Actuel directeur musical du Dallas Symphony Orchestra et du Hong Kong Philharmonic, Jaap van Zweden a dirigé bien des formations des deux côtés de l’Atlantique, mais c’était ses débuts avec l’Orchestre de Paris. Il a de toute évidence un solide métier qui lui permet avec sûreté de passer de Mozart à Tchaïkovski, sans que l’on puisse pour autant crier à la révélation.
Les opéras de Verdi et de Wagner, les symphonies de Bruckner et de Mahler sont bien présents dans son répertoire, mais c’est lui aussi qui dirige les concertos de Mozart enregistrés par David Fray pour Virgin. Un musicien éclectique, donc, mais qui se montrera ce soir plus à l’aise dans les élans lyriques du Manfred de Tchaïkovski que dans les subtilités de la Symphonie concertante pour violon et alto de Mozart, qu’il accompagne de manière assez neutre pour ne pas dire terne.
Fort heureusement, les deux solistes ont un engagement autrement plus généreux et intéressant. Violon solo de l’Orchestre de Paris, Roland Daugareil est, tout comme Ana Bela Chaves, alto solo de l’orchestre, un musicien et un virtuose de haute lignée. Ils apportent tous deux un éclairage personnel, convaincant, de cette Symphonie concertante qui peut être un vrai piège pour des instrumentistes moins avertis et moins imaginatifs.
Parvenir à une vraie osmose tout en conservant la spécificité sonore de chacun de ces instruments assez proches est un véritable défi que les deux solistes relèvent avec un panache épatant. Ils rendent en outre une totale justice aux multiples subtilités d’écriture de ces pages qui comptent parmi les plus attachantes de l’œuvre pour cordes de Mozart, tantôt s’affrontant en joute fraternelle, tantôt cheminant de conserve en sympathique harmonie. Et quelle démonstration technique de haut vol dans les Variations jouées en bis !
La deuxième partie du concert est consacrée à la Symphonie Manfred de Tchaïkovski. On sait les premières réticences du compositeur à accepter de s’intéresser au poème de Byron dont Balakirev lui conseillait de s’inspirer. On sait également qu’une fois convaincu, il produisit une œuvre orchestrale d’une grande puissance et d’un lyrisme aussi large que celui de ses meilleurs ballets et opéras. L’écriture est riche avec une harmonie et en particulier des cuivres en nombre, une masse orchestrale d’ensemble très développée.
Des thèmes magnifiques sont exposés par les vents graves et les instrumentistes de l’orchestre y sont magistraux. Tout comme l’ensemble de l’harmonie, lourdement mise à contribution mais tellement efficace pour traduire toute l’émotion à la fois colorée et un peu mortifère du pessimisme viscéral du compositeur.
De belles envolées, des moments plus philosophiques et intérieurs, des pages plus descriptives, on est parfois dans la Belle au bois dormant, parfois dans le Lac des cygnes, la partition est d’une grande richesse que l’orchestre sait traduire avec ampleur, dans une sonorité toujours riche, chaleureuse.
Gestique un peu étriquée, lecture plus analytique que libérée, Jaap van Zweden paraît souvent hésiter à trouver en lui tout ce que pareille musique fait chanter et vibrer dans le cœur et l’imagination des grands chefs russes, même s’il parvient à bien conduire à son terme cette folle rêverie byronienne.
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