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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Reprise de Tannhäuser dans la mise en scène de Sebastian Baumgarten, sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2012.

Bayreuth 2012 (4) :
Un fourre-tout repoussant

© Bayreuther Festspiele GmbH / Enrico Nawrath

L’humilité est une vertu rare. Pour preuve, le Tannhäuser de Sebastian Baumgarten porté pour la deuxième année sur les planches de Bayreuth avec un intellectualisme dictatorial totalement inefficace, auquel une distribution tout sauf inoubliable ne redonne guère de couleurs. Même Christian Thielemann y commet quelques lourdeurs prussiennes.
 

Festspielhaus, Bayreuth
Le 15/08/2012
Thomas COUBRONNE
 



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  • On trouve dans le programme de ce Tannhäuser un article invraisemblablement pĂ©dant s’étonnant que le public et la critique n’aient pas toujours apprĂ©ciĂ© et compris ce spectacle. Loin d’affirmer que le plus grand nombre a toujours raison, rappelons que la plus Ă©lĂ©mentaire humilitĂ© pour un metteur en scène consiste Ă  admettre qu’aussi prĂ©cisĂ©ment qu’il sache ce qu’il veut raconter, le public comprend ce qu’il peut.

    Au fond, on ne trouve rien à redire aux intentions de Baumgarten, basées sur la méfiance de Wagner envers une société scientiste où l’humain n’aurait plus sa place. Tous les choix du metteur en scène sont expliqués, justifiés, et ont toujours sur le papier un rapport avec le projet. Le problème, c’est que ces rapports sont arbitraires et indéchiffrables.

    Ainsi le Venusberg, laboratoire où les généticiens de la Wartburg fabriquent des êtres artificiels, n’est pas identifiable comme tel sans avoir lu les notes d’intention : éclairé en rouge et sans aucun élément médical, on dirait plutôt une cage où sont enfermés entre des barreaux dont ils s’échappent aisément hommes primitifs et créatures aux allures de têtards verdâtres attaquant Tannhäuser – sans aucune ambiguïté des spermatozoïdes, nous dit-on.

    De la même manière, Elisabeth s’inflige les stigmates au II car, incapable de vivre dans cette société sous contrôle, elle se réfugie dans une religiosité fanatique, qui devrait aussi nous alerter sur des sévices sexuels peut-être infligés par Hermann – il n’y a qu’à le savoir ! – tandis que Vénus enceinte annonce la promesse de l’homme à naître et le choix du monde à venir.

    À peu près tout est du même acabit : du concept on tire une idée, et la scène a lieu sans logique apparente, en un spectacle incompréhensible. Et même quand l’idée est intelligible, sa réalisation semble volontairement dédramatisée – le suicide d’Elisabeth, en soi touchant puisqu’elle convainc sans un mot Wolfram de l’aider à mourir, mais ridicule quand ce dernier lui coince à demi le bras dans la porte du réservoir de biogaz.

    Alors certains sont tentés de fermer les yeux, mais la musique ne donne pas le frisson. Si Thielemann conduit avec flamme une trame dramatique endiablée, il se laisse ici ou là aller à une épaisseur qui n’aide pas à faire passer le visuel peu digeste de la production – fin de II très compacte, sans spiritualité. C’est aussi oublier bien vite que l’expérience baroqueuse de Bayreuth n’aura pas fait long feu, Thomas Engelbrock ayant quitté le navire au bout d’une courte année, sans avoir révolutionné l’ouvrage comme on était en droit de l’attendre.

    D’un plateau fort peu stimulant, seule Katja Stuber tire vraiment son épingle du jeu en un Jeune Pâtre radieux et frais, qui gagnerait à ne pas chercher autre chose que la légèreté enfantine du début de sa scène, tant les huiles de la Wartburg sont sans grand relief.

    Le roi Hermann de Günther Groissböck triche entre des graves limites et des aigus éteints par une émission voulant imiter une basse, Arnold Bezuyen et Martin Snell restent assez anonymes, Thomas Jesatko manque par trop d’aristocratie, et seul le Walther de Lothar Odinius propose un vrai personnage, mi-délicat mi-frigide.

    Michael Nagy chante Wolfram avec un engagement vocal qui n’a d’égal que la platitude musicale et théâtrale de ses pages, pourtant parmi les plus belles de l’opéra. La Romance à l’étoile – valsée avec Vénus – à pleine voix et sans legato le dispute à son chant de concours – seul moment où Baumgarten semble avoir écouté la musique, tant le pauvre Wolfram ne captive aucun personnage au plateau.

    Reste l’Elisabeth de Camilla Nylund, timbre qui rappellerait Karita Mattila, mais vibrato encombrant dans l’aigu, et le Tannhäuser de Torsten Kerl, qui alterne un héroïsme à la mesure du rôle avec des nasalités irrégulières dans le grave et l’aigu. Les paroles du pape sont d’ailleurs l’occasion d’accents outranciers mais au moins dramatiques et en accord avec le personnage, affreusement antipathique.

    Quant à la Vénus de Michelle Breedt, sans poison ni rayonnement vocal, la blancheur de ses aigus détimbrés dérange peut-être moins dans le contexte intellectuel et sans vie de la mise en scène. On regrettera qu’une réflexion sur le fond riche et argumentée aboutisse dans la forme à ce fourre-tout anecdotique et repoussant, finissant d’ailleurs sur une image fort laide avec diables de carnaval et hominidés spasmodiques.




    Festspielhaus, Bayreuth
    Le 15/08/2012
    Thomas COUBRONNE

    Reprise de Tannhäuser dans la mise en scène de Sebastian Baumgarten, sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2012.
    Richard Wagner (1813-1883)
    Tannhäuser, grand opéra romantique en trois actes (1845)
    Livret du compositeur

    Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
    direction : Christian Thielemann
    mise en scène : Sebastian Baumgarten
    décors : Joep van Lieshout
    costumes : Nina von Mechow
    Ă©clairages : Franck Evin
    vidéo : Christopher Kondek
    préparation des chœurs : Eberhard Friedrich

    Avec :
    Günther Groissböck (Hermann), Torsten Kerl (Tannhäuser), Michael Nagy (Wolfram von Eschenbach), Lothar Odinius (Walther von der Vogelwdeide), Thomas Jesatko (Biterolf), Arnold Bezuyen (Heinrich der Schreiber), Martin Snell (Reinmar von Zweter), Camilla Nylund (Elisabeth), Michelle Breedt (Venus), Katja Stuber (Ein junger Hirt).

     


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