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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Création de Claude de Thierry Escaich dans une mise en scène d’Olivier Py et sous la direction de Jérémie Rhorer à l’Opéra de Lyon.
Justice-Injustice (3) :
Un vibrant réquisitoire
Jean-SĂ©bastien Bou (Claude)
Triomphe et standing ovation pour Robert Badinter à l’issue de cette dernière représentation de la création à l’Opéra de Lyon de Claude, opéra de Thierry Escaich auquel l’artisan de l’abolition de la peine de mort en France a prêté sa plume. Un ouvrage d’une puissance inouïe, et le plus vibrant des plaidoyers contre l’inhumanité du monde carcéral.
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Émotion très forte pour la dernière représentation de Claude en clôture du festival Justice-Injustice de l’Opéra de Lyon. Présent dans la salle, Robert Badinter, 85 ans, ministre de la Justice de François Mitterrand, maître d’œuvre de l’abolition en 1981 de la peine capitale en France, est salué par une standing ovation de l’Opéra Nouvel pour son livret de l’opéra de Thierry Escaich, basé sur le Claude Gueux de Victor Hugo.
Ce moment de ferveur faisait suite à une ultime représentation de l’ouvrage créé le 27 mars dernier, de celles où chacun donne tout son possible pour porter au triomphe un projet symbolique à une époque où l’humanisme semble avoir déserté les esprits au profit des seuls enjeux économiques et financiers, de la seule nécessité de la rentabilité et d’un retour latent vers l’obscurantisme d’avant les Lumières.
En un vibrant plaidoyer contre la peine de mort et toutes les formes de barbarie, y compris celle que représente la privation de liberté, tellement mal appliquée partout dans le monde qu’elle ne peut qu’entraîner la récidive et l’absence de réinsertion, Badinter et Escaich ont mis le paquet sur l’ampleur de l’inhumanité carcérale broyeuse des hommes.
Depuis Nono et les Soldats de Zimmermann, on n’a pas le souvenir d’un ouvrage aussi fort dans son message et dans les moyens employés, personnages agonisant littéralement de leur condition, musique apocalyptique d’une tension continue, écartelée entre phases d’abattement et répétitions de cellules jusqu’à l’exaspération.
L’intrigue narre le martyre de Claude, un canut lyonnais emprisonné pour son engagement sur les barricades, victime du plus odieux des directeurs de prison ; forte tête mais pris d’affection sensuelle pour son codétenu Albin, dont il sera soigneusement écarté, il décide de tuer son bourreau, avant d’être conduit à la guillotine.
La mise en scène d’Olivier Py, épuisante de violence physique, d’électricité dans le déchaînement des corps, jusqu’à un viol collectif insoutenable, va dans le sens de la partition, exténuante, excessive de mouvement mais nécessaire, implacable dans l’évocation des tâches mécaniques confiées à des détenus progressivement lobotomisés.
La scénographie de Pierre-André Weitz est des plus habiles, de gigantesques blocs pivotants devenant tour à tour vue en coupe des cellules, bureau du directeur, escalier de secours, toits de la prison, cour sordide, servant au mieux les seize scènes, deux interscènes, prologue et épilogue de l’ouvrage.
On n’oubliera sans doute jamais la scène finale, où Claude, avant d’aller à l’échafaud, seul sur un méchant tabouret, maculé du sang de son suicide manqué, avale le pain christique du dernier repas, au milieu des paillettes et entrechats d’une danseuse classique. Saisissant appel à nos consciences sur la futilité du divertissement.
Dans la fosse, Jérémie Rhorer exalte la grandeur tragique de la partition, en déflagrations rigoureusement assénées, portant au paroxysme une partie orchestrale souvent volcanique, colorée par le timbre traité de manière instrumentale du chœur, visible en fond de scène, en civil, à la manière de la vox populi ou du commentaire à l’antique.
C’est au niveau du plateau qu’il y aurait le plus à redire, l’ouvrage sollicitant une impressionnante endurance vocale, par delà une prosodie plutôt habile, où l’e muet disparaît souvent, mais où la déclamation demeure relativement naturelle. Reste que sans le surtitrage, on aurait souvent du mal à comprendre un traître mot de ce qui se dit.
Au terme d’une carrière vénérable, Jean-Philippe Lafont n’a plus que de la noirceur et du volume à insuffler au Directeur de la prison, coincé dans de pesants éclats où l’on ne perçoit plus une once de texte. Guère plus intelligible, Rodrigo Ferreira, impeccable en scène, semble dépassé par l’intensité et les écarts de tessiture requis par le compositeur, dont on regrette le poncif d’avoir associé l’homosexualité d’Albin à la voix de contre-ténor.
Hyper investi en scène lui aussi, Jean-Sébastien Bou, qui a pris une ampleur insoupçonnable en une décennie, donne toute sa profondeur au rôle-titre, dont il possède la vulnérabilité, la rage, la présence, et une belle diction, tout comme l’Entrepreneur de Laurent Alvaro, au timbre frappé, aux mots bien mordus.
On notera enfin le grand écart entre les deux surveillants, de celui, usé jusqu’à la corde, de Philip Sheffield, à la révélation de la soirée, le ténor magnifiquement projeté et chantant du tout jeune Rémy Mathieu, le seul du plateau dont on ne perde de surcroît à aucun moment le texte, laissant augurer d’une belle carrière.
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Opéra national, Lyon Le 14/04/2013 Yannick MILLON |
| Création de Claude de Thierry Escaich dans une mise en scène d’Olivier Py et sous la direction de Jérémie Rhorer à l’Opéra de Lyon. | Thierry Escaich (*1965)
Claude, opéra en un prologue, seize scènes et un épilogue (2013)
Livret de Robert Badinter d’après le Claude Gueux de Victor Hugo
Création mondiale
Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Lyon
direction : Jérémie Rhorer
mise en scène : Olivier Py
décors & costumes : Pierre-André Weitz
Ă©clairages : Bertrand Killy
préparation des chœurs : Alan Woodbridge
Avec :
Jean-Sébastien Bou (Claude), Jean-Philippe Lafont (le Directeur), Rodrigo Ferreira (Albin), Laurent Alvaro (l’Entrepreneur / le Surveillant général), Rémy Mathieu (Premier personnage / Premier surveillant), Philip Sheffield (Deuxième personnage / Deuxième surveillant), Loleh Pottier (la Petite fille), Anaël Chevallier (la voix en écho), Yannick Berne (Premier détenu), Paolo Stupenengo (Deuxième détenu), Jean Vendassi (Troisième détenu), David Sanchez Serra (l’avocat), Didier Roussel (l’Avocat général), Brian Bruce (le Président), Laura Ruiz Tamayo (danseuse). | |
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