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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Première à l’Opéra Comique de David et Jonathas de Charpentier dans la mise en scène d’Andreas Homoki, sous la direction de William Christie.
Charpentier magnifié
La tragédie biblique David et Jonathas de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) fut l’un des succès du festival d’Aix-en-Provence 2012. La voici reprise sur la scène de l’Opéra Comique. Elle y gagne : la musique ne se perd plus dans le plein air de l’Archevêché et se concentre sur l’émotion, magnifiée par des Arts Florissants de William Christie à leur meilleur.
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« Un chef d’œuvre absolu, d’une puissance émotionnelle comparable à celle de Monteverdi », répète à l’envi le chef William Christie. À la tête des Arts Florissants, il fait redécouvrir cette œuvre écrite en 1688 pour l’édification morale et religieuse des élèves du collège jésuite Louis le Grand à Paris. Elle comporte en effet des pages sublimes comme cette plainte de Jonathas qui se lamente de la séparation à cause de la guerre de son ami David : A-t-on jamais souffert une plus rude peine ?
Austère, plus oratorio qu’opéra, cette tragédie pourrait frôler l’ennui sans la mise en scène saisissante d’Andreas Homoki. Connu en France pour sa réalisation de la Femme sans ombre en 1993 au Châtelet, il dirige aujourd’hui l’opéra de Zurich. Il aurait pu transposer le conflit biblique des Juifs et des Philistins dans la guerre israélo-palestinien actuelle ou encore souligner l’amour de David et Jonathas dans une relation homo. Il s’est gardé de ces pièges à la mode. Il a préféré analyser les rapports psychologiques et introspectifs entre les personnages.
Un astucieux décor de boîte en bois rétrécit ou démultiplie les espaces au fil de l’action découpée en séquences. L’une des plus surprenantes et même inquiétantes est celle de la rencontre de Saül avec la pythonisse qui lui prédit l’avenir. Le rôle travesti chanté par le contre-ténor Dominique Visse est accompagné d’une dizaine de sosies tous également habillés de robes noires et blanches et de tabliers de cuisine, comme des femmes de ménage moderne. Les chanteurs et choristes sont vêtus de costumes contemporains vaguement orientaux, chapeaux pour les Juifs et djellabas pour les Philistins.
Les musiciens des Arts Florissants irradient de clarté, de subtilité et de musicalité sous la direction ciselée de William Christie. Parmi les solistes, David, le ténor canadien Pascal Charbonneau, frappe par l’étrangeté de son registre qui passe d’une voix de tête à la voix de poitrine. Il est troublant. Quant à Jonathas, chanté par la soprano portugaise Ana Quintans, il ou elle est bouleversant(e).
Sous des dehors édifiants, cette tragédie lyrique vibre de passions. Le DVD de cette production doit sortir chez BelAir Classiques en avril.
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