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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital d’Elisabeth Leonskaja dans le cadre de Piano**** à la salle Pleyel, Paris.
Magie absolue
Déjà affichée pour le 2 juin dans cette même salle Pleyel, Elisabeth Leonskaja a remplacé Nelson Freire initialement prévu pour ce récital. Mozart, Schumann, Schubert et Tchaïkovski tels qu’on les entend bien rarement, instants miraculeux de musique envoûtante, prolongés jusqu’aux trois bis consacrés à Beethoven, Debussy et Chopin. Magistral et gratifiant.
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Ce pouvait être un programme standard, un peu hétéroclite, avec cette Grande sonate en sol majeur de Tchaïkovski bien rarement jouée. Mais voilà , avec Elisabeth Leonskaja tout devient essentiel, fondamental, impérieux. Sensibilité, intelligence, imagination, respect de l’écriture, c’est un flot musical d’une incroyable richesse qui nous submerge. Rien d’inutile, rien de falsifié, rien d’outré ni d’escamoté.
La Sonate en fa majeur KV 332 de Mozart donne le ton. Elle est aussi légère que métaphysique, marquée ici par les scintillements du Siècle des Lumières, et là par les appels d’un chant déjà tout romantique. La pianiste va toujours droit au but, sans hésitation, avec un absolu naturel. Il ne manque rien de ce qui est écrit, et c’est pourtant son interprétation à elle, à aucune autre semblable.
Même fidélité et liberté avec des Papillons de Schumann débordant de rêve, de poésie, d’images furtives, allusives, avec ce rapport franc au clavier qui donne un son parfait, complet en toute nuance, qui reste ferme mais dans la plus impalpable légèreté.
Tous est contrastes, tout ce qu’il a y a de versatile dans ces pages surgit à point nommé, comme spontanément. On est aussi ému que fasciné. Et toujours avec cette impression de liberté, d’inspiration en devenir, avec une qualité de son et de toucher paradisiaque.
La Sonate en la mineur D 437 de Schubert n’est ni la plus massive ni la plus connue. Elle aussi évolue dans un monde d’humeurs subtiles, au romantisme effervescent mais relativement pudique. On admire la finesse d’approche de la pianiste, la manière dont elle fait toujours avancer la phrase musicale, dont elle en conserve le fil rouge à travers les développements de l’écriture. Et tout cela avec ces couleurs sonores tellement maîtrisées, tellement bien choisies et réparties.
La Grande sonate en sol majeur de Tchaïkovski est une œuvre un peu déroutante. Elle connaît des moments puissants, d’autres plus intimement sensibles, de belles envolées, pose de sérieux problèmes techniques, mais comment nier que l’ensemble ne paraisse quelque peu décousu, voire par moments malhabile ?
Et pourtant il y a du charme, des couleurs originales, des rythmes inattendus, quelques digressions vers la truculence des musiques populaires, de manière allusive. L’art du piano de Leonskaja se déploie néanmoins avec le même éclat, le même enthousiasme, la même capacité à nous communiquer mille émotions, microscopiques ou énormes, à s’imposer par sa formidable intelligence musicale.
Et pour une fois, trois bis ne paraissent pas inutiles ni hors de propos. Un troisième mouvement de la sonate la Tempête de Beethoven, exemplaire d’un romantisme byronien et de beauté sonore, les Feux d’artifice de Debussy, époustouflants en tous domaines, virtuosité, rayonnement, projection des sons les plus ténus et les plus amples, et un Nocturne de Chopin nous ouvrant, avant de partir, les portes du rêve, de l’intériorité, de l’interrogation sur soi-même. À emporter pour le restant de la nuit !
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Salle Pleyel, Paris Le 03/04/2013 GĂ©rard MANNONI |
| Récital d’Elisabeth Leonskaja dans le cadre de Piano**** à la salle Pleyel, Paris. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Sonate en fa majeur KVC 332
Robert Schumann (1810-1856)
Papillons op. 2
Franz Schubert (1797-1828)
Sonate en la mineur D 537
Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
Grande sonate pour piano en sol majeur op. 37
Elisabeth Leonskaja, piano | |
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