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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelles productions du Secret de Susanne de Wolf-Ferrari et de la Voix humaine de Poulenc dans une mise en scène de Ludovic Lagarde, sous la direction de Pascal Rophé à l’Opéra Comique, Paris.
Antonacci s’enivre de jalousie
Quelle revanche ! Après la calamiteuse Carmen de l’Opéra à l’automne dernier, où sa voix perdait ses couleurs subtiles dans l’immensité de la Bastille, Anna Caterina Antonacci se retrouve dans le cadre moins écrasant de l’Opéra Comique. Pour deux mini pièces lyriques, Il Segreto di Susanna d’Ermanno Wolf-Ferrari et la Voix humaine de Francis Poulenc.
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Réunis arbitrairement, ces deux opéras d’époques différentes, puisque le premier date de 1909 et le second de 1959, paraissent complémentaires. Ils constituent deux périodes dans la vie d’une femme et ont le même thème : la jalousie. Celle-ci est savoureuse, insidieuse jusqu’au ridicule dans l’ouvrage méconnu du Vénitien Ermanno Wolf-Ferrari (1876-1948).
Cet opéra bouffe vaudevillesque, dans le style du XVIIIe siècle et très mozartien, s’interroge sur la condition des femmes et anticipe leur libération. Ce n’est pas dans l’adultère que Susanna cherche à s’évader de sa solitude et de l’absence de son mari, le Comte, mais dans un substitut : les voluptueuses volutes de la cigarette ! Dans l’odeur du tabac froid qui imprègne l’appartement et les vêtements de sa femme, le Comte croit déceler la présence d’un amant.
C’est avec un regard amusé que l’on déguste cette situation que le metteur en scène Ludovic Lagarde situe dans la mouvance de la Commedia dell’arte ! C’est délicieux comme le sont les interprètes, le baryton Vittorio Prato dans le rôle du Comte ombrageux et Bruno Danjoux dans celui du domestique complice de l’héroïne qu’incarne l’espiègle Anna Caterina Antonacci.
Autour de cette intrigue légère comme la fumée d’une cigarette, le compositeur a tissé un patchwork qui emprunte à Mozart mais aussi à Donizetti ou Verdi. Autrement intense est la Voix humaine. On croirait le texte de Cocteau vieilli, démodé. Il n’en est rien. Les adolescents d’aujourd’hui, accrochés en permanence à leurs portables, redonnent une vivacité à l’histoire de cette femme larguée par son amant au profit d’une jeunette qu’il va épouser.
Pendant cinquante minutes Antonacci tient le public en haleine. Tragédienne née, diction magnifique, timbre clair, parfois saccadé, à d’autres instants embué, elle joue de toute la gamme des émotions, de la passion à la détresse, de l’espérance au désespoir. Sur la scène tournante qui accélère parfois au rythme de ses pulsions, téléphone sans fil à l’oreille, elle communique le sentiment de l’instant. Dans chaque pièce, sur un écran, on voit, en contrepoint, à partir d’une célèbre photo de Man Ray, l’œil de la chanteuse s’animer.
L’Orchestre philharmonique du Luxembourg sous la direction de Pascal Rophé taille à coups de serpe la musique d’Ermanno Wolf-Ferrari qui couvre souvent les chanteurs. Elle est moins brutale dans l’œuvre poignante de Francis Poulenc.
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