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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Fidelio de Beethoven dans une mise en scène de Gary Hill et sous la direction de Kazushi Ono à l’Opéra de Lyon.
Justice-Injustice (1) :
Un ratage intersidéral
Quel pensum que ce Fidelio lyonnais pris en otage par les délires mystico-futuristes de Gary Hill, qui rend le plus mauvais service au bien fragile unique opéra beethovénien ! Au diapason de ces divagations, Kazushi Ono abandonne le théâtre au profit d’une contemplation magnifique, sans réveiller un plateau très moyen.
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Fidèle à sa volonté de présenter un festival au sein de chaque saison de l’Opéra de Lyon, Serge Dorny a choisi, aux côtés de la création de Claude de Thierry Escaich et du diptyque Erwartung-Le Prisonnier, d’inclure comme ouvrage de grand répertoire à sa thématique Justice-Injustice le Fidelio de Beethoven.
On sait les difficultés du compositeur à mener à bien cet unique projet lyrique, les remaniements profonds de l’opéra sur une dizaine d’années avant de trouver une forme dramatiquement convenable. Le livret, notamment, vaut nettement plus pour son symbole chez un esprit pétri de liberté que pour sa qualité littéraire ou sa trame assez mince.
Dès lors, que peuvent bien lui apporter les divagations mystiques passablement fumeuses que Gary Hill est allé chercher dans le roman Aniara du Suédois Harry Martinson, butant sur la nature même de l’ouvrage, d’un engagement postrévolutionnaire très politique ? Car en guise de mise en scène, le vidéaste américain impose un délire conceptuel qui asphyxie complètement l’opéra.
Entre Star Trek et le Cinquième élément, cherchant à abolir temps et espace à l’aide de vidéos de cellules, de formes géométriques, de croquis d’architecture futuristes, ce Fidelio affublé d’une narratrice vomissant une logorrhée en français au milieu de dialogues réécrits où il est question de laser, de désintégration et autres joyeusetés de science-fiction, fait assister comme sous acide à l’accouchement aux forceps d’une conception stérile, rendant l’argument même de l’opéra presque incongru.
Au bout d’une demi-heure, on n’en peut plus de ce visuel grisâtre au flou stellaire épuisant pour l’œil, de ces déplacements des chanteurs en Segway, de ces rotations interminables cherchant à combler une direction d’acteurs d’un vide abyssal, de ces costumes ridicules – Pizarro en espèce de sumo travesti, les épaulettes à facettes de Fernando et Marzelline – et d’un rythme dramatique complètement plombé.
En conformité avec cette dilatation temporelle, Kazushi Ono joue la loyauté avec le metteur en scène en déroulant sa trame orchestrale en toute contemplation, à l’aide de tempi lents, aplanissant les ruptures et angles du discours beethovénien, tout en inventant, dans la veine d’un Giulini, de magnifiques suspensions et un travail d’orfèvre sur les textures.
On peut rejeter cette approche essentiellement harmonique, niant tout théâtre et toute verticalité, toute énergie vitale au seul profit du tissage d’un ruban infini, à la tête d’un orchestre soigné comme jamais – le dosage du vibrato des cordes, les mixtures des vents, d’une transparence céleste – mais on préférera dans ce contexte en souligner les beautés.
C’est aussi que le chef japonais fait son possible pour ne pas déborder une distribution en rien inoubliable. Depuis Bayreuth, la voix décharnée de Michaela Kaune n’a rien perdu de son grave grêle, de ses aigus instables et criards, de ses vocalises à l’intonation improbable, et sa Leonore s’escrimant à prodiguer des nuances ne peut que buter sur un matériau ingrat.
En Marzelline, Karen Vourc’h fait entendre un vibrato élargi et trop de verdeur, de maniérismes, face au Jaquino classique de Christian Baumgärtel. Par-delà des dialogues bloqués sur une note sépulcrale, l’émission renfrognée de Wilhelm Schwinghammer passe à côté de la bonté terrienne de Rocco.
Quant au Pizarro de Pavlo Hunka, monochrome dans sa colère, poussif d’aigu et court en volume, il est celui qui s’en tire le mieux avec le Florestan pourtant inégal de Nikolaï Schukoff, allemand caricatural et brutalité chronique mais aigu impérial et seul format du plateau vraiment à la hauteur.
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Opéra national, Lyon Le 12/04/2013 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Fidelio de Beethoven dans une mise en scène de Gary Hill et sous la direction de Kazushi Ono à l’Opéra de Lyon. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Fidelio, opéra en deux actes (1815)
Livret d’après Léonore ou l’amour conjugal de Jean-Nicolas Bouilly
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Lyon
direction : Kazushi Ono
installation média et mise en espace : Gary Hill
associé artistique : Christian Räth
costumes : Paulina Wallenberg-Olsson
Ă©clairages : Marco Filibeck
préparation des chœurs : Alan Woodbridge
Avec :
Michaela Kaune (Leonore), Nikolaï Schukoff (Florestan), Wilhelm Schwinghammer (Rocco), Pavlo Hunka (Pizarro), Andrew Schroeder (Don Fernando), Karen Vourc’h (Marzelline), Christian Baumgärtel (Jaquino), Didier Roussel (Premier prisonnier), Kwang Soun Kim (Deuxième prisonnier). | |
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