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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Macbeth de Verdi dans une mise en scène de Gilles Bouillon et sous la direction de Jean-Yves Ossonce à l’Opéra de Tours.
Recherche époux Macbeth désespérément
En janvier 1999, l’Opéra de Tours présentait Macbeth de Verdi avec la saisissante Lady de Michèle Lagrange. On en frissonne encore… Rien de tel dans la nouvelle production confiée à Gilles Bouillon, que la direction implacablement concentrée de Jean-Yves Ossonce porte à bout de bras, sans pour autant vaincre les limites vocales et expressives du couple infernal.
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Macbeth, c’est d’abord un couple, fusionnel et maléfique, mais surtout vocal. Il y faut donc deux chanteurs capables de plier une discipline encore belcantiste aux cris et chuchotements que Shakespeare inspira à Verdi entre deux fanfares risorgimentales.
Lorsque parut le programme de la saison 2011-2012 de l’Opéra de Tours, Marc Barrard devait y faire sa prise de rôle, tandis que l’oiseau rare qui allait succéder à la Lady de Michèle Lagrange restait à dénicher – pari risqué, presque une folie… Pour ne rien arranger, le baryton français déclara forfait. Et voici que deux des emplois parmi les plus exigeants du répertoire se retrouvaient sans titulaires.
N’étaient ses dĂ©buts dans le rĂ´le en 2009 au Festival International du Chiemgau – Ă mi-chemin entre Munich et Salzbourg –, rien ne laissait prĂ©sager que Jana DoleĹľĂlková serait en mesure d’endosser le costume de Lady Macbeth sans dommage – de l’obligation de croire les agents sur parole, et de mettre parfois une production entre leurs mains… Mais dommages il y eut. Sur sa voix, intrinsèquement lyrique – elle chante ailleurs Tatiana, LiĂą, Donna Elvira –, et sur nos oreilles.
Non que le timbre ne fasse un instant illusion. Mais condamnée à sauter à pieds joints dans tous les pièges que lui tend cette partie meurtrière, la soprano n’y arrive tout simplement pas. L’aigu s’effiloche, le grave se tasse, et le médium se fracasse sur des sauts de registres hors de portée, entraînant avec lui ces mots qui, dans les duos et la scène du somnambulisme, sont une planche de salut. Passé ce constat – c’est-à -dire avant même la cabalette de l’air d’entrée –, cette Lady indiffère.
Dans le rôle-titre, Enrico Marrucci est lui aussi obligé de forcer sa nature, sa couleur – de Malatesta, de Schaunard, de Papageno, moins sans doute d’Amonasro ou de Conte di Luna. Mais en dépit des oscillations marquées de la ligne de chant, le baryton italien finit par émouvoir, à force de sincérité. Et tant pis pour l’ambivalence de ce caractère infirm of purpose.
Pas davantage d’effroi chez le Macduff uniment claironnant de Luca Lombardo, ni même de trouble chez Jean Teitgen, qui déploie en Banco la noble autorité de sa basse granitique. Et moins encore dans la mise en scène de Gilles Bouillon, dont le théâtre ailleurs sensible et essentiel – sa Bohème, ses Dialogues des carmélites – achoppe décidément sur le mélodrame verdien, après un Simon Boccanegra confit dans la convention.
Ces parois d’acier rongés par la rouille, ce sol jonché de crânes mis à nu pendant l’introduction orchestrale de la scène du somnambulisme, révèlent ce que cette production aurait pu, et dû être, tragédie nocturne dont les brumes transpirent du sang. Mais le directeur du CDR de Tours ne cesse d’encombrer le plateau d’éléments prosaïques et accessoires.
Est-ce pour montrer que les époux Macbeth sont des parvenus que leur chambre s’orne d’un lit capitonné de satin vert, sous le regard d’une Judith de Lucas Cranach ? Et ces inscriptions lumineuses pour signifier que nous sommes au théâtre, parce que « la vie n’est qu’un pauvre acteur qui s’agite pendant une heure sur la scène… » (Shakespeare, Macbeth, V, 5).
Fascinant laboratoire, la partition de Macbeth est souvent le terrain d’un extrémisme dynamique et agogique qui en souligne l’aspect visionnaire. Le drame dès lors se joue dans la fosse, où Jean-Yves Ossonce préfère cependant concentrer les effets d’une pulsation implacable, entretenant une tension que l’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours et des chœurs d’une vigoureuse intensité ne relâchent jamais.
Et si l’acoustique du Grand Théâtre surexpose parfois les timbres, les privant de leur part de mystère, elle aiguise surtout la terrible crudité de certains alliages.
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