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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Cléopâtre de Massenet dans une mise en scène de Charles Roubaud et sous la direction de Lawrence Foster à l’Opéra de Marseille.
Une Cléopâtre française
Pour sa dernière production scénique d’une saison placée sous le signe de la Méditerranée et qui s’achèvera par les Troyens en version de concert, l’Opéra de Marseille ressuscite avec panache, une mise en scène classique et une très solide équipe musicale l’ultime opéra de Massenet, dont le livret maladroit constitue le principal handicap.
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Depuis sa création à l’Opéra de Monte-Carlo le 23 février 1914, dix-huit mois après le décès du compositeur – Massenet ayant achevé l’ouvrage deux mois avant sa mort –, Cléopâtre a été rarement représentée. Mary Garden assura la première parisienne en 1919, mais dans un passé plus récent, seul le Festival Massenet de Saint-Étienne osa monter l’opéra en 1990.
Pourtant, l’an dernier, lors du premier Festival de Pentecôte salzbourgeois dont elle assurait la direction artistique, Cecilia Bartoli, qui avait placé la manifestation sous le thème de Cléopâtre, en proposa une brillante version de concert avec Sophie Koch dans le rôle-titre, un Ludovic Tézier au chant particulièrement élégant en Marc Antoine et Sandrine Piau en Octavie.
Alors que Vladimir Fedosseyev avec le Mozarteumorchester privilégiait les rutilances d’une partition qui commence dans l’orientalisme de Thaïs et s’achève dans l’épure émotive de Werther, Lawrence Foster se révèle plus idiomatique à la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Marseille dans une forme réjouissante : quel progrès depuis que le chef américain en a pris les commandes !
On apprécie non seulement la cohésion des ensembles dans les pages spectaculaires mais surtout la qualité des couleurs et des nuances. Pour autant, malgré ce beau travail orchestral et un plateau homogène, on n’est pas vraiment convaincu, cette fois, que Cléopâtre soit un chef-d’œuvre méconnu ni même un grand Massenet, malgré des moments de réelle beauté, tout particulièrement le magnifique dernier acte.
Si la réhabilitation de l’œuvre nous paraissait plus évidente à Salzbourg où l’on se focalisait sur la musique et le chant, c’est parce que le concert permettait d’oublier le manque d’inspiration du livret et la platitude du poème de Louis Payen qui n’est hélas ni Shakespeare ni Bernard Shaw !
Une représentation scénique surtitrée souligne implacablement les faiblesses dramatiques de l’action et plus encore la pauvreté du texte, un double handicap pour donner une vraie consistance théâtrale aux personnages, malgré la conviction du trio principal.
Cléopâtre fière et rouée, Béatrice Uria-Monzon a belle allure dans les costumes imaginatifs concoctés par Katia Duflot et inspirés, comme l’ensemble de la production, de l’orientalisme tel qu’on le voyait à la fin du XIXe siècle et au tout début du XXe. Si la voix est parfois instable, la tessiture du rôle convient parfaitement à la mezzo française qui donne le meilleur d’elle-même dans la scène finale.
Vocalement plus à l’aise dans le lyrisme que la véhémence, Kimy Mc Laren est une intense Octavie. Puissant et stylé, le Triumvir de Jean-François Lapointe domine avec une indiscutable autorité une distribution où personne ne démérite, même si on aurait souhaité un minimum de classe et de séduction chez le Spakos de Luca Lombardo.
Une sobriété élégante et raffinée dans l’exotisme comme dans les scènes intimistes caractérise la production de Charles Roubaud, dans des décors simples et évocateurs d’Emmanuelle Favre. Toute relecture ou second degré aurait constitué un défi impossible : il est donc heureux que la sagesse générale l’ait emporté pour ne pas dénaturer le testament musical de Massenet.
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Opéra, Marseille Le 18/06/2013 Monique BARICHELLA |
| Nouvelle production de Cléopâtre de Massenet dans une mise en scène de Charles Roubaud et sous la direction de Lawrence Foster à l’Opéra de Marseille. | Jules Massenet (1842-1912)
Cleopâtre, drame passionnel en quatre actes et cinq tableaux (1914)
Poème de Louis Payen
Orchestre de l’Opéra de Marseille
direction : Lawrence Foster
mise en scène : Charles Roubaud
décors : Emmanuelle Favre
costumes : Katia Duflot
éclairages : Marc Delamézière
Avec :
Béatrice Uria-Monzon (Cléopâtre), Kimy Mc Laren (Octavie), Antoinette Dennefeld (Chamion), Jean-François Lapointe (Marc Antoine), Luca Lombardo (Spakos), Philippe Ermelier (Ennius), Bernard Imbert (Amnhès), Jean-Marie Delpas (Sévérus), Norbert Dol (l’Esclave), Marco Vesprini (Adamos).
(photo : Christian Dresse) | |
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