se tient pour l’heure à des prestations ne laissant rien au hasard, façonnées en amont jusqu’au moindre détail.
Pour preuve, une ouverture des Créatures de Prométhée dans un Théâtre musical bisontin transformé en étuve par un remplissage à craquer, qui règle la question en trois accords, dans une vision pugnace, tranchante mais sans sécheresse, d’une virtuosité contrôlée tournant le dos à la caricature de prestesse habituelle. Sforzandi percutants, timbale mordante, cordes sveltes et vents au scalpel, un bonheur sans nuage que ces cinq minutes de mise en bouche beethovénienne.
Le maestro de trente-neuf ans s’élève plus haut encore dans un Premier Concerto de Rachmaninov où il fait la part belle à une écriture durchkomponiert, caractérisant au mieux chaque épisode, avec une constante attention à ne jamais se vautrer dans l’effusion à quatre sous d’une écriture qui peut facilement virer à l’outrance sous des baguettes moins aguerries.
Aidé en cela par un Nikolaï Lugansky n’en rajoutant jamais dans les effets ou les fluctuations de tempo, il maintient d’un bout à l’autre une pâte sonore claire, aux cordes juste assez galbées, aux angles saillants, d’une expressivité jamais hypertrophiée, profitant de sa sobriété pour souligner les références encore nombreuses à Tchaïkovski.
Dans la même veine, le pianiste donnera en bis une Première Arabesque de Debussy véloce dans son débit, effleurée dans son toucher, en somme d’une élégance rare et jamais salonnarde, au seul service du texte et du style. Preuve d’une communauté d’esprit entre le pianiste et son chef d’un soir.
Une semaine après la fin du Concours de Jeunes Chefs, voir évoluer sur la même scène un Jurowski un peu plus âgé seulement que certains des candidats apparaît d’ailleurs comme la plus belle leçon d’aphorisme du geste, de maintien, de stabilité au pupitre. Autant de qualités exaltées après l’entracte dans une Quatrième Symphonie de Brahms prodigieuse d’intelligence dans la conduite de la polyphonie, de clarté des lignes, de juste épaisseur de la masse sonore.
Alors qu’il est si facile d’opacifier la texture et de faire ronfler les voix internes, le patron du LPO calibre ses dynamiques et groupes instrumentaux en orfèvre, avec une respiration et une aération des vents constantes. C’est d’ailleurs le travail d’équipe qui prime dans cette formation qui, comme sa voisine du London Symphony, n’a pas exactement dans le détail le degré d’individualisation des bois des Berliner ou des Wiener.
Mais le résultat est stupéfiant de cohésion, quand bien même le chef cherche plus à additionner les timbres qu’à les fusionner à la grande manière germanique. Ainsi, le chant éperdu des violoncelles dans l’Allegro non troppo initial ne se fond jamais dans la sonorité des cors, mais la renforce.
D’un bout à l’autre, Jurowski prend le temps de sculpter des phrasés courts mais tendus, sostenuto jusqu’à l’extinction de la note, et opte pour un lyrisme jamais débridé, d’une sévérité toute brahmsienne, avec le petit luxe de quelques attaques retardées on ne peut plus expressives des motifs de cordes.
Articulé et clarifié jusqu’à la radiographie, l’Andante moderato aura rarement sonné aussi limpide dans son avancée par le viatique du choral, sur un lit de pizzicati imperturbable. Seul le Finale perdrait un peu en souffle à cette architecture du microcosme, détaillé dans chaque variation de la chaconne jusqu’à l’inhumain, refusant toute bourrasque approximative au profit d’une tension contenue phénoménale.
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Théâtre musical, Besançon Le 30/09/2011 Yannick MILLON |
| Concert du London Philharmonic Orchestra sous la direction de Vladimir Jurowski, avec la participation du pianiste Nikolaï Lugansky au festival de Besançon 2011. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Les Créatures de Prométhée, ouverture
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano n° 1 en fa# mineur op. 1
NikolaĂŻ Lugansky, piano
Johannes Brahms (1833-1897)
Symphonie n° 4 en mi mineur op. 98
London Philharmonic Orchestra
direction : Vladimir Jurowski | |
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