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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production des Enfants terribles de Glass dans une mise en scène de Stéphane Vérité et sous la direction d’Emmanuel Olivier au Grand Théâtre de Bordeaux.
Une machine infernale
Guillaume Andrieux (Paul)
Entre comptine et tragédie, le texte les Enfants terribles de Jean Cocteau, devenu Children of the game, opéra de chambre majeur de Philip Glass, fascine au Grand-Théâtre de Bordeaux dans un somptueux décor numérique de Stéphane Vérité et Romain Sosso. Une production portée par de tout jeunes chanteurs extrêmement investis.
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Après l’Athénée voilà deux ans, voici au Grand Théâtre de Bordeaux une nouvelle production de l’opéra Children of the game que le compositeur américain Philip Glass (73 ans) a tiré en 1996 de l’œuvre de Cocteau, publiée en 1929. Ces Enfants terribles n’ont pas fini de séduire. Le texte a été écrit à une époque où l’on ignorait, entre l’enfance et l’âge adulte, les tourments de l’adolescence, où le bon docteur Freud n’avait pas entièrement révélé la psychanalyse et fait passer ses théories dans l’opinion publique.
L’histoire extravagante de Cocteau écrite à partir de son expérience personnelle, comme le suicide de son père, pourrait être celle d’une série policière américaine : un frère et sa sœur sont élevés en un huis clos. Enfermés sur eux-mêmes, ils cherchent à résister au monde extérieur, à ses séductions et à ses agressions. Lancés dans la machine infernale de la quête de leur individualité, dans leur traque du passage à l’âge adulte, ils vont de l’inceste au crime.
« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux ; Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots » écrivait Alfred de Musset. Les héros de Cocteau combinent et amalgament leurs rêves avec le réel. Ils balancent entre un romantisme exacerbé et l’enfer du surréalisme.
La mise en scène et la formidable vidéo sur un écran au fond du plateau imaginées par le scénographe Stéphane Vérité et Romain Sosso créent un univers chimérique et restituent tous les fantasmes d’enfants plus perfides, plus mégalomanes et plus cruels les uns que les autres. Les images de neige sur Paris, de désordres météorologiques, de ciels zébrés d’orages, de mers déchaînées, d’intérieurs cossus tout autant que de fleurs maléfiques envahissent l’écran et donnent à l’œuvre une puissance tragique.
Tous très jeunes, les chanteurs, dont la magnifique héroïne Elisabeth, chantée et jouée avec une maîtrise étonnante par la ravissante Chloé Briot (23 ans), se prennent d’empathie pour ces personnages qui ne songent, comme l’écrit Cocteau, qu’au vertige d’un jeu, celui de la vie et de la mort. Dans la fosse, trois pianos hachent, structurent, insufflent le mécanisme froidement aléatoire de l’œuvre.
En maître du minimalisme et de la musique répétitive, Phil Glass et sa partition somptueuse chantent, entre onirisme et liberté, cette tragédie enfantine qui est l’éveil du printemps.
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