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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Falstaff de Verdi dans une mise en scène de Damiano Michieletto et sous la direction de Zubin Mehta au festival de Salzbourg 2013.
Salzbourg 2013 (2) :
L’effet Quartet
Les maisons de retraite pour artistes ont décidément le vent en poupe. Dans la lignée du film Quartet qui se déroulait dans la Beecham House, Damiano Michieletto campe l’action de Falstaff dans la Casa Verdi. Entre souvenirs, rêve et réalité, un nouvel horizon plus serio pour cette Commedia lirica desservie ce soir par un Zubin Mehta bien prosaïque.
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Sublime enfant de la vieillesse, Falstaff reste l’opéra le plus personnel d’un Verdi allant jusqu’à parodier des recettes utilisées ad nauseam tout au long de ses vingt-sept opéras précédents. Parce que le compositeur, fringant octogénaire, semble trouver dans cette ultime pirouette un souffle de vie extraordinaire, Damiano Michieletto fait le pari d’un Falstaff dans les couleurs du Quartet de Dustin Hoffman.
Sorti au printemps, l’unique film de réalisateur de l’Américain y dépeint avec une réelle tendresse la vie d’une communauté de pensionnaires de la Britannique et fictive Beecham House for Retired Musicians calquée sur le modèle de la Casa di riposo per Musicisti fondée par Verdi pour offrir une fin de vie digne aux artistes italiens, l’institution milanaise ayant déjà été popularisée il y a trente ans par le documentaire le Baiser de Tosca de Daniel Schmid.
Ce nouveau Falstaff de Salzbourg lorgnera donc plus les arrière-plans ambigus et doux-amers, moins uniment burlesques du King Henry IV de Shakespeare, que la franche gaieté des seules Joyeuses Commères de Windsor, utilisés tous deux par Arrigo Boïto pour son livret qui reste un bijou du genre.
Chanteur à la retraite, Sir John est amené, entre rêve et réalité et notamment à travers un vieil album de photos jaunies, à revivre l’intrigue de l’opéra de ses succès d’antan. Endormi sur son canapé, cauchemardant sa propre cérémonie funéraire dans la Scène des fées, il est visité par autant de figures lyriques du passé aux costumes ternis dans le décor unique d’un grand salon de la Casa Verdi.
Plutôt que d’en rajouter sur la monstruosité du Cavaliere, Michieletto joue sur le ressort de la compassion, et l’on en voudrait presque aux commères de profiter à ce point de ses failles pantagruéliques, pour ne rien dire de ses assauts de vigueur, qu’en vraies perverses, elles feront tout pour réveiller.
Quant aux fraîches amours de Nannetta et Fenton, elles seront contrepointées de la tendresse d’un couple valétudinaire, à même de toucher le plus endurci des spectateurs. Beaucoup de bonnes idées, une approche de la vieillesse infiniment plus probante que le faux jeunisme de la Bohème l’été dernier, mais on ne peut pas dire au final que le spectacle parvienne à prendre vraiment corps. On attendait donc que la musique prenne le relais.
Saluons d’abord l’initiative d’Alexander Pereira d’avoir programmé l’ouvrage dans la Haus für Mozart plutôt que dans le monumental Grosses Festspielhaus où Karajan l’avait délocalisé dans les années 1980, afin d’y retrouver un vrai climat de conversation en musique. Pour autant, ce soir, les répliques censées fuser, les saillies savoureuses du livret resteront souvent sur la touche.
La faute d’abord à Zubin Mehta, qui conduit un Falstaff à la fois pantouflard et tonitruant, tantôt trop mou dans la mécanique huilée comme un coucou suisse de la partition, en rade de vrai staccato, essoufflé dans les ensembles, tantôt trop fort et épais, voire trivial dans les éclats, d’un clinquant impardonnable pour être à la tête des Wiener Philharmoniker.
Le plateau s’en ressent, principalement chez l’Alice de Fiorenza Cedolins, qui pour avoir un authentique médium italien n’en délivre pas moins un chant en arrière, inaudible de mots, au cœur d’un trio assez mal assorti. Seule commère à retenir l’attention, la Quickly très aristo d’Elisabeth Kulman, parfaitement homogène et d’un recours à la voix de poitrine irréprochable, présente mais jamais virago.
Massimo Cavalletti fait briller en Ford ses aigus francs et massifs avec un rien de monolithisme, tandis que le jeune Mexicain Javier Camarena, qui semble oublier le cadre rythmique de l’orchestre et toute notion de dialogue, expose un instrument magnifiquement latin en Fenton, bien accroché et avec une bonne réserve de puissance dans les ensembles.
Très jolie Nannetta d’Eleonora Buratto, parfois un rien verte mais aux beaux aigus suspendus, surtout lorsqu’elle est autorisée à les chanter autrement que la tête en bas. Comprimari inégaux, entre un Pistola bien articulé, un Docteur Caïus couinant tout son saoul et un Bardolfo pas assez canalisé.
Mais la palme revient evidentemente au Falstaff gargantuesque d’Ambrogio Maestri, carrure de gentil ogre et trogne à la Fellini, avec ce visage énorme qui est l’image même du Pancione. La voix n’est pas en reste, et si le médium a tendance à disparaître dans l’épaisseur de l’orchestre – et le sillabato de Quand’ero paggio à manquer de netteté –, les aigus sont toujours impressionnants, longs de souffle et d’une glorieuse projection.
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Haus fĂĽr Mozart, Salzburg Le 04/08/2013 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Falstaff de Verdi dans une mise en scène de Damiano Michieletto et sous la direction de Zubin Mehta au festival de Salzbourg 2013. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Falstaff, commedia lirica en trois actes (1890)
Livret d’Arrigo Boïto d’après les Joyeuses Commères de Windsor et King Henry IV de Shakespeare
Philharmonia Chor Wien
Wiener Philharmoniker
direction : Zubin Mehta
mise en scène : Damiano Michieletto
décors : Paolo Fantin
costumes : Carla Teti
Ă©clairages : Alessandro Carletti
vidéo : Rocafilm
préparation des chœurs : Walter Zeh
Avec :
Ambrogio Maestri (Falstaff), Massimo Cavalletti (Ford), Fiorenza Cedolins (Mrs. Alice Ford), Eleonora Buratto (Nannetta), Elisabeth Kulman (Mrs. Quickly), Stephanie Houtzeel (Mrs. Meg Page), Javier Camarena (Fenton), Luca Casalin (Dottor Cajus), Gianluca Sorrentino (Bardolfo), Davide Fersini (Pistola). | |
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