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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de la pianiste Alice Sara Ott au Théâtre de la Ville, Paris.
L’orchestre au piano
À vingt-quatre ans, après vingt ans de travail, son assurance impose des interprétations saisissantes. Européenne, fille d’un Allemand et d’une Japonaise, Alice Sara Ott témoigne d’un tempérament exceptionnel où la passion le dispute à l’exigence et l’autorité à la subtilité. Des mariages où s’accouplent des doigts de fer et des pieds également nus tels des ailes.
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Étonnantes, ces jeunes femmes jolies et menues qui personnalisent et transcendent d’une technique hors faille un répertoire déjà riche d’interprétations remarquables. Après Yuja Wang, voici Alicia Sara Ott, vingt-quatre ans, sur la scène du Théâtre de la Ville. Longue robe, longs bras et pieds nus, sa grâce aussitôt assise se double d’une détermination presque impatiente pour arpenter la campagne autrichienne où se promène Schubert quand il compose la Sonate en ré majeur D 850.
Martelés, les accords répétés témoignent d’une ardeur à la sonorité claire mais un peu courte, sûrement voulue tant la pédale aussi discrète que possible laisse place à une certaine raideur disparue dans la suite du programme. La puissance des octaves aux deux mains, la gauche affirmant superbement sa présence, clame un bonheur irrigué de violence. Il y a un caractère ravageur rarement atteint dans cette verve aux éclats impérieux. Le chant du Con moto en prend une éloquence d’autant plus intimiste.
Jeu d’ombres et de lumières, contrastes : Alicia Sara Ott colore les harmonies de ce mouvement impressionniste en nuances clairement timbrées. Ravissement, joie, plaisir, sourires, allégresse tranquille émanent des notes aérées. La fermeté du jeu impose sa netteté rigoureuse. Contretemps et rythmes pointés se détachent, animés d’une belle énergie. Quant au Rondo qui conclut la sonate, il prend toute sa saveur sous la perfection d’une telle simplicité, ses danses spontanément renouvelées jusqu’au pianissimo final.
Les pieds nus effleurent les pédales. Est-ce ce contact qui leur permet une telle subtilité ? Remarquable dans la sonate de Schubert, elle le sera d’autant plus dans les Tableaux d’une exposition de Moussorgski, dès la Promenade initiale ciselant ses résonnances orchestrales.
Et c’est une succession d’évocations aux audaces sonores personnalisées par cette technique ignorante de toute concession. Gnomus trépignant, les mains telles des griffes, doigts en petits marteaux, poignets levés, Vieux château envoûtant sous la pédale de tonique inlassablement répétée, main gauche lancinante, staccatos piqués, brefs, vifs, légers, dans les Tuileries, soudain pesanteur de Bydlo, ce chariot polonais tiré par des bœufs, auquel succèdent les mordants d’un Ballet des poussins dans leurs coques comiquement évocateur.
Samuel Goldenberg et Schmuyle changent le toucher et l’atmosphère. Les sonorités immédiates caractérisent arrogance et jérémiades. Une éloquence que métamorphose la reprise de la Promenade qui nous mène sur un Marché de Limoges foisonnant de vie. La pianiste y ose ses excès avec un entrain irrésistible, défiant le trait vertigineux qu’elle lance à deux mains infailliblement dominatrices jusqu’à des Catacombes aux sonorités d’orgue aussi retentissantes que sobrement mystérieuses, aux frémissements dépouillés.
Il y a encore Cabane sur des pattes de poule pour nous offrir un déferlement fantasmagorique de bonds et d’avalanches de timbres saisissants, frappes et arrachements immédiats coupés nets d’un magistral emportement. L’autorité de l’audace s’épanouit sous La Grande porte de Kiev en accords atteignant ici une profondeur majestueuse et nous laisse dans l’apothéose de cloches célébrant à toute volée cette interprétation orchestrale.
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Théâtre de la Ville, Paris Le 09/02/2013 Claude HELLEU |
| Récital de la pianiste Alice Sara Ott au Théâtre de la Ville, Paris. | Franz Schubert (1797-1828)
Sonate pour piano en ré majeur D 850
Modeste Moussorgski (1839-1881)
Tableaux d’une exposition
Alice Sara Ott, piano | |
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