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CRITIQUES DE CONCERTS 22 décembre 2024

Reprise de la Khovantchina de Moussorgski mise en scène par Andrei Serban, sous la direction de Michaïl Jurowski à l’Opéra de Paris.

Écrasant Fatum
© Ian Patrick

Distribution de tout premier ordre pour ce retour sur la scène de la Bastille, douze ans après sa création, de la Khovantchina selon Andrei Serban. Le patriarche de la lignée des Jurowski, avec son style typique de la période soviétique, porte la fresque monumentale de Moussorgski aux sommets, à la tête de voix d’hommes d’une plénitude inouïe.
 

Opéra Bastille, Paris
Le 22/01/2013
Yannick MILLON
 



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  • Rares sont les reprĂ©sentations de la Khovantchina qui peuvent se targuer d’une rĂ©elle homogĂ©nĂ©itĂ© de distribution, et plus gĂ©nĂ©ralement de forces musicales convergeant toutes avec la mĂŞme puissance vers une Ă©vocation grandiose et terrible des souffrances du peuple russe.

    Car difficile, le second et dernier opéra de Moussorgski l’est assurément, de par ses dimensions, sa complexité dramaturgique, son intrigue rien moins que limpide, ses exigences vocales aussi, et bien évidemment par les problèmes quasi insolubles de son inachèvement. En sortir avec un tel sentiment d’équilibre et de grandeur souveraine mérite donc d’être souligné.

    Ce qu’on retiendra avant tout de cette reprise, supérieure aux représentations initiales de décembre 2001, c’est un plateau ignorant toute caricature de chant sépulcral. C’est même ici rigoureusement l’inverse, et jusque chez le moins incontestable, l’Ivan Khovanski de Gleb Nikolski, gigantesque de stature, barbe et crinière blanches impériales, la voix, fragile, fébrile de tenues, offre une clarté de voyelles incroyable.

    Tellement plus éloquents encore au niveau strictement vocal, le Chakloviti de Sergeï Murzaev, d’une densité, d’une ligne comme chauffée à blanc dans son monologue du III, et le Dossifeï d’Orlin Anastassov, timbre de cuivre et projection impitoyable de concentration, morgue sublime des aigus, parachèvent un étalage de clés de fa tenant du prodige.

    Encore que ni Vladimir Galouzine, aminci, qui avait déjà retrouvé une insolente santé pour son Hermann de la Dame de Pique la saison passée, Andreï Khovanski de luxe au vu de l’épisodique du rôle, ni la Marfa de Larissa Diadkova, timbre juste assez médiumnique, projection parfois ténue mais dignité vocale imperturbable, ne déméritent à aucun moment.

    On pinaillerait en vain, car tous sont soulevés par le geste ramassé, en lame de fond, du doyen Michaïl Jurowski, le plus marqué par les années soviétiques, dont il a gardé les réflexes d’intransigeance, de largeur sonore que ses fils eux aussi chefs d’orchestre ont troqué contre des accents plus incisifs et en un sens plus modernes.

    Mais c’est le souffle à l’ancienne qui prévaut ce soir, tant dans un orchestre tour à tour massif et d’un raffinement chambriste fruit de l’orchestration de Chostakovitch où le glas n’est jamais loin, que dans un chœur des grands soirs, toujours plus incontestable chez les hommes que chez les femmes, donnant un relief saisissant à des épisodes choraux parmi les plus inspirés du répertoire lyrique.

    Et si la production d’Andrei Serban ne révolutionnera pas l’histoire de la mise en scène d’opéra, avec ses scènes de foule bien conventionnelles, du moins présente-t-elle avec justesse le poids écrasant du fatum s’abattant sur les épaules d’un peuple martyr, supplicié par d’incessants tiraillements internes, sacrifié sur l’autel de la folie meurtrière de ses dirigeants.

    La scénographie notamment imprime durablement des images dans la mémoire, comme cette Place rouge telle une proue de navire en béton, ce mur fissuré du salon de Golitsine, ce dernier tableau nocturne, en troncs de pins et ombres inquiétantes, et surtout cette image finale où un Tsar minuscule, marchant vers son destin, traverse les cendres du bûcher des Vieux-Croyants.




    Opéra Bastille, Paris
    Le 22/01/2013
    Yannick MILLON

    Reprise de la Khovantchina de Moussorgski mise en scène par Andrei Serban, sous la direction de Michaïl Jurowski à l’Opéra de Paris.
    Modest Moussorgski (1839-1881)
    La Khovantchina, drame musical historique en cinq actes (1886)
    Livret du compositeur et de Vladimir Stasov
    Orchestration de Dmitri Chostakovitch

    Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra de Paris
    Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris
    direction : MichaĂŻl Jurowski
    mise en scène : Andrei Serban
    décors et costumes : Richard Hudson
    Ă©clairages : Yves Bernard
    préparation des chœurs : Alessandro Di Stefano

    Avec :
    Gleb Nikolski (Ivan Khovanski), Vladimir Galouzine (Andreï Khovanski), Vsevolod Grinov (Prince Golitsine), Sergeï Murzaev (Chakloviti), Orlin Anastassov (Dossifeï), Larissa Diadkova (Marfa), Marina Lapina (Susanna), Vadim Zaplechny (le Clerc), Nataliya Tymchenko (Emma), Yuri Kissin (Varsonofiev), Vladimir Kapshuk (Strechniev), Igor Gnidii (Premier Strelets), Maxim Mikhaïlov (Deuxième Strelets).

     


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