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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production des Pêcheurs de perles de Bizet dans une mise en scène de Yoshi Oïda et sous la direction de Leo Hussain à l’Opéra Comique, Paris.
Les PĂŞcheurs sans perles
Très daté dans l’orientalisme de pacotille de son siècle, l’opéra de jeunesse les Pêcheurs de perles de Bizet fait son retour à Favart dans des atours dépouillés, débarrassé de la surcharge façon Turandot qui lui colle trop souvent à la peau. Une scénographie plus moderne que la direction d’acteurs, relayée par une exécution musicale hautement dramatique.
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Il est bien loin, le temps où l’Orient n’évoquait pour les Parisiens qu’un ailleurs de contes de fées, impalpable, fantasmatique, dont on ne connaissait la culture que par la rumeur, et qui allait être dévoilé concrètement par les expositions universelles.
Le rapport de nos contemporains à l’Asie n’a plus rien à voir, et il est difficile de ne pas sourire devant le fatras mythologico-pittoresque dont regorge la dramaturgie des Pêcheurs de perles de Bizet, qui, s’il offrait un rêve d’évasion pour le public de son temps, ne dit plus grand chose à notre imaginaire.
Aussi, plutôt que de sombrer dans l’orientalisme de pacotille, le meilleur service à rendre à cette partition de jeunesse du compositeur de Carmen est de l’aborder par le biais de l’épure, sans pour autant lui refuser son exotisme. C’est le choix qu’a fait Yoshi Oïda, déjà auteur à la scène lyrique d’une Mort à Venise de Britten du plus beau pouvoir évocateur.
Mur de fond de scène et plancher incliné évoquant les rouleaux de l’Océan Indien, miroirs latéraux mis en valeur par l’absence de pendrillons, l’esthétisme japonais un rien sévère offre un cadre dramaturgique proche de l’abstraction évitant tout cliché, et au demeurant admirablement éclairé.
On regrette d’autant plus que la direction d’acteurs, certes économe, reste dans le sillage des postures conventionnelles, car le minimalisme des accessoires allait bien dans le sens du dépouillement – squelettes de pirogues suspendues et de tipis, pontons déplacés par des danseurs prenant presque constamment part à l’action.
Ces derniers se chargent d’ailleurs du mouvement à la place du chœur – traité à l’antique et donc quasi immobile –, dans des contorsions, glissades et autres figures acrobatiques égayant jusqu’aux airs, joués de manière très intérieure par les chanteurs.
Côté distribution, l’Opéra Comique n’a pas lésiné sur les moyens, sans doute jusqu’à l’excès. L’accroche, l’émission proche du nez, fortement et clairement projetée de Dmitri Korchak font plaisir à entendre, même si elles ne rendent que moyennement compte de l’ambivalence de Nadir.
D’une diction intelligible quoique exotique, le jeune Russe sait alléger, mais on sent constamment une envie de déployer une ligne dont la rondeur n’est pas la qualité première. Et si l’ut terminal optionnel de son air est délivré avec facilité, son éclat contredit l’adjectif « charmant » qualifiant son « souvenir ».
La Leïla de Sonya Yoncheva, à l’opposé des rossignols lakméens, affirme elle aussi un tempérament volcanique, avec une émission teintée de blessure, un vibrato ardent et une présence vocale saisissante. Fêlure, grandeur tragique, jusque dans des attaques souvent voilées par de l’air, soit une stature qui renouvelle un emploi d’ordinaire beaucoup plus passif, malgré un français là encore perfectible.
Aucune réserve de cet ordre en revanche pour les clés de fa, Nourabad impérial de Nicolas Testé, d’un grain d’authentique basse noble, d’un legato somptueux, et Zurga impressionnant d’impact dans le haut registre d’André Heyboer, qui, s’il n’a pas l’instrument le plus coloré du monde, affiche avec une déclamation authentiquement française une sûreté à toute épreuve.
La sûreté, voilà sans doute la pierre d’achoppement de l’Orchestre philharmonique de Radio France, comme souvent assez incertain dans les attaques de ses cuivres, mais au moins d’une couleur idoine, d’une délicatesse de touche – la flûte – et d’une vérité de timbres souvent un rien brusquées par la direction en raz-de-marée de Leo Hussain, qui a opté pour la version originale de la partition, plus dramatique que la révision en vigueur jusqu’à la fin des années 1980.
Et s’il se perd parfois dans des tempi trop étirés – prélude, airs de Nadir et Leïla –, le chef britannique déchaîne les passions, fouettant le drame et les orages avec une intensité rare, notamment dans des épisodes choraux lapidaires, dont accentus, d’une précision admirable, gagnerait à faire claquer de manière moins outrée les consonnes et à égaliser les timbres au sein des pupitres, particulièrement chez les hommes.
Opéra Comique, Paris, jusqu'au 28 juin
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