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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 décembre 2024 |
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Nouvelle production du Voyage du pèlerin de Vaughan Williams dans une mise en scène de Yoshi Oïda et sous la direction de Martyn Brabbins à l’English National Opera, Londres.
En route pour la Cité Céleste
Créé en 1951, The Pilgrim’s Progress de Vaughan Williams, dont l’ENO affiche une nouvelle production d’Yoshi Oïda, n’avait pas été présenté depuis dans une version scénique professionnelle complète au Royaume-Uni. Ni oratorio ni opéra mais Morality basée sur une célèbre allégorie de John Bunyan, elle a occupé le compositeur anglais pendant un demi-siècle.
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English National Opera - Coliseum, London
Le 16/11/2012
Olivier BRUNEL
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À côté d’œuvres du grand répertoire données dans leur version anglaise, l’English National Opera se fait un point d’honneur à rendre justice aux compositeurs britanniques. Après Sir John in Love et Riders to the Sea, c’est au tour de la Morality The Pilgrim’s Progress créée en 1951 au Royal Opera House Covent Garden dans le cadre du Festival of Britain d’être révélée aux nouvelles générations de spectateurs.
Certes, un enregistrement de Sir Adrian Boult de 1970-1971 réédité récemment par la maison mère EMI dans la collection The Home of Opera, avec tous les grands noms de la scène lyrique britannique de l’époque (Noble, Armstrong, Burrows, Shirley-Quirk), permettait déjà à curieux et passionnés de découvrir cette œuvre mystique qui dès 1906 occupait Ralph Vaughan William.
À partir d’arrangements de chants populaires et de cantiques, un premier projet habillait musicalement une production théâtrale amateur du Voyage du Pèlerin, allégorie puritaine de John Bunyan (1676-1679).
Dans les années 1920, après avoir mûri son projet dans les tranchées, Vaughan Williams écrivit un opéra en un acte, The Shepherd of the Delectable Mountains, qui servit de base à l’opéra dans sa forme complète qui, achevé en 1951, ne fut pas un succès populaire, pour ne pas dire un flop dans la présentation assez pauvre scéniquement du Festival of Britain.
Entre-temps, une partie du matériel était passé dans sa Cinquième Symphonie. Une version radiophonique du Pilgrim fut même réalisée par l’écrivain Edward Sackwille-West dont Williams fournit la musique.
D’où une construction très fragmentée avec prologue et épilogue et une succession de tableaux dont le Pèlerin est le trait commun, de la Ville de la Destruction à la Cité Céleste, plus qu’une action dramatique véritable comme ont pu l’être Parsifal, Palestrina et Saint-François d’Assise pour parler d’œuvres mystiques comparables. C’est davantage une progression allégorique autour d’un personnage central, ici le Pèlerin.
La réalisation scénique d’un tel hybride ne peut que poser des problèmes. Le metteur en scène japonais Yoshi Oïda, acteur de Peter Brook et Peter Greenaway (notamment dans The Pillow Book) et dont on se rappelle de très poétiques réalisations d’opéras de Britten aux festivals d’Aix-en-Provence (Curlew River) et d’Aldeburgh puis Lyon (Death in Venice) a pensé les résoudre en créant une unité de lieu, la prison où le Pèlerin est enfermé après un jugement très fantaisiste dans la célèbre scène de la Vanity Fair.
Le lieu est certes éclaté grâce à une mobilité des cadres du décor, mais on a tout de même l’impression d’être dans Fidelio pendant toute la soirée. La réalisatrice des costumes Sue Willmington, hormis un énorme éclat de fantaisie pour le tableau un peu longuet et délirant de la Vanity Fair dans le style du cabaret berlinois et un très divertissant montage de marionnettes pour celle du combat contre Appolyon, a opté pour la plus banale des facilités, celle de mettre tout le monde dans des uniformes de la Première Guerre mondiale.
Oïda n’y a pas été aussi inspiré que par Britten, avec une direction d’acteurs assez plate. L’utilisation de la chaise électrique comme accès à la Cité Céleste est d’un goût discutable et arrive trop tard dans la soirée, après deux heures et demie de spectacle, pour créer un véritable coup de théâtre.
Musicalement, en revanche, on est à la fête face à une superbe distribution, avec le Pèlerin très convaincant et bon diseur de l’excellent baryton Roland Wood, tout comme l’Évangéliste de grande stature du baryton Benedict Nelson, Billy Budd sur la même scène. On distingue aussi dans des rôles plus épisodiques Ann Murray dont la présence scénique est toujours étonnante dans les deux rôles de Madam Bubble et Madam By-Ends.
La direction très colorée et rendant bien justice aux talents lumineux de symphoniste du compositeur de Martyn Brabbins, un excellent avocat de la musique symphonique d’Elgar, Walton et Williams, montre un orchestre de l’ENO très en forme. Superlatif aussi, le Chœur de l’ENO, qui dans plus d’un tableau prend part à l’action avec beaucoup de relief.
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