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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de la Walkyrie de Wagner dans la mise en scène de Günter Krämer et sous la direction de Philippe Jordan à l’Opéra de Paris.
Ring Bastille 2013 (2) :
En net progrès
Voici deux ans, la mise en scène de la Walkyrie par Günter Krämer faisait l’unanimité publique et critique contre elle. Revue en profondeur, elle rentre dans le rang d’une certaine banalité, laissant encore la primauté à un chant de beau niveau et à l’orchestre en splendeur, tous en recherche d’une émotion palpable toujours absente du Ring parisien.
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Si Günter Krämer a seulement mis de l’ordre et de la tenue dans son Or du Rhin désormais plus unitaire, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a remanié bien plus en profondeur sa Walkyrie, exemple consternant de dispersion trop typique du Regietheater si prisé aujourd’hui outre-Rhin sans en apporter les avantages parfois éblouissants.
Ménage fait donc dans la foison de détails intellectuellement justifiés, mais plus souvent inutiles, comme cette boîte à rideaux cachant l’image du décor de 1876 cachant l’Épée, ces têtes de béliers évoquant Fricka qui encombraient le décor du I, ou cette pluie froide qui brouillait l’irruption du printemps.
Le commentaire politico-social demeure, Germania est toujours inscrit en lettres gothiques au Walhalla, et on massacre encore en début d’action une troupe innocente et cette fois nue, abandonnée désormais sur l’escalier des dieux, qu’on retrouvera encore comme décor final, pour une vision plus habituelle de l’isolement de la fille du dieu.
On a gagné en unité visuelle et logique ce qu’on a perdu en délire imaginatif (le fouillis du final rougeoyant du III justement) sans qu’on nous épargne pour autant la malheureuse Chevauchée de piétinements chorégraphiques, où l’on lave les morts à terre, et non plus à table.
Mais pour transformer ce spectacle un peu laborieux en vraie transcendance opératique, il eût fallu aller au-delà d’une direction d’acteurs certes plus tendue, mais à qui manque toujours l’art de susciter de vrais personnages prenants et la conception d’une unité de jeu qui fait les grandes fresques qui vous saisissent durablement.
Le couple de jumeaux a gagné en animation (il était naguère laminé par l’absence), mais marque encore trop de distance pour enflammer, les dieux restent sur un quant à soi qui ne peut vraiment passionner : amour, compassion, déchirure, tout ce qui fait le vrai discours émotionnel wagnérien reste ici encore trop en retrait.
S’il y a dans le Ring une grandeur naturelle dramatiquement absente dans cette production, elle se côtoie dans l’orchestre wagnérien, grâce à la direction de Philippe Jordan, toujours aussi attaché à l’esthétisation de la phrase, à l’étirement du son jusqu’à un extrême discursif – qui n’est d’ailleurs pas réalité physique, ses tempi étant dans la moyenne usuelle, mais impression – noyant un peu trop le drame dans une politique de l’envoûtement fort efficace.
Mais si le chef s’avère aussi un parfait soutien pour le plateau, malgré cette lenteur insinuante, il lui manque toujours la nécessaire émotion qui fait les absolues réussites de la Walkyrie. On est ici bercé, séduit, mais pas un instant étreint, pénétré, enthousiasmé par le propos. Qui incriminer alors ? Pas la distribution, assurément.
De fait, on chantait plutôt bien, voici deux ans, mais sans jamais atteindre les sommets exigibles. On fait mieux encore cette année, avec plus d’investissement en tout cas, mais sans obtenir vraiment plus de valeur ajoutée au bilan. Pourtant, la distribution aligne un sans faute, malgré ses faiblesses relatives.
Martina Serafin est une belle Sieglinde, soprano lyrique au timbre chaleureux, à qui on cherche le sens de la défonce, l’irrépressible emportement de la chair et du timbre pour les délires du II et l’ambitus visionnaire du III. Stuart Skelton, acteur un peu lourd mais fort beau styliste, a les ombres et les moires d’un vrai Siegmund, lui aussi très lyrique, séduisant sinon enthousiasmant, prenant sinon vertigineux.
Adjectif qui convient en fait au Hunding de Günther Groissbock, parfaitement noir. La Fricka de Sophie Koch semble manquer de projection pour faire passer son côté impérieux, mais elle demeure infiniment musicale. Le Wotan d’Egils Silins manque lui surtout de présence : il a du corps, de la puissance, mais son long monologue du II n’arrive jamais à prendre vie, et il faut attendre l’extrême fin des Adieux pour que se libère enfin tout le lyrisme qu’impose le déchirement du dieu.
Quant à l’excellente Brünnhilde d’Alwyn Mellor, elle chante parfaitement, avec une stabilité vocale bien venue, un timbre vaillant et clair, et ce qu’il faut d’enthousiasme au III. On est simplement déçu de son manque de rayonnement personnel, trop sage, trop peu mémorable. Dieux et humains semblent surtout un peu perdus dans l’immensité du plateau de Bastille pour que l’émotion directe du chant se fasse magie, pour que l’affect se transforme en adhésion totale.
Au bilan, la catastrophe d’il y a deux ans, où la mise en scène plombait la globalité du spectacle, s’est transformée en une fort honnête soirée, qui fait honneur à l’Opéra de Paris, mais ne s’inscrit toujours pas de façon marquante dans la légende dorée du Ring.
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Opéra Bastille, Paris Le 20/02/2013 Pierre FLINOIS |
| Reprise de la Walkyrie de Wagner dans la mise en scène de Günter Krämer et sous la direction de Philippe Jordan à l’Opéra de Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Die Walküre, première journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen (1870)
Livret du compositeur
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Philippe Jordan
mise en scène : Günter Krämer
décors : Jürgen Bäckmann
costumes : Falk Bauer
Ă©clairages : Diego Leetz
Avec :
Stuart Skelton (Siegmund), Günther Groissböck (Hunding), Egils Silins (Wotan), Martina Serafin (Sieglinde), Alwyn Mellor (Brünnhilde), Sophie Koch (Fricka), Kelly God (Gerhilde), Carola Höhn (Ortlinde), Silvia Hablowetz (Waltraute), Wiebke Lehmkuhl (Schwertleite), Barbara Morihien (Helmwige), Helena Ranada (Siegrune), Louise Callinan (Rossweisse), Ann-Beth Solvang (Grimgerde). | |
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