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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin sous la direction de Marek Janowski, avec la participation de la soprano Nina Stemme Ă la salle Pleyel, Paris.
Beautés de la mort
A la tête de son orchestre berlinois, Marek Janowski a partagé avec Nina Stemme l’idylle des Wesendonck-Lieder et une Mort d’Isolde extatique. Les Six Pièces pour orchestre d’Anton Webern et Mort et Transfiguration de Strauss complètent magnifiquement ce programme. Un programme dont les quatre œuvres évoquent la mort en approches différentes.
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Deux œuvres orchestrales à l’opposé l’une de l’autre ouvraient les deux parties du concert dirigé par Marek Janowski à la tête de l’Orchestre symphonique de la radio de Berlin, dont il a été nommé directeur artistique à vie par ses musiciens en 2008.
Lecture concise et contrastée des Six pièces pour orchestre op. 6 de Webern, si l’on peut parler de lecture pour un chef qui dirige par cœur. La mélodie de timbres voulue par le compositeur suit son cours, le jeu des couleurs servi par des instruments aussi justes dans leurs individualités que fusionnels.
Subtilité des sonorités, netteté des traits, précision des silences. On avance dans un imprévu de pleins et déliés, tutti orchestraux et musique de chambre, suivant leur ligne radicale et souple.
Sans faillir à l’économie de cette écriture ni charger la transparence de sa texture, Janowski personnalise les expressivités qui en naissent, minutes de douceur et de fièvre, d’inquiétude et de tendresse, de poésie, de tristesse plus développée dans la quatrième pièce, la plus longue, intitulée Marche funèbre par son auteur et conclue dans un crescendo rassemblé vers l’outrance d’un fortissimo effrayant.
Revendiqués par Strauss sont les sentiments qu’expriment ses poèmes symphoniques. Le troisième, Mort et Transfiguration, sorte d’épopée contemplative et passionnée, présente un homme à la dernière heure de sa vie.
Soutenue par des cuivres aussi nets qu’expressifs, l’intensité dont Marek Janowski habite cette prise de conscience se concentre en un paroxysme intransigeant d’idéalisme et de rigueur, l’orchestre, tour à tour rutilant, guerrier, triomphant, ou ses sonorités étales longuement portées, les réminiscences de motifs ciselés sur le halo de l’orchestre avec la même discipline dans une même respiration.
Quand deux grands interprètes de Wagner se retrouvent, on peut s’attendre à des moments rares. Nina Stemme porte en elle et sur elle la grandeur d’Isolde. Son maintien corrobore la voix magnifique. Droite dans sa longue robe blanche, les bras le long du corps, absolument immobile après être demeurée discrètement assise parmi les violons à se pénétrer d’un Prélude de Tristan et Isolde d’une intensité en suspens, elle apparaît dans l’enchaînement magiquement lié de ce début de l’opéra et de sa fin, voix qui naît de l’orchestre.
Face à la mort, Isolde proclame sa passion. Nina Stemme en sublime l’incandescence. Le tourment n’est plus. La ferveur illumine les couleurs mordorées du timbre. Magnifiée dans l’assomption de son agonie, Isolde connaît l’extase sans perdre sa souveraine dignité, portée par un chef dont l’inspiration habite sans vains excès une partition qu’il connaît par cœur et dont il a pénétré « l’art profond d’un silence résonnant » dès les premières mesures du Prélude qui nous mènera du désir à la mort.
Transitions subtiles, flots de l’orchestre contrôlés par son chef comme s’il disparaissait en eux pour mieux les habiter. L’humilité de Janowski est à la hauteur de sa maîtrise du grand tout de cette musique inspirée par l’amour impossible et aussi Venise où elle fut composée, Venise et ses résonnances, son mystère et ses réverbérations, son délitement, ses scintillements et ses splendeurs.
Grâce à l’entente parfaite entre la soprano et le chef, les cinq Wesendonck-Lieder sur des poèmes de Mathilde Wesendonck, dont un seul a été orchestré par Wagner, nous avaient auparavant étreints d’une réelle émotion, annonciatrice du trouble à venir avec le célèbre accord dissonant ressuscité ce soir quand commence l’histoire de Tristan et Isolde.
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Salle Pleyel, Paris Le 06/03/2012 Claude HELLEU |
| Concert du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin sous la direction de Marek Janowski, avec la participation de la soprano Nina Stemme Ă la salle Pleyel, Paris. | Anton Webern (1883-1945)
Six Pièces pour orchestre op. 6
Version de 1828
Richard Wagner (1813-1883)
Wesendonck-Lieder
Nina Stemme, soprano
Richard Strauss (1864-1949)
Tod und Verklärung, op. 24
Richard Wagner
Tristan und Isolde
(Prélude et Mort d’Isolde)
Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
direction : Marek Janowski | |
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