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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création mondiale de JJR (Citoyen de Genève) de Fénelon dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Jean Deroyer au Grand Théâtre de Genève.
Comédie musicale de luxe ?
Philipe Fénelon, né en 1952, est un compositeur d’opéras prolifique et chanceux puisque toutes ses œuvres ont été montées avec bonheur dans les plus grandes salles. Son septième opus, JJR, citoyen de Genève, tient l’affiche du Grand Théâtre de la ville helvétique, délocalisé pour l’occasion dans le Bâtiment des Forces Motrices.
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Bâtiment des Forces motrices, Genève
Le 11/09/2012
Nicole DUAULT
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JJR, commande de circonstance pour un tricentenaire puisque Jean-Jacques Rousseau est né à Genève le 28 juin 1712, se présente comme un divertissement musical, selon le terme de Fénelon. La trame, le compositeur l’a calquée sur celle de l’opéra qu’écrivit Jean-Jacques Rousseau, le Devin de village.
Dans l’ouvrage, Fénelon ne raconte pas la vie du philosophe mais évoque son parcours à travers trois personnages qui le représentent enfant, adulte et vieillard. À ces trois âges d’un même homme les interprètes ne se succèdent pas mais parfois se rencontrent lors de trios musicalement très réussis.
Le librettiste, le dramaturge anglais Ian Burton, a puisé dans l’œuvre de Rousseau avec une distanciation à la fois badine et profonde en écho à la musique également malicieuse de Fénelon. Ainsi se moquent-ils de l’auteur de l’Émile qui appelle maman sa maîtresse Madame de Warrens. Ainsi ironisent-ils sur l’auteur du Contrat social, ce philosophe de l’éducation qui abandonna ses cinq enfants.
Fénelon et Burton sont plus amènes sur Rousseau amoureux de la nature qui part en équipée dans la montagne à la recherche d’espèces végétales en voie de disparition. Ils laissent alors l’ironie au metteur en scène, Robert Carsen, qui fait évoluer le philosophe, écolo avant l’heure, et sa brouette sur un tapis d’herbe artificiel. Carsen a situé l’action dans un XVIIIe siècle aussi déjanté que le fil de l’histoire. Tous trois portent un regard affable et sympathique à leur héros dont ils essaient de dépoussiérer le rousseauisme béta dans lequel on l’enferme si souvent.
Ce qu’ils prennent au sérieux, ce sont ses idées utopiques de liberté, d’égalité qui, trois siècles plus tard, sont encore nos idéaux. Ce qu’ils prennent au pied de la lettre, ce sont encore les travaux de ce fabuleux Dictionnaire de la musique qui n’a guère vieilli.
Le plus important de cette rêverie champêtre comme la définit encore Fénelon, c’est la musique audacieuse et incisive. Le compositeur entend bien égaler l’éclectisme de son héros, à fois écrivain, philosophe, poète, musicien et botaniste.
Dans cette partition colorée, il puise dans tous les répertoires, du baroque au post-modernisme, en multipliant les citations. Il dissèque et désarticule des pièces célèbres comme les Indes galantes de Rameau. Il les associe à la rengaine populaire suisse le Ranz des vaches et à la chansonnette Colchique dans les prés sans négliger la Carmagnole.
On reconnaît bien d’autres citations, telle par exemple la mélodie Elle a fui la tourterelle des Contes d’Hoffmann d’Offenbach. Fénelon s’amuse et nous amuse jusqu’à des scènes totalement vaudevillesques.
Alors que Fénelon, après des opéras superbes comme le Chevalier imaginaire tiré de Cervantes ou Salammbô d’après Flaubert, avait déçu avec une Cerisaie qui n’avait rien de tchékhovien, il retrouve verve, malice et fantaisie. La seule déception est la direction insipide du jeune chef Jean Deroyer à la tête de l’Ensemble Contrechamps, mais sans doute est-ce une affaire de rodage.
Les trois Rousseau, le contre-ténor belge Jonathan De Ceuster, qui l’incarne à l’âge de 12 ans, le baryton Edwin Crossley-Mercer à 21 ans et le ténor issu du Centre de formation lyrique de l’Opéra de Paris Rodolphe Briand à l’âge de 66 ans, sont fort convaincants scéniquement et vocalement.
La soprano Karen Vourc’h montre une fois de plus sa maîtrise de la musique contemporaine comme d’ailleurs les deux mezzos Isabelle Henriquez (Thérèse) et Allison Cook (Madame de Warens). Quant au chœur, qui lors de l‘épilogue bondit sur scène en jeans, entonnant un Vive la liberté ! avant un Ah, ça ira, ça ira, ça ira !, il est touchant. Voici un divertissement réussi. Mais, plus qu’un opéra, ne serait-ce pas au fond une comédie musicale de luxe ?
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Bâtiment des Forces motrices, Genève Le 11/09/2012 Nicole DUAULT |
| Création mondiale de JJR (Citoyen de Genève) de Fénelon dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Jean Deroyer au Grand Théâtre de Genève. | Philippe Fénelon (*1952)
JJR (Citoyen de Genève), divertissement philosophique en sept scènes et une huitième-vaudeville
Livret de Ian Burton
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Ensemble Contrechamps
direction : Jean Deroyer
mise en scène : Robert Carsen
décors : Radu Boruzescu
costumes : Miruna Boruzescu
Avec :
Jonathan De Ceuster (JJR 1), Edwin Crosley-Mercer (JJR 2), Rodolphe Briand (JJR 3), Isabelle Henriquez (Thérèse), Allison Cook (Mme de Warens), Karen Vourc’h (Julie / Colette), Émilie Pictet (Juliette / une voix), David Portillo (Saint-Preux / Colin), Christopher Lemmings (Claude / Robinson), Marc Scoffoni (Diderot / Cury), Christian Immler (Le Vicaire / le Docteur Itard), François Lis (Sade / Voltaire), Daniel Cabena (le Castrat / une voix), Maël Nguyen (Victor, l’enfant sauvage). | |
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