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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Entrée de Hänsel et Gretel de Humperdinck au répertoire de l’Opéra national de Paris dans une mise en scène de Mariame Clément et sous la direction de Claus Peter Flor.
Comment tuer un conte
Pour son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris, le conte de Grimm mis en musique par Humperdinck nous aura valu l’une des soirées les plus ennuyeuses de la saison. Grâce aux tentatives de transpositions psychanalytiques de la metteur en scène Mariame Clément, tout a sombré dans la confusion totale, malgré un niveau musical élevé et de bonnes voix.
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On ne compte plus le nombre d’opéras dont la représentation aura été anéantie par la volonté farouche des metteurs en scène de tout psychanalyser. Il y aura un livre, un gros livre, à écrire là -dessus. Mais pour l’heure, c’est Hänsel et Gretel de Humperdinck, une œuvre pas facile à défendre, il est vrai, qui en est la victime du jour.
Tous les contes de fées pour enfants, on le sait, peuvent être l’objet d’une double lecture. Celle du merveilleux et celle des horreurs cachées dans notre subconscient. C’est tentant, reconnaissons-le, mais encore faut-il avoir le talent de jouer sur les deux tableaux, de montrer la face cachée de l’histoire sans en détruire la lisibilité au premier degré. Certains chorégraphes, comme Mats Ek ont réussi, parfois, ce pari.
Mariame Clément, ici, ne montre finalement rien, ni la double signification du conte, ni son merveilleux, s’enlisant dans une tentative de représenter les différents niveaux de lecture en doublant, voire en triplant les personnages, les scènes se déroulant simultanément dans des sortes de boîtes superposées à cour et à jardin.
Il y a trois couples d’enfants, un qui chante, et fort bien, Daniela Sindram (Hänsel) et Anne-Catherine Gillet (Gretel), et deux autres de taille différente, qui jouent. Il y a deux couples de parents, un qui chante, pas mal du tout, Jochen Schmeckenbecker et Irmgard Vilsmaier, et même un couple d’invités dont le monsieur ressemble beaucoup à ce cher docteur Freud.
Pas facile dans tout cela de s’y retrouver, de savoir quel casier regarder. Car, bien entendu, dans ce conte où il est question de misère, de fraises, de forêt, de marchand de sable, de cohorte d’angelots et de pain d’épices, il n’y a ni misère (un intérieur, ou plutôt des intérieurs petit bourgeois début du siècle allemands avec gros gâteau trônant sur le piano), ni fraises (il en est question dans le texte, mais comme il n’y a pas de forêt non plus, elles sont sans doute virtuelles) et ainsi de suite.
Il y a bien une sorcière à la fin, qui sort d’un gros gâteau de mariage comme dans un film hollywoodien. Tout cela passant d’une case à l’autre, lesdites cases encombrées d’un fatras de meubles de toutes tailles et de jouets, le tout dans des couleurs sans charme, d’une fadeur absolue.
Naturellement, on peut très bien ne pas être figuratif et représenter tous les détails du conte si l’on a le talent de le faire avec imagination, poésie, esprit et légèreté, ou au contraire assez de talent (toujours, c’est nécessaire pour réussir un spectacle) pour se distancier et planter un cadre plus proche du drame. Comme on peut jouer les pièces de Molière en comédie ou en quasi tragédies.
Ici, cette complication fadasse permanente ne fait qu’alourdir une partition déjà pesante par elle-même et qui demande au contraire à être éclairée avec humour et poésie, même si l’on veut en suggérer toutes les dimensions. Ce que l’on voit est plein de contradictions, de complications qui n’apportent rien, ennuient ou sont grotesques, comme cette bande de danseuses de cancan affublées de robes d’une laideur repoussante qui surgissent autour de la sorcière.
Bref, c’est mal fait, mal conçu, mal ficelé, prétentieux et surtout d’un amateurisme affligeant. Les chanteurs, y compris Anja Silja en sorcière mi-bourgeoise mi démoniaque, ou encore cette malheureuse Olga Seliverstova en Fée Rosée genre Barbie perchée sur le dossier d’un canapé marronnasse (puisque ce conte de plein air se passe en appartement) se défendent au mieux. Claus Peter Flor n’allège pas la partition, mais l’orchestre sonne magnifiquement. C’est déjà ça !
En fait, l’erreur de base de ce spectacle est d’avoir voulu ignorer ce qui au cœur du conte, quelle que soit la dimension qu’on lui donne, à savoir la profondeur infinie des mystères de la forêt, immensité troublante et symbolique où se perd notre identité et qui est le lieu de tant d’histoires pour enfants et de tant de pièces pour adultes, comme celles de Shakespeare.
Imaginez le Songe d’une nuit d’été se déroulant en plein midi sur une autoroute ! En réduisant cet élément fondateur et fondamental à quelques troncs anecdotiques et en enfermant toute l’action en vase clos, Mariame Clément n’a fait que se perdre en contournements inutiles, compliqués et sans intérêt. Dommage !
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