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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de la soprano Karita Mattila accompagnée au piano par Ville Matvejeff dans la cadre des Grandes Voix à la salle Pleyel, Paris.
L’aisance des stars
Dans un programme varié et complexe consacré au romantisme tardif, la soprano Karita Mattila, assez rare sous nos latitudes, a affirmé salle Pleyel sinon une santé vocale absolue, du moins une maîtrise fulgurante de son art. Un aigu somptueux, un médium moins net, mais du style, de la musicalité et un timbre de miel et d’or.
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On comprend facilement pourquoi les Sieben frühe Lieder d’Alban Berg ne sont pas plus souvent chantés. Ils cumulent les écueils d’une écriture en voie de mutation, encore très lyrique mais obsédée quand même de sobriété et d’intériorité, dans un climat général à la fois très postromantique et fortement modernisant.
Karita Mattila aborde cet univers avec ses moyens de grande cantatrice d’opéra qu’elle ne cherche nullement à masquer, sauf quand c’est vraiment indispensable. L’omniprésence de la nuit dans ces poèmes tous de poètes différents permet à la cantatrice ce tour de force de certains peintres qui parviennent à représenter une scène nocturne avec des couleurs.
La soprano ne ternit ni n’assombrit la richesse de son timbre, préférant travailler sur le sens des mots avec une belle intelligence. Le résultat est convaincant, émouvant, même si l’on a connu sa voix avec un médium plus onctueux, plus homogène. Mais déjà , quels aigus d’une limpidité bouleversante, quelle belle présence, quel art de communiquer avec le public !
Dans les quatre Lieder de Brahms qui concluent la première partie se retrouve sous-jacent le thème de la nuit sous diverses formes. Beaucoup de délicatesse encore dans ces évocations où l’amour aussi est toujours là , même dans la célèbre Sérénade inutile ou inachevée, selon les traductions, où Mattila commence à dévoiler un peu l’humour dont on la sait capable et qu’elle libérera totalement en fin de soirée au moment des bis.
Trois mélodies de Debussy ouvrent la deuxième partie, parfaites de style, de maîtrise du souffle, d’attention portée au texte même si celui-ci n’est pas toujours totalement intelligible. Et puis, pour clore un programme riche, un terrain sur lequel la cantatrice finlandaise est certainement plus à l’aise encore, celui de quatre mélodies de Strauss dont un Wiegenlied susurré sans pâmoisons excessives mais avec un legato et une tenue de souffle exemplaires.
Enfin, pour finir, à pleine voix comme pour Tosca ou Salomé, Karita Mattila donne le grand frisson à la salle médusée avec les puissantes et sensuelles invocations Adonis ! Adonis ! de Frühlingsfeier.
Une sorte de libération suivie par d’abondants propos conviviaux à l’intention du public, comportement absolument décontracté de la diva, rajustant le décolleté de sa robe, multipliant les saluts de toutes sortes avec une gentille ironie, comme si elle venait de sortir d’une épreuve terrible victorieusement surmontée ! Un autre personnage, une image plus humaine du monstre sacré, comme désormais aiment à l’incarner tant d’invités des Grandes voix.
Pour partenaire, Mattila avait choisi l’excellent pianiste Ville Matvejeff, vrai musicien lui aussi, à l’opposé des accompagnateurs besogneux, qui sont, il faut le reconnaître, de plus en plus rares. Mais son mérite n’en est pas moindre d’avoir réussi à exister si bien aux côtés de l’intense rayonnement d’une artiste aussi belle à regarder que passionnante à entendre et de l’avoir si habilement soutenue dans ce parcours toujours si musical.
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Salle Pleyel, Paris Le 20/03/2012 GĂ©rard MANNONI |
| Récital de la soprano Karita Mattila accompagnée au piano par Ville Matvejeff dans la cadre des Grandes Voix à la salle Pleyel, Paris. | Alban Berg (1885-1935)
Sieben frĂĽhe Lieder
Johannes Brahms
Meine Liebe ist grün op. 63 n° 5
Wiegenlied op. 49 n° 4
Von ewige Liebe op. 43 n° 4
Claude Debussy (1862-1918)
Harmonie du soir
Le jet d’eau
Recueillement
Richard Strauss (1864-1949)
Der Stern op. 69 n° 1
Wiegenlied op. 41 n° 1
Allerseelen op. 10 n° 8
Frühlingsfeier op. 56 n° 5
Karita Mattila, soprano
Ville Matvejeff, piano | |
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