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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Avant tout homme de théâtre, le metteur en scène Luca Ronconi sait surprendre dès qu'il aborde l'opéra. Ainsi de Don Giovanni, fait-il paradoxalement un hommage au cinéma italien si l'on en juge à la dégaine des personnages : Masetto est un garagiste, Don Giovanni arrive dans une grosse cylindrée en panne, alors Detlef Roth - Masetto plus vraie nature - ôte sa veste de marié et répare l'auto, pendant que Don Giovanni fait la cour à Zerline, à laquelle Sophie Koch prête son charme et son humour. Bientôt enceinte, elle aura trois enfants de Masetto, à l'issue du repas de Don Giovanni, dont elle s'empresse de ramasser les reliefs pour sa petite famille.
Ronconi confère à Don Giovanni l'unité de temps chère au théâtre classique : tout se passe d'une nuit à l'autre, la première s'achève quand meurt le Commandeur, la nuit suivante commence quand Don Giovanni meurt. Or ces vingt-quatre heures de la vie d'un homme sont pour Ronconi le procès d'une société. Les personnages sont jeunes au lever du rideau, ils sont chenus, appuyés sur des cannes ou en voiture de handicapé au final. Avec au gré des scènes, ponctuant le décor, une ou plusieurs horloges, montres, ou morbiers
Cette lecture se fait donc à plusieurs niveaux, et il faut toute la musicalité dramatique de Valery Gergiev pour nouer les fils de l'histoire. Mais ce n'est pas si facile, et il y a bien quelques décalages entre la fosse et la scène. L'an dernier, la mise en scène de Ronconi n'avait guère convaincu. Repensée, adaptée à une nouvelle distribution, soutenue par un chef d'orchestre à la veine théâtrale affirmée, elle emporte désormais l'adhésion et le public de sourire, d'éclater de rire, car s'il y a des scènes d'une cruauté rare, il y en a d'autres désopilantes.
Renée Fleming renoue avec les Donna Anna du passé, avec sa ligne de chant incomparable. Marina Mescheriakova est hystérique à faire pleurer de rire, mais n'en chante pas moins bien. René Pape, en Leporello, lui fait une cour de faux grand seigneur qui ne manque pas de sel. Et pour couronner le tout, Ferruccio Furlanetto trompe son monde avec une aisance d'Italien roublard. Tout est conséquent : on retrouve toutes les stars du néo-réalisme. Et Mozart n'y perd rien.
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 14/08/2000 Antoine Livio (1931-2001) |
| Don Giovanni au Festival de Salzbourg | Don Giovanni de W.A. Mozart
Direction musicale : Valery Gergiev
Mise en scène : Luca Ronconi
DĂ©cors : Margherita Palli
Costumes : Marianne Glittenberg
Chorégraphie : Giuseppe Frigeni
Avec Ferruccio Furlanetto (Don Giovanni), Robert Lloyd (le Commandeur), Renée Fleming (Donna Anna), Marina Mescheriakova (Donna Elvira), Sophie Koch (Zerline), Charles Workman (Ottavio), René Pape (Leporello), Detlef Roth (Masetto). | |
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