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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital Schubert de la pianiste Elisabeth Leonskaja au festival de Besançon 2012.
Besançon 2012 :
Schubert à l’ancienne
Affiche la plus prestigieuse de l’édition 2012 du festival de Besançon, aux côtés d’un récital Debussy de Kristian Zimerman mort-né en raison de l’annulation du pianiste polonais, ce florilège de sonates de Schubert par Elisabeth Leonskaja offre une brillante démonstration du grand style à l’ancienne, sans fioritures ni effets, implacable et fervent.
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Ces dernières saisons, la pianiste géorgienne Elisabeth Leonskaja semble s’être fait une spécialité des récitals consacrés à Schubert, comme elle le prouve une nouvelle fois au Kursaal de Besançon devant un auditoire à l’étonnante qualité d’écoute.
À l’heure où une Mitsuko Uchida, avec son toucher millimétré et ses contrastes fulgurants, a complètement réinvesti notre rapport à des partitions longtemps associées au romantisme automnal de Wilhelm Kempff, Leonskaja offre un intéressant témoignage, celui de l’école soviétique, aussi éloigné des atermoiements viennois que des lectures contemporaines plus intellectuelles.
On oublie ainsi bien vite quelques coups de patte à côté et un trou de mémoire assez déstabilisant dans la Sonate en mi mineur D 566, pour retenir l’ampleur de la construction et une réelle rigueur du toucher, faisant un sort à chaque son en ne hiérarchisant à aucun moment grandes et petites notes en fonction de leur importance harmonique.
Car au fond, l’essentiel reste la qualité de chant de ce jeu puissant mais jamais matraqué, distillant son rubato en toute discrétion, avec une ample respiration et un souffle, une vision d’ensemble rendant justice aux pérégrinations, aux mouvements de l’âme, aux errances même du langage schubertien.
Pour avoir quitté l’URSS en 1978, Leonskaja n’en a pas moins gardé de l’autre côté du rideau de fer certains réflexes ataviques : jeu large, table d’harmonie vibrante, pédale résonnante dans une approche lorgnant sans cesse vers Beethoven, mais ne faisant miraculeusement jamais claquer l’instrument.
On suit alors au plus près cet art de la construction sans séduction facile, totalement en phase avec le comportement de la pianiste, réduisant le protocole du concert et de l’interaction avec le public à la portion congrue, affable mais jamais dans le cirque, enchaînant les mouvements presque attacca, avec une discipline corporelle absolue.
Sans doute perturbé dans un premier temps par les aubades orphéoniques du festival off données dans le kiosque de la promenade Granvelle toute proche, le jeu s’affirme au cours du récital, timoré dans les fraîches Sonate en lab majeur et Sonate en mi mineur, avant de trouver un parfait accomplissement dans le ton tout en étrangeté, lacunaire et angoissé, de la Reliquie.
Et même si les deux derniers mouvements de l’antépénultième Sonate en ut mineur paraissent un peu sages et linéaires après la révolution Uchida – le Menuet, trop continu, manque de ces ruptures, de ces virages abrupts qui font sa modernité – son Allegro liminaire et son mouvement lent possèdent une hauteur de vue, une intériorité, une concentration et une capacité expressive forçant l’admiration.
Un très beau récital Schubert à la manière d’autrefois, conclu par un Quatrième Impromptu du premier cahier et un Andante de la petite Sonate en la majeur aux couleurs mélancoliques parfaitement adaptées.
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Kursaal, Besançon Le 16/09/2012 Yannick MILLON |
| Récital Schubert de la pianiste Elisabeth Leonskaja au festival de Besançon 2012. | Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano en lab majeur D 557
Sonate pour piano en mi mineur D 566
Sonate pour piano en ut majeur D 840 « Reliquie »
Sonate pour piano en ut mineur D 958
Elisabeth Leonskaja, piano | |
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