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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise du spectacle le Rossignol et autres fables de Robert Lepage sous la direction d’Aléjo Perez à l’Opéra de Lyon.
Le mandarin merveilleux
C’est un véritable trésor que l’Opéra de Lyon reprend avec un succès artistique et public intact. Le spectacle le Rossignol et autres fables conçu par Robert Lepage autour de Stravinski, qui fait à nouveau salle comble, est en effet un condensé de ce que le mélange des formes théâtrales traditionnelles peut produire de plus fin à l’opéra.
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Présenté d’abord à l’Opéra de Toronto puis au festival d’Aix-en-Provence 2010, avant de poursuivre sa route à l’Opéra Nouvel, le Rossignol et autres fables de Robert Lepage compte parmi les spectacles très courus de ces dernières années. Au point que l’Opéra de Lyon, coproducteur l’ayant déjà affiché la saison dernière, reprend ce printemps avec la même affluence aux guichets cette petite merveille de poésie consacrée à la phase créatrice médiane d’Igor Stravinski.
L’opéra miniature en trois actes le Rossignol, d’une durée de trois petits quarts d’heure, conçu d’après le conte d’Andersen, occupera la deuxième partie, en s’inspirant du théâtre japonais Bunraku, les somptueuses marionnettes de Michael Curry évoluant dans le décor d’un plan d’eau à l’avant-scène, l’orchestre relégué sur le plateau en absence totale de fosse.
Jonque, bonsaï noueux, chapeaux chinois, volatile insaisissable, cour miniature, couche royale dissimulant le squelette articulé de la Mort, montreurs immergés assurant les déplacements des accessoires et chanteurs manipulant les marionnettes avec aisance, l’illusion fonctionne à plein et sert au mieux ce conte écologique sur la futilité du mécanique, le plus bel oiseau carillon du monde n’étant d’aucun prix face au miracle du chant d’un animal de chair.
Dans sa quête d’offrir un authentique spectacle autour du Rossignol, le metteur en scène canadien a eu l’intelligence de concevoir une première partie où sont mêlées évocations animales et folklore russe plus traditionnel. Ragtime en ouverture, les Trois pièces pour clarinette seule éclatées entre les Pribaoutki, les Berceuses du chat, les Deux poèmes de Constantin Balmont, les Quatre chants paysans russes et Renard, le tout dans des enchaînements d’une fluidité évidente.
Autre ressource théâtrale à même de ravir petits et grands, les ombres éclairent ce préambule de deux manières : ombres chinoises, dessinant à force de contorsions des mains lapins assoiffés, chat malicieux et autres saynètes cocasses illustrant à merveille l’univers minimaliste du Stravinski de la période suisse, mais aussi théâtre d’ombre avec les silhouettes des acrobates derrière un tulle pour le cruel Renard, les chanteurs jouant aussi en contrepoint au bord de scène.
À l’heure où sort à peu près tout et n’importe quoi en DVD, y compris des doublons d’opéras surreprésentés au catalogue avec des distributions redondantes, on espère qu’une firme aura la bonne idée de capter ce petit bijou d’invention et de poésie naturaliste comme il en est peu, consacré à des ouvrages rarement ou jamais entendus dans les salles lyriques, et qui méritent amplement la réhabilitation proposée ici.
Réhabilitation à laquelle participe une équipe musicale ad hoc, menée par la baguette fine, nette et précise d’Aléjo Perez, cadre rythmique admirable de lisibilité, contours saillants, dosage impeccable des masses et équilibres sonores, tant dans les effectifs réduits de la première partie que dans l’orchestre plus pléthorique du Rossignol, où flotte un juste aiguisement des timbres qui fait mouche.
Succéder aux coloratures d’Olga Peretyako n’a pas dû être une mince affaire, tant la soprano était associée à la réussite du spectacle. Pari réussi toutefois pour Anna Gorbachyova, car si l’intonation du nouveau Rossignol n’a pas exactement la précision de l’original, le timbre est tout à fait ravissant, l’émission bien canalisée, avec un aigu projeté comme il se doit.
De même, le Pêcheur clair-timbré d’Edgaras Montvidas a laissé la place au format plus large de Lothar Odinius, jamais avare non plus en flottement irréel. Et à l’exception de Ruslan Rozyev en Empereur et basse 2 de Renard – aussi basse que Gorbachyova est soprano dramatique –, voix avalée et graves inexistants, le plateau ne souffre aucune réserve, et affiche même la Cuisinière irradiante d’Elena Semenova, cerise sur le gâteau d’un spectacle merveilleux au sens premier.
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Opéra national, Lyon Le 22/04/2012 Yannick MILLON |
| Reprise du spectacle le Rossignol et autres fables de Robert Lepage sous la direction d’Aléjo Perez à l’Opéra de Lyon. | Le Rossignol et autres fables
Coproduction avec le festival d’Aix-en-Provence, la Canadian Opera Company et le Nederlandse Opera d’Amsterdam.
Igor Stravinski (1882-1971)
Ragtime (1918)
Trois pièces pour clarinette seule (1919)
Jean-Michel Bertelli, clarinette
Pribaoutki (1914)
Berceuses du chat (1916)
Svetlana Shilova, alto
Deux poèmes de Constantin Balmont (1911)
Version orchestrée de 1954
Elena Semenova, soprano
Quatre chants paysans russes (1917)
Version avec cors de 1954
Renard (1916)
Marat Gali, ténor 1
Lothar Odinius, ténor 2
Nabil Suliman, basse 1
Ruslan Rozyev, basse 2
Livret de Stravinski
Le Rossignol, opéra en trois actes (1914)
Livret du compositeur et Stepan Mitousov d’après le conte d’Andersen
Anna Gorbachyova (le Rossignol)
Elena Semenova (la Cuisinière)
Svetlana Shilova (la Mort)
Lothar Odinius (le PĂŞcheur)
Ruslan Rozyev (l’Empereur de Chine)
Nabil Suliman (le Chambellan)
Michael Uloth (le Bonze)
Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Lyon
direction : Aléjo Perez
mise en scène : Robert Lepage
scénographie : Carl Fillion
conception marionnettes : Michael Curry
chorégraphie marionnettes : Martin Genest
costumes, perruques et maquillages : Mara Gottler
éclairages : Étienne Boucher
préparation des chœurs : Alan Woodbridge | |
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