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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concerts de l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg sous la direction de Yuri Temirkanov, avec la participation de la violoncelliste Natalia Gutman et du pianiste Denis Matsuev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Merveilleuses soirées slaves
Bonheur à nul autre semblable des soirées slaves programmées deux jours de suite par Yuri Temirkanov, tant l’illustre chef russe personnalise le répertoire qu’il dirige dans son osmose avec son Orchestre de Saint-Pétersbourg. Deux concerts au Théâtre des Champs-Élysées où les solistes Natalia Gutman et Denis Matsuev servent Chostakovitch avec des bonheurs divers.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 30/11/2011
Claude HELLEU
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En deux soirées, le public du TCE aura vécu des moments rares sous la direction de Yuri Temirkanov, successeur depuis 1988 du légendaire Evgueni Mravinski, patron de l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg – alors Leningrad – pendant cinquante ans. Et quand ces Russes viscéralement unis viennent nous offrir un répertoire irradié de racines communes, ils nous proposent une évasion slave sans pareille.
Sous l’archet de Natalia Gutman, le Concerto pour violoncelle n° 2 de Chostakovitch impose d’emblée sa sombre gravité. L’intensité, l’ampleur du phrasé en soutiennent l’émotion, cependant que derrière la soliste l’accompagnent les violoncelles de l’orchestre, remarquables. Moins convaincante sera-t-elle dans la légèreté.
Si la tension ne se relâche jamais et nous garde suspendus à l’écoute de l’œuvre mystérieuse mais aussi martiale tout au long de son déroulé déroutant, Gutman a perdu de son éclat pour en intensifier les rythmes serrés. En retrait des bois moqueurs, son expressivité demeure trop intérieure.
Courbée sur son violoncelle, relevant rarement la tête, les yeux fermés pour mieux entendre les solos du cor ou de l’orchestre saisissants de précision, son feu intérieur ne suffit pas à exalter ses morceaux de bravoure, cependant qu’à l’orchestre les pupitres cinglent leurs interventions.
Mais l’attention de Temirkanov pour la soliste gardera l’équilibre des conversations entre tous les musiciens réunis sous sa direction sans baguette, bras et mains prêts à recevoir et donner. Chef qui en l’occurrence s’efface au moment des applaudissements.
À l’opposé, le lendemain, explose le Premier Concerto pour piano du même Chostakovitch. Composé en 1933, soit trente-trois ans avant celui pour violoncelle tout juste entendu, le Concerto pour piano n° 1 n’a sans doute pas la même profondeur, mais sa vitalité peut et même doit être irrésistible.
Elle l’est ce soir, au-delà du dicible. Dès son attaque, la virtuosité fulgurante de Denis Matsuev en transcende le brillant. Et sans relâche, complice de la trompette soliste, ce piano prodigieux de maîtrise, de puissance et d’éclat, capable de crescendi au sein de rafales d’accords, portera l’œuvre au cœur de ses épisodes les plus fastueux comme dans ses moments de mélancolie, austère alors sans rien perdre de sa sonorité fabuleuse.
Avec un Orchestre de Saint-Pétersbourg non moins éblouissant, l’apogée du Finale emporte dans un tumulte de rythmes et de timbres à la folie magnifiquement contrôlée : un bonheur jubilatoire. Auparavant, la Symphonie classique d’un Prokofiev âgé de 26 ans avait brillé d’une vivacité souriante rarement égalée. Pupitres et chef confondus dans la même expression heureuse délient ses traits avec autant d’esprit que de plaisir.
Artisans d’une Ă©loquence immĂ©diate, les vents s’en donnent Ă cĹ“ur joie. La limpiditĂ© des thèmes sert leur sĂ©duction. On retrouve sous une forme pĂ©tillante les qualitĂ©s orchestrales qui nous avaient Ă©merveillĂ©s la veille dans Dvořák et porteront Ă son apogĂ©e dans TchaĂŻkovski.
Deux Ĺ“uvres majeures et un Ă©gal bonheur, sur scène comme dans la salle. De la Symphonie n° 8 de Dvořák, l’introduction du premier mouvement est tout simplement magique tant le chant des violoncelles, bien placĂ©s au centre, y fait rĂ©gner la profondeur. Clarinettes, bassons et cors rejoignent leur gravitĂ© lumineuse.
Temirkanov suscite les instruments tels des personnages d’opéra. Couches de timbres, contrepoints de sonorités servent drames et échappées champêtres, danses slaves et autres réjouissances. Les scènes se déroulent, incisives, romantiques, rêveuses, mouvementées, avec une spontanéité enchanteresse.
Le chef russe, le sourire aux lèvres, indique l’essentiel en gestes clairs. Son intimité tant avec les œuvres à son programme qu’avec chaque voix de son orchestre permet cet irrésistible élan. Soutenu d’une rigueur tranquille, il galvanisera les variations du Finale, le triomphe des cuivres magnifié.
Comme il mènera la Troisième Suite de Tchaïkovski à l’aventure de ses libertés. Intensité de la vie rythmique, finesse des interventions, puissance du souffle s’appuient là aussi sur des couches de timbres et des contrepoints de sonorités d’où les pupitres apparaissent en héros d’un ballet sans gestes ni paroles.
Ivresse du dernier mouvement, exaltation des douze variations allant de surprises en imprévus. Au terme de ces deux soirées, l’aisance et l’engagement intrinsèquement liés auxquels nous avons participé nous gardent émerveillés.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 30/11/2011 Claude HELLEU |
| Concerts de l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg sous la direction de Yuri Temirkanov, avec la participation de la violoncelliste Natalia Gutman et du pianiste Denis Matsuev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | 29 novembre :
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Concerto pour violoncelle et orchestre n° 2 en sol mineur op. 126
Natalia Gutman, violoncelle
AntonĂn Dvořák (1841-1904)
Symphonie n° 8 en sol majeur op. 88
30 novembre :
Sergei Prokofiev (1891-1953)
Symphonie n° 1 en ré majeur, « classique »
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Concerto pour piano et orchestre n° 1 en ut mineur op. 35
Denis Matsuev, piano
Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
Suite n° 3 en sol majeur op. 55
Orchestre philharmonique de Saint-PĂ©tersbourg
direction : Yuri Temirkanov | |
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