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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production de l’Or du Rhin de Wagner dans une mise en scène de Frank Castorf et sous la direction de Kirill Petrenko au festival de Bayreuth 2013.

Bayreuth 2013 (1) :
Les Dieux du pétrole

© Enrico Nawrath / Bayreuther Festspiele

Débuts tout en irrévérence pour le bicentenaire Wagner à Bayreuth. On s’attendait bien à ce que Frank Castorf, enfant terrible de la scène allemande, dynamite le Ring en bonne et due forme, mais on ne pensait pas être aussi captivé par un Or du Rhin détourné dans un motel de la Route 66. Un lancement prometteur, mais qui suscite déjà des interrogations.
 

Festspielhaus, Bayreuth
Le 14/08/2013
Yannick MILLON
 



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  • Depuis le retrait du cinĂ©aste Wim Wenders il y a deux ans, on se doutait bien, Ă  l’annonce de son remplacement par l’intendant de la VolksbĂĽhne de Berlin, provocateur devant l’éternel, que le nouveau Ring de Bayreuth prĂ©vu pour le bicentenaire de la naissance de Wagner risquait de faire grincer bien des dents.

    Fidèle à sa sulfureuse réputation, Frank Castorf n’a pas manqué de déclencher des huées dès la fin de ce prologue à l’Anneau du Nibelung. Et pourtant, même si la viabilité du projet sur les quatre volets reste incertaine, on est bluffé par la force théâtrale immédiate de cet Or du Rhin délocalisé dans une espèce de motel-station service fifties de la mythique Route 66, théâtre des luttes de pouvoir de la clique de bras cassés de Wotan pour l’exploitation du pétrole qu’est devenu l’or du livret.

    Après une scène des Filles du Rhin cachant leurs lingots au fond d’une piscine d’appoint, où un Alberich répugnant exhibe ses laideurs en slip de bain et pourlèche de sa lubricité un canard en plastique, on débarque dans la chambre d’un Wotan queutard invétéré, vautré entre Fricka et Freia, cette dernière contrariée de ne pas subir plus assidûment les assauts de son beau-frère.

    Les géants en mécanos furax, Donner en farmer texan, on suit les péripéties de ce premier volet comme un excellent road-movie, accroché à une direction d’acteurs criante d’efficacité, grâce notamment à un recours constant à la vidéo en direct donnant à voir au-dessus du décor tantôt un autre angle de la scène, tantôt les coulisses de ce qui se trame. Et l’on n’en manquerait pas une miette !

    © Enrico Nawrath

    Reste que dans cet univers impitoyable…ment concret, regorgeant de truands et malfrats assoiffés d’or noir, Castorf botte en touche à l’esquisse du moindre élément surnaturel, d’autant que son décor unique réduit la richesse de la cosmogonie du livret aux seules faces d’un plateau tournant.

    Cette relecture décapante, bien misogyne (pas un personnage féminin qui ne soit présenté comme un objet sexuel), ne peut laisser indifférent et a toute sa place dans l’Atelier Bayreuth voulu par Wagner, mais comment ne pas avoir déjà des doutes sur la faculté du metteur en scène, dont le travail tient dans le fond à la petite histoire, à tenir la distance, notamment pour affronter le théâtre psychologique de la Première Journée ?

    Pour l’heure, on se laisse d’autant plus facilement amadouer que la musique est plutôt à la fête, grâce d’abord à la direction très ramassée de Kirill Petrenko, successeur de Nagano à Munich, dont le Tristan lyonnais avait laissé entrevoir il y a deux ans une vraie baguette wagnérienne. Dans des tempi médians, le jeune Russe signe un Rheingold d’un seul élan, à la belle pâte sonore, large mais jamais stagnant, aux magnifiques couleurs creusées dans la masse, et reçoit un accueil enthousiaste.

    La distribution vaut quant à elle plus comme un tout que comme une somme de belles individualités. Après son superbe Barak à Salzbourg, Wolfgang Koch est un Wotan clair et mordant, sans l’épaisseur des vrais Heldenbaryton mais à l’aigu d’une belle morgue. Excellente Fricka de Claudia Mahnke, au timbre blessé, dont le vibrato ardent promet un affrontement passionnant dans la Walkyrie. Froh, Donner et Freia paraissent bien anonymes en comparaison, de même que des Géants et Filles du Rhin d’une prudente neutralité.

    On préfère souligner la justesse du Loge sans vrai relief vocal mais fin diseur de Norbert Ernst et du Mime de grande tradition glapissante de Burkhard Ulrich, même si la palme revient sans conteste à l’Alberich de Martin Winkler, noir de timbre, fort en gueule et d’une diction qui rend son juste poids à chaque mot, à chaque inflexion chez un personnage ambigu et torturé comme rarement depuis Gustav Neidlinger.




    Festspielhaus, Bayreuth
    Le 14/08/2013
    Yannick MILLON

    Nouvelle production de l’Or du Rhin de Wagner dans une mise en scène de Frank Castorf et sous la direction de Kirill Petrenko au festival de Bayreuth 2013.
    Richard Wagner (1813-1883)
    Das Rheingold, prologue en quatre scènes au festival scénique Der Ring des Nibelungen
    Livret du compositeur

    Orchester der Bayreuther Festspiele
    direction : Kirill Petrenko
    mise en scène : Frank Castorf
    dĂ©cors : Aleksandar Denić
    costumes : Adriana Braga Peretzki
    Ă©clairages : Rainer Casper
    vidéo : Andreas Deinert & Jens Crull

    Avec :
    Wolfgang Koch (Wotan), Oleksandr Pushniak (Donner), Lothar Odinius (Froh), Norbert Ernst (Loge), Claudia Mahnke (Fricka), Elisabet Strid (Freia), Nadine Weissmann (Erda), Martin Winkler (Alberich), Burkhard Ulrich (Mime), Günther Groissböck (Fasolt), Sorin Coliban (Fafner), Mirella Hagen (Woglinde), Julia Rutigliano (Wellgunde), Okka von der Damerau (Flosshilde).

     


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