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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre national de France sous la direction de Tan Dun au Théâtre du Châtelet, Paris.
Alliance chinoise
Deux œuvres mineures de Debussy préludant à deux œuvres majeures de Tan Dun, Intercourse of Fire and Water, son concerto pour violoncelle, et Death and Fire : un concert où le compositeur chinois a mieux servi ses compositions, attentif à mettre en valeur des jeux de sonorités originales étayés d’une recherche embrassant Orient et Occident.
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Né en Chine à Changsha, Tan Dun avait 29 ans quand il s’est installé aux États-Unis. Cette double appartenance nourrit son œuvre, importante. L’Orchestre national de France lui avait confié la direction du concert qui nous en présentait deux titres, Intercourse of Fire and Water, concerto pour violoncelle et orchestre, puis Death and Fire, symphonie sous-titrée Dialogue avec Paul Klee.
Intercourse of Fire and Water porte le numéro Un d’un cycle de concertos intitulé Yi. « Ce cycle se compose d’une pièce originelle – un concerto pour orchestre Yio – sur laquelle vient à chaque fois se superposer une pièce pour instrument soliste. Suivant la philosophie du Yi-King, l’orchestre apparaît alors comme ce qui existe déjà tandis que la pièce soliste devient le potentiel qui reste à découvrir , nous précise le programme.
Le Yi-King est le Livre des transformations et remonte au VIIIe siècle avant J.-C. Transformations ici de sonorités, de rythmes, de techniques fascinantes, raclements répétitifs, cordes pincées, frappes inédites, que cisèle l’ONF sous la direction méticuleuse de Tan Dun.
Le soliste s’y greffe avec la même précision. Interpellations, oppositions, surprises émaillent leur relation. Anssi Karttunen, à qui le concerto est dédié et qui l’a créé en 1995 à Helsinski, se joue des difficultés de la partition, où timbres, tempi et dynamiques, éclats et silences, succession de climats confondent styles et époques, Orient et Occident dans une subtilité de nuances en accord avec la portée philosophique recherchée par le compositeur.
Auparavant, la Rhapsodie pour saxophone alto et orchestre de Debussy, composée en 1903-1904, inachevée et complétée et orchestrée en 1919 par Jean Roger-Ducasse, avait permis à Fabrice Moretti de nous enchanter de sa sonorité profonde.
Ainsi mis sur le devant de la scène, le soliste porte les mélodies dans un souffle de couleurs du plus bel effet et contribue à ce qu’on ne prête pas trop attention aux négligences de l’orchestre. Tan Dun ne semble pas avoir porté grand soin à mettre au point l’interprétation d’une partition quelque peu chaotique il est vrai.
De même dirige-t-il sans conviction la Première Rhapsodie pour clarinette et orchestre, composée en 1909-1910 à la demande de Gabriel Fauré et destinée au concours du Conservatoire de Paris. Sorti du rang, entouré de ses collègues bienveillants, Patrick Messina, premier clarinettiste du National, exploite au mieux les ressources de son instrument.
Rêveries et animation se relaient sagement. « Ce morceau, certainement un des plus aimables que j’aie jamais écrits », dira Debussy, se déroule sans faillir à une juste mesure, mais loin de la magie poétique ou de la joie primesautière qu’on peut en attendre.
Deux Debussy comme des hors-d’œuvre aux mets principaux de ce concert. Le second, Death and Fire bénéficie à nouveau des qualités de chef d’orchestre du compositeur. Présentée comme un dialogue avec Paul Klee, la symphonie prend naissance dans les cordes graves, évolue vers une note haute du premier violoncelle doublée des basses, isole, oppose et mêle les instruments généralement solistes, fusionne parfois des pupitres toujours différenciés dans une esthétique plus linéaire qu’harmonique, à l’image de la peinture de Paul Klee, « semblable à l’esthétique chinoise ».
S’y déroulent les sonorités incroyables des cuivres, les nuances des percussions, les interventions vocales plutôt buccales, les silences percutants, un lever soudain de tous les musiciens dans un fortissimo abrupt… La fièvre n’a d’égale que la rigueur d’une telle recherche.
Grand, mince, souriant, la battue sobre et déterminée, Tan Dun dirige avec un feu parfaitement contrôlé les sections de cette œuvre fondues dans une continuité qui se veut plus soucieuse de son âme que de ses effets. Une pièce néanmoins impressionnante, tout autant que la précédente.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 10/05/2012 Claude HELLEU |
| Concert de l’Orchestre national de France sous la direction de Tan Dun au Théâtre du Châtelet, Paris. | Claude Debussy (1862-1918)
Rhapsodie pour saxophone alto et orchestre
Fabrice Moretti, saxophone alto
Tan Dun (*1957)
Intercourse of Fire and Water
Anssi Karttunen, violoncelle
Claude Debussy
Première Rhapsodie pour clarinette et orchestre
Patrick Messina, clarinette
Tan Dun
Death and Fire (Dialogue with Paul Klee)
Orchestre national de France
direction : Dan Tun | |
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