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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Lohengrin dans la mise en scène de Hans Neuenfels et sous la direction d’Andris Nelsons au festival de Bayreuth 2012.
Bayreuth 2012 (3) :
L’envol du cygne
Exceptionnel Klaus Florian Vogt dans cette reprise du Lohengrin de Neuenfels à Bayreuth, qui éclipse tout ensemble les limites du plateau et de la mise en scène, dans un spectacle qui trouve sa vitesse de croisière et laisse au final une impression très positive. Au passage, un petit rappel à l’usage des chanteurs sur l’art d’exploiter l’acoustique des lieux.
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L’acoustique de Bayreuth a ceci de particulier que le son de l’orchestre y est mélangé et amorti avant de parvenir dans la salle, les chanteurs le recevant en revanche frontalement, avec la tentation inévitable de lutter contre cette marée de décibels.
Regrettable erreur, si l’on en croit l’étonnant équilibre du plateau de ce Lohengrin, où Klaus Florian Vogt, qui n’est certainement pas le plus large Heldentenor qu’ait connu la Colline, domine absolument plateau, chœurs et orchestre par la précision de sa voix. Il serait un chevalier parfait sans une déclamation un rien scolaire, sans grand relief, tant la conduite de la voix est miraculeuse, lui valant une standing ovation dès son premier salut.
Son émission spontanée, son timbre clair, d’une innocence schubertienne, d’une transparence d’évangéliste, non seulement lui permettent les inflexions les plus suaves en même temps qu’une intelligibilité merveilleuse, mais en plus – et c’est là l’enseignement de la soirée – le hissent en permanence au premier plan dans des ensembles où il est le seul qu’on ne perde jamais.
Samuel Youn n’est pourtant pas la moitié d’une voix, comme il le prouve en alternance dans le Vaisseau fantôme, mais on comprend mieux le phénomène à travers sa prestation : un peu terne dans un premier acte où il s’efforce manifestement de passer – avec pourtant des appels a cappella –, il assouplit l’émission dans le deuxième, et lui voici soudain un regain de présence.
Même constat pour une Annette Dasch plus sûre que par le passé dans un rôle où on lui pardonnerait volontiers sa légèreté si le brillant était d’un véritable soprano blond, et qui du coup confère à Elsa une jeunesse un peu lisse assez bien accordée à son élégiaque prétendant. Mais elle se bat avec le volume sonore ambiant aux deux premiers actes, avant de trouver au III chant plus maîtrisé, et du coup une efficacité plus concentrée.
L’Ortrud désordonnée de Susan Maclean, pas plus captivante qu’en Kundry, même si les effets sont ici moins malvenus, s’associe à la belle déclamation wagnérienne de Thomas Johhanes Mayer, Telramund qui s’efforce de compenser en force ce qu’il n’a pas tout à fait en voix, et gagne en projection dès lors qu’il module davantage.
Enfin, le Roi Heinrich paranoïaque voulu par Neuenfels trouve en Wilhelm Schwinghammer un interprète moins stimulant que Georg Zeppenfeld les années passées, d’émission compacte, au détriment de la fragilité, mais avec un savoir-faire respectable.
Si les pièges de l’acoustique de Bayreuth sont particulièrement révélés par le plateau, ses sortilèges transfigurent un orchestre transcendé par Andris Nelsons, loin des irrégularités de 2010. Le fondu et le travail sur l’intonation valent un prélude du I saisissant, mais les épisodes dramatiques sont cette fois d’une rutilance équilibrée et d’une vitalité parfaite. Les chœurs quant à eux éblouissent par leur précision et leur homogénéité, fidèles à leur réputation.
Reste la mise en scène, toujours discutable, dont le concept écrase parfois l’immédiateté théâtrale, mais avec une sobriété, une concentration plus aboutie que par le passé. Le dernier chœur avant l’arrivée de Lohengrin puis toute la fin du I, musicalement swingués, visuellement pas si loin de la comédie musicale, assument avec humour le conventionnel de la situation, tandis que l’épure de la relation du Chevalier au Cygne avec Elsa a peut-être gagné en profondeur.
La présence des rats, moins pesante que par le passé – peut-être aussi parce qu’on s’y est habitué –, s’avère au fond signifiante et efficace, racontant beaucoup de choses sur la condition humaine, le tout dans une scénographie très loin du pire du Regietheater – l’actuel Tannhäuser par exemple est bien plus indigeste – et avec quelques bonnes trouvailles – le personnage du Heerrufer, Lohengrin enfermé au lever de rideau, le carrosse de Telramund pillé, les festivités des rats.
À travers cette représentation, Bayreuth réaffirme ses fondamentaux : l’expérimentation, le travail d’atelier, le mûrissement des productions et la concentration sur un compositeur ont du sens, et l’équilibre particulier voulu par Wagner entre scène et musique repose aussi, surtout dans cette acoustique, sur un refus par les chanteurs de certains réflexes d’opéra, notamment la tentation de faire du son.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 13/08/2012 Thomas COUBRONNE |
| Reprise de Lohengrin dans la mise en scène de Hans Neuenfels et sous la direction d’Andris Nelsons au festival de Bayreuth 2012. | Richard Wagner (1813-1883)
Lohengrin, opéra romantique en trois actes (1850)
Livret du compositeur
Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Andris Nelsons
mise en scène : Hans Neuenfels
décors & costumes : Reinhard von der Thannen
Ă©clairages : Franck Evin
préparation des chœurs : Eberhard Friedrich
Avec :
Wilhelm Schwinghammer (König Heinrich), Klaus Florian Vogt (Lohengrin), Annette Dasch (Elsa), Thomas Johannes Mayer (Telramund), Susan Maclean (Ortrud), Samuel Youn (Der Heerrufer des Königs), Stefan Heibach (1. Edler), Willem Van der Heyden (2. Edler), Rainer Zaun (3. Edler), Christian Tschlelebiew (4. Edler), Johanna Dur, Stephanie Hanf, Anja Fidelia Ulrich, Jennifer Westwood (Edelknaben). | |
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