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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création française des Deux veuves de Smetana dans une mise en scène de Jo Davies et sous la direction de Mark Shanahan à Angers Nantes Opéra.
L’une pleure et l’autre rit
En 1982, l’OpĂ©ra de Marseille proposait la première française de Rusalka de Dvořák. Aujourd’hui, c’est Ă nouveau Ă une scène de province que revient l’honneur d’importer les Deux veuves, le cinquième opĂ©ra de son aĂ®nĂ©, Smetana. Une comĂ©die piquante et typĂ©e, prĂ©sentĂ©e ici sans excès d’imagination mais avec probitĂ©.
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Alors que Rusalka, ainsi que les Ĺ“uvres de Janáček, sont dĂ©sormais rĂ©gulièrement donnĂ©es chez nous, les huit opĂ©ras de Smetana restent quasi inconnus du public français : le plus cĂ©lèbre, la FiancĂ©e vendue, bien que dĂ©jĂ applaudi dans le monde entier, n’a-t-il pas dĂ» attendre 2008 pour faire son entrĂ©e Ă l’OpĂ©ra de Paris ?
C’est pourtant à Smetana que l’on doit la fondation de l’école d’opéra (en) tchèque, l’apparition sur les scènes lyriques de ces divines cantilènes moraves, mariant mélancolie et énergie rythmique – dont le poème symphonique la Moldau constitue l’exemple le plus prégnant. Peut-être le handicap majeur de ces opéras réside-t-il dans leur forte composante symphonique : comme chez Wagner, la mélodie y chante souvent à l’orchestre, tandis que la ligne vocale se fait volontiers déclamatoire, dramatique.
L’opéra les Deux veuves se distingue néanmoins par son caractère pétillant, évoquant parfois Rossini et l’opérette viennoise. Inspiré d’un vaudeville français, le livret apparaît considérablement trop long : cette histoire d’une veuve éplorée, finalement convaincue par sa cousine – qui est, elle, une veuve joyeuse – d’épouser celui qu’elle aime en secret ne méritait pas tant de détours.
D’autant que, d’abord conçue en 1874 sous forme d’opéra-comique, la partition a été élargie quatre ans plus tard, intégrant désormais des récitatifs et deux nouveaux rôles (Tonik et Lidunka), inutiles à l’action mais propres à introduire de savoureuses scènes populaires. Emaillés de danses (polka, valse) et d’échos sylvestres, scandés de superbes ensembles, les deux actes semblent avoir immédiatement séduit le public nantais.
La scénographe anglaise Jo Davies en propose une lecture très classique, voire un peu popote, inscrivant toute l’action dans le salon cossu de Karolina, surmonté d’un immense escalier hélicoïdal (propice aux jeux de scène) et parsemé d’animaux empaillés.
Cette ambiance poussiéreuse, néo-proustienne, rend bien compte de la torpeur qui s’est emparée des deux héroïnes, devenues veuves (selon Jo Davies) durant la Grande Guerre – le propos étant efficacement résumé par un film d’actualités projeté durant l’Ouverture.
Si la direction d’acteurs manque d’originalité, et si décors et costumes évoquent davantage la fin du XIXe que les Années folles envisagées par le metteur en scène, les évolutions sont réglées de façon très efficace, notamment lors des finales.
Pareillement, la direction ample et sans temps morts de Mark Shanahan contribue à faciliter l’accès à une œuvre dont l’alacrité n’est cependant pas assez soulignée – il faut dire qu’en dépit d’une audible préparation, l’Orchestre national des Pays de Loire (aux bois superbes) peine à rendre la foultitude de doubles croches nichées dans la partition.
Le rôle de la veuve joyeuse a été écrit pour soprano léger ou colorature, celui de la veuve éplorée pour soprano lyrique : précise, pétillante, percutante bien qu’assez monochrome, Lenka Macikova nous convainc davantage dans le premier rôle que Sophie Angebault, au timbre plus riche et large mais à l’émission parfois floue et entachée de vibrato, dans le second.
Seul élément tchèque de la distribution, le ténor Aleš Briscein déçoit par sa voix exagérément ouverte, plate, mal soutenue, dans la partie pourtant ravissante de Ladislav, tandis que la jeune basse slovaque Ante Jerkunica campe au contraire un fort séduisant garde-chasse, rond et sonore, dont on déplore que l’air rossinien ait été amputé de moitié.
Deux corrects seconds rôles et un chœur très engagé (dont la diction manque sans doute de consonnes) complètent une production perfectible mais de bonne tenue, qui mériterait de tourner.
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