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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Tannhäuser de Wagner dans la mise en scène de Robert Carsen, sous la direction de Sir Mark Elder à l’Opéra de Paris.
L’étincelle Stemme
Sage reprise du sage Tannhäuser de Robert Carsen à la Bastille, où la baguette lisse et dépassionnée de Mark Elder a bien du mal à suggérer la tentation. Face à un plateau de voix plutôt légères ne se démarquent que mieux les débuts à l’Opéra de Paris d’une Nina Stemme qui assurera à elle seule le supplément d’âme de la soirée.
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Privé de mise en scène en raison d’une grève, nous avions découvert le Tannhäuser de Robert Carsen au travers de ses seuls prodiges musicaux en décembre 2007. Les syndicats s’en prenant cette fois à Faust, nous pouvons enfin aborder le spectacle dans son ensemble.
Production somme toute bien sage, au jeu d’acteur convenu quant aux chœurs, déplaçant la focalisation du chant vers l’univers pictural, avec une grande lisibilité, une scénographie juste assez moderne, et même une interaction inoffensive avec la salle. Une forme de service minimum d’excellent niveau chez un créateur qu’on a connu autrement audacieux.
Car hormis Elisabeth vue in fine comme la jumelle de Vénus, et Tannhäuser digne d’accrocher ses tableaux d’action painting au milieu des toiles de maître, symbole de son adoubement tardif par une société réactionnaire, rien de bien nouveau dans ce principe de l’artiste incompris déjà défendu par Götz Friedrich à Bayreuth dès 1972.
Difficile aussi de ne pas comparer l’équipe musicale de cette reprise avec celle de la première série de représentations. Au risque de fourmis dans les jambes, en raison principalement de la direction de Sir Mark Elder qui, sans franchement traîner les pieds, joue la molle extase, dépourvue de tout relief, de toute tension, joliment conduite dans les passages de demi-caractère, mais où manque à chaque instant la flamme, la tentation brûlante du Venusberg.
On cherchera en vain la chair des attaques de cordes, des tutti au travers d’une battue constamment imprécise – les traits de violons –, qui néglige la fusion des timbres, tel ce tuba flottant au-dessus de la masse sonore, coquet mais déconnecté des autres cuivres. Une bonne routine de théâtre en somme, qui échoue même à porter le grand crescendo final à son acmé.
Car trop impatients à chanter à pleins poumons, les chœurs, phrasés en séquences beaucoup trop courtes, n’ont ni l’ampleur ni l’art de la gradation exigés par le traitement pré-parsifalien, en périodes infinies, du compositeur, et donnent trop vite tout le volume.
Le plateau, lui, affiche des voix plutôt légères, ce qui ne serait en rien gênant si la fosse les amenait à se dépasser. Constamment bien chantée, la Vénus de Sophie Koch tend vers une univocité d’imploration loin du poison que l’on attend dans un emploi où triomphent les tigresses.
Cette émission radieuse et juvénile renvoie immanquablement, par delà l’art de la diction et de la déclamation, à Quinquin plutôt qu’à Wagner, dont la longueur des phrases contraint la mezzo à multiplier les respirations.
Christopher Ventris se sort avec les honneurs du rôle-titre, sacrifiant la longueur d’aigus prêts à rompre à tout moment, ignorant même les Zu ihr ! du I, mais présente au moins une voix claire, presque naturelle, sans la fausse couche de surcouverture de tant d’autres, et avec une belle vaillance, acquise au prix de nasalités, et où demeure une pointe d’accent – ces « r » tendant vers le rétroflexe.
S’inscrivant dans la vogue actuelle des monarques wagnériens de chambre, le roi Hermann de Christof Fischesser offre un timbre fin et une émission bien concentrée, en rien monumentale, tandis que l’on regrette la suppression du couplet de Walther dans la version de Paris, où le jeune Stanislas de Barbeyrac aurait gagné à se faire entendre.
Pour son premier Wolfram, Stéphane Degout, dont la couleur évoque plus d’une fois un Bernd Weikl jeune, possède toutes les qualités qu’on lui associe habituellement : legato somptueux, diction irréprochable, avec ces consonnes allongées très idiomatiques. Un rien nerveux dans l’arioso du I, le baryton expose un véritable art de chanteur courtois au concours, avant de déployer une ligne prodigieuse dans la Romance à l’étoile, où il évoluera avec sans doute plus de liberté dans le rubato au fil des représentations.
Chez tous pourtant manquerait une présence immédiate du timbre, une épaisseur que seule possède ce soir l’Elisabeth de Nina Stemme. Pour ses débuts à la Bastille, la Suédoise s’impose d’emblée comme l’étincelle à même d’embraser la représentation par son émission ardente, son trait large, sa longueur de souffle, et un port d’authentique tragédienne, triomphant avec la même autorité de la joie naïve de la jeune fille amenée à prendre position – un Haltet ein ! stupéfiant – que d’une foi vibrante dans sa prière.
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Opéra Bastille, Paris Le 06/10/2011 Yannick MILLON |
| Reprise de Tannhäuser de Wagner dans la mise en scène de Robert Carsen, sous la direction de Sir Mark Elder à l’Opéra de Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Tannhäuser, oder der Sängerkrieg auf Wartburg, opéra romantique en trois actes (1845)
Livret du compositeur
Version parisienne de 1861
Coproduction avec le Gran Teatre del Liceu de Barcelone et le Tokyo Opera Nomori
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Sir Mark Elder
mise en scène : Robert Carsen
décors : Paul Steinberg
costumes : Constance Hoffman
Ă©clairages : Robert Carsen & Peter van Praet
préparation du chœur : Patrick Marie Aubert
Avec :
Christof Fischesser (Hermann), Christopher Ventris (Tannhäuser), Stéphane Degout (Wolfram von Eschenbach), Stanislas de Barbeyrac (Walther von der Vogelweide), Tomasz Konieczny (Biterolf), Éric Huchet (Heinrich der Schreiber), Wojtek Smilek (Reinmar von Zweter), Nina Stemme (Elisabeth), Sophie Koch (Vénus), Alix Le Saux (ein junger Hirt), Sophie Claisse, Anne-Sophie Ducret, Virginia Leva, Xenia d’Ambrosio (Vier Edelknaben). | |
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