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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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RĂ©cital de la mezzo-soprano Elīna Garanča dans la sĂ©rie des Grandes Voix au Théâtre des Champs-ÉlysĂ©es, Paris.
Un programme incongru
Somptueuse dĂ©monstration vocale de la mezzo lettone Elīna Garanča, voix parfaite et grand tempĂ©rament, mais programme bizarre, mal Ă©quilibrĂ©, sans grande cohĂ©rence, avec trop d’espagnolades clinquantes pour entourer une seconde partie consacrĂ©e Ă Carmen. PrĂ©sence intĂ©ressante du Prague Philharmonia dirigĂ© par Karek Mark Chichon.
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La voix est aussi belle que la personne. Quel physique de rêve, d’ailleurs bien employé au plus haut niveau international en Carmen sur les plus grandes scènes du monde ! Et puis, trente-cinq ans, n’est-ce pas l’âge idéal pour une cantatrice, celui où la voix atteint sa plénitude sans que le temps ait commencé à faire son œuvre ?
Si l’on peut parler de voix parfaite, celle d’Elīna Garanča en est bien une. On chercherait en vain le moindre dĂ©faut. Le timbre est chaleureux, sensuel, Ă©gal sur toute la tessiture, avec des aigus splendides et une grave qui n’a quasiment pas besoin de poitriner pour sonner pleinement. L’émission est contrĂ´lĂ©e par une technique permettant toutes les nuances, des attaques pianissimo comme fortissimo, des sons filĂ©s, des trilles impeccables, le tout avec une musicalitĂ© parfaite et le plus grand soin apportĂ© au mot.
Alors, on admire la vaillance du rare extrait de la Pucelle d’Orléans de Tchaïkovski, tout comme le phrasé impeccable et aussi onctueux que celui d’une violoncelle de Mon cœur s’ouvre à ta voix du Samson et Dalila de Saint-Saëns. Irrésistible de sensualité et de séduction.
Rare également, l’air Plus grand dans son obscurité de la Reine de Saba de Gounod vient compléter cet hommage à l’opéra français, exception faite du Tchaïkovski, chanté en russe et non dans la version française. Vaillance, souplesse, richesse du timbre, tout est parfaitement mis en valeur.
La deuxième partie est vouée à des extraits de Carmen, c’est-à -dire aux quatre solos de l’héroïne, avec pour commencer, la première version de la Habanera, une curiosité qui ne fait pas regretter la seconde. Mais pourquoi les faire précéder de ces trois Pasodobles espagnols aussi clinquants qu’inintéressants à tous égards ? Un vrai cauchemar, caricatural, le contraire de l’Espagne profonde si bien comprise par Bizet et illustrée ensuite, entre chaque air par les plus incomparables passages orchestraux de l’opéra.
On connaĂ®t la Carmen de Garanča, voix et personnalitĂ© idĂ©ales pour ce rĂ´le et cette musique. Des moments de vrais bonheurs. Mais, Ă nouveau, pourquoi les faire suivre, en bis, de trois espagnolades, dont l’incontournable Granada, ne montrant que les aspects les plus accrocheurs de l’art de cette exceptionnelle cantatrice ? C’est vrai, le public adore et hurle son enthousiasme aussi fort que les inĂ©vitable notes finales de chacune ces bruyantes interventions.
Et c’est d’autant plus regrettable que cette voix épatante a tout un répertoire à sa disposition, répertoire peu fréquenté à pareil niveau à l’heure actuelle. Regrets aussi pour l’orchestre, le Prague Philharmonia, bien meilleur que ceux entendus souvent dans cette série.
Si l’ouverture de Ruslan et Ludmila donnait d’emblée, par ses couleurs et sa vivacité, envie d’entrer dans la suite du concert, la Bacchanale de Samson et Dalila paraît bien tonitruante et vulgaire, surtout après la très fine interprétation de la Méditation de Thaïs donnée par le violon solo de l’orchestre.
Et ne revenons pas sur les Pasodobles de bastringue indignes d’une formation comme celle-ci et d’un chef comme Chichon. On se demande parfois ce qui passe par la tête de ceux qui conçoivent ces programmes, que ce soient les artistes ou les organisateurs.
Simple dĂ©magogie pour s’assurer des applaudissements, en sachant que plus il y a de bruit plus les public crie fort lui aussi ? Ou simple erreur de jugement ? Avec des artistes de la trempe de Garanča et de Chichon, il n’y a pourtant rien Ă craindre et le succès est a priori assurĂ©.
Mais chefs d’orchestre et chanteurs ont parfois des goûts étranges en la matière et même la si grande Elisabeth Schwarzkopf ne nous abreuvait-elle pas en bis de chansons folkloriques, bavaroises, espagnoles, scandinaves ou suisses, quand on aurait préféré quelque Schumann, Schubert ou Strauss de plus ?
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 13/10/2012 Gérard MANNONI |
| RĂ©cital de la mezzo-soprano Elīna Garanča dans la sĂ©rie des Grandes Voix au Théâtre des Champs-ÉlysĂ©es, Paris. | Glinka, TchaĂŻkovski, Massenet, Saint-SaĂ«ns, Gounod, Bizet
Elīna Garanča mezzo-soprano
Prague Philharmonia
direction : Karel Mark Chichon | |
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