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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert animé du pianiste Mikhail Rudy autour de la Métamorphose de Kafka, avec projection d’un film réalisé par The Quay Brothers à la Cité de la Musique, Paris.
Miroirs mortifères
S’ouvrant par une première partie en forme de rĂ©cital traditionnel, avec Ĺ“uvres de Liszt hantĂ©es par la mort, cette soirĂ©e sur une idĂ©e originale du pianiste Mikhail Rudy, proposait ensuite un surprenant cinĂ©-concert qui associait Ă l’exĂ©cution de pièces de Janáček aux tensions diffuses un film d’animation Ă©trange et obsĂ©dant intitulĂ© la MĂ©tamorphose.
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Placé au cœur du cycle Métamorphoses de la Cité de la musique, ce parcours visuel et musical a été conçu par le pianiste né en Russie Mikhail Rudy en étroite collaboration avec ses amis de longue date les frères Quay, réalisateurs américains de films associant marionnettes, effets visuels et musique classique en écho à des œuvres littéraires d’inspiration fort diverse.
Après son projet sur les Tableaux d’une exposition associant images et musique, également réalisé avec la Cité de la musique, Mikhail Rudy explique lui-même : « les images des Quay ouvrent la porte d’un monde onirique. Ni illustration visuelle, ni accompagnement musical, les sons se métamorphosent en tableaux et les images poignantes font résonner les notes longtemps. »
Le programme musical soigneusement agencĂ© offre lui aussi correspondances et Ă©chos, en rapprochant les arcanes du chromatisme du Wagner de la Mort d’Isolde, sublimĂ©es dans la version pianistique de Liszt, de la fixitĂ© des harmonies de sa Lugubre gondole, et des dĂ©luges de passion de sa Sonate en si mineur, jusqu’ aux effusions plus sourdes de la sĂ©lection des Ĺ“uvres de Janáček.
Très concentré dès son entrée sur l’estrade de la grande salle, Rudy trouve d’emblée dans la Lugubre gondole une sonorité pleine et dense, même dans les plus sonorités les plus ténues, même si la pulsation assez libre qu’il adopte, d’esprit quasi rhapsodique, surprend pour une pièce au caractère étale plus souvent affirmé.
La transcription par Liszt de la Liebestod de Wagner appelle les mêmes commentaires : d’abord sombrement ancrée dans les basses, et plutôt allante, elle se déploie avec un lyrisme toujours plus passionné et de belles irisations dans la mélodie, même si un resserrement des contrechants nuit à l’épanouissement des lignes, pourtant intensément phrasées. Avant une fin comme suspendue, l’atteinte du climax émotionnel, avec son effet d’amplification sonore grâce aux basses martelées, paraît même ne pas disposer d’un espace suffisant pour s’exprimer avec assez d’ampleur.
Censée couronner cette première partie de récital sans images, l’exécution de la Sonate en si mineur de Liszt ne rend justice ni à la puissance de sa construction, ni à la virtuosité étourdissante de son écriture : elle souffre d’une exécution trop imprécise, précipitée et comme dominée par les passions, d’où seuls émergent quelques beaux épisodes médians aux sonorités diaprées.
Pendant la projection du film des frères Quay en seconde partie, sur un grand Ă©cran au-dessus du pianiste, celui-ci enchaĂ®ne dans la pĂ©nombre, avec intĂ©rioritĂ©, concentration et grand sens narratif, sa sĂ©lection de pièces de Janáček avec une synchronisation très rĂ©ussie avec le dĂ©roulement du film, ressassant de sombres images traversĂ©es de brefs Ă©clairs lumineux.
Celles-ci font pleinement écho aux motifs musicaux le plus souvent allusifs même si parfois obstinément répétés, autant dans les deux mouvements menaçants et denses de la Sonate, que dans les extraits retenus parmi les plus sombres du Sentier recouvert, pour s’achever avec l’assagissement résigné du dernier volet de Dans les brumes.
Suggérant sans jamais expliciter le déroulement de la nouvelle de Kafka, et le triste devenir du personnage de Gregor Samsa, rejeté par ses proches après sa transformation en insecte, et introduit par une brève bande sonore bruitée, tel un moment fondateur de l’événement de la Métamorphose, ce film offre un rare mélange d’images allusives et obsédantes, de cadrages souvent obliques sur des images au ton parfois sépia, parfois floutées, traversées d’apparitions soudaines menaçantes et grotesques, hormis la brève image lumineuse bien qu’imprécise de la sœur de Gregor jouant du violon…
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Cité de la Musique, Paris Le 21/03/2012 Gérard HONORÉ |
| Concert animé du pianiste Mikhail Rudy autour de la Métamorphose de Kafka, avec projection d’un film réalisé par The Quay Brothers à la Cité de la Musique, Paris. | Franz Liszt (1811-1886)
La Lugubre Gondole (1882)
Transcription de la Mort d’Isolde (1867)
Sonate en si mineur (1857)
Leos Janaček (1854-1928)
Sonate « 1.X.1905 » (1906)
Sur un sentier recouvert, extraits : Anxiété indicible, En pleurs, la chouette ne s’est pas envolée
Dans les brumes, extraits : Molto adagio, Presto
Mikhail Rudy, piano
The Quay Brothers, film d’animation | |
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