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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Nouvelles production du Prisonnier de Dallapicola et d’Erwartung de Schoenberg dans une mise en scène d’Alex Ollé et sous la direction de Kazushi Ono à l’Opéra de Lyon.
Justice-Injustice (2) :
Deux manières de prison
Lauri Vasar (le Prisonnier)
Si Erwartung est sans doute l’ouvrage qui colle le moins directement à la thématique du festival Justice-Injustice de l’Opéra de Lyon, le réemploi du dispositif scénique du Prisonnier que propose Alex Ollé illustre deux facettes de l’emprisonnement, physique et mental. Un diptyque très cohérent, transcendé par la baguette de Kazushi Ono.
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La manière dont Alex Ollé, issu du collectif catalan la Fura dels Baus, exploite la vidéo dans Erwartung achève de nous convaincre que le Fidelio geek de Gary Hill vu la veille n’était même pas éblouissant d’un point de vue visuel. Car les images projetées ici sur plusieurs niveaux donnent l’impression d’un décor en trois dimensions, le premier tulle à l’avant-scène, le second enroulé au milieu façon abat-jour, relayé par d’autres projections en profondeur.
Ce dispositif scénographique restitue en plein l’univers fantasmagorique du monodrame de Schoenberg, inquiétante forêt d’une densité, d’une touffeur plus vraie que nature, et prétexte à une investigation menant à la manière du travelling de l’œil de la Femme au plus profond de sa psyché torturée, de ses fantasmes meurtriers, reconstituant la trame de la tragédie de la lisière des bois jusqu’à un inquiétant manoir.
Petit à petit, on reconnaît des effets personnels éparpillés dans un intérieur bourgeois, pour revivre une reconstitution du crime passionnel, avec le cadavre de la rivale d’abord, puis un saisissant arrêt sur image à 360 degrés sur le coup de couteau fatal à l’homme adultère, avant que l’œil ne se referme, laissant la Femme horrifiée par son propre crime en une parfaite illustration d’une prison mentale.
En première partie, le metteur en scène espagnol avait utilisé le même plateau tournant, d’une mécanique écrasante, éclairé a minima, pour traduire la claustration du Prisonnier de Dallapicola, dans un noir et blanc d’une totale austérité, avec de fausses portes en écho aux faux espoirs, et en poussant la dramaturgie dans ses retranchements.
Dans le court prologue, la Mère se voit confrontée au linceul de son fils exécuté, avant que l’on revive tel un flashback les dernières affres de sa captivité. L’affection trouble du Geôlier faussement consolateur, une sorte de régression vers les phases de l’enfance et de l’adolescence confèrent une ampleur psychanalytique à une mise en scène ayant pris la mesure des enjeux du livret.
Vu l’intérêt relatif des voix italiennes pour le répertoire du XXe siècle, on ne s’étonnera guère du caractère germanique du plateau, au point qu’on a d’abord l’impression que Magdalena Anna Hofmann s’exprime en allemand, devant la largeur du trait, l’émission en profondeur de son soprano ample – qui joue beaucoup plus la tragédie par la plénitude vocale que par la pure déclamation dans Erwartung.
Guère plus transalpin de couleur, Lauri Vasar recule toutes ses voyelles et privilégie en Prisonnier l’ampleur, avec une implication d’une vraie stature tragique. Raymond Very a la fausse candeur et le mielleux du Geôlier, même si son haut registre gagnerait à conserver plus de timbre sur des Fratello ! néanmoins d’une belle expressivité.
À l’opposé de son Fidelio zen, Kazushi Ono prodigue des fulgurances impitoyables et soigne les commentaires choraux, avec un raffinement dans les alliages de timbre, un sens de la saillie orchestrale et des plages d’attente raréfiées qui font merveille dans le langage novateur sans être radical de Dallapicola.
De même, il nage en terrain conquis dans Erwartung, comme on pouvait l’imaginer après une Lulu restée in loco dans les mémoires. Braquage de projecteurs radical sur les pointes de violence, climat entre chien et loup et constante mobilité d’une pâte orchestrale bruissant de mille dangers, aussi changeante que l’esprit malade de la Femme, on se trouve face à une réussite majeure.
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