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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Walkyrie de Wagner dans une mise en scène de Frank Castorf et sous la direction de Kirill Petrenko au festival de Bayreuth 2013.
Bayreuth 2013 (2) :
Plus dure sera la chute
Après un Or du Rhin contestable mais passionnant d’un bout à l’autre, on tombe de haut avec cette Walkyrie statique et ennuyeuse dont le décor monumental était pourtant riche de potentialités. Le fil rouge du pétrole s’étiolant, on doute cette fois ouvertement de la cohérence sur le long terme de ce nouveau Ring de Bayreuth.
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Osera-t-on dire que l’on s’en doutait ? Comme tant d’autres avant lui, Frank Castorf cale au moment d’exposer les enjeux psychologiques de la Walkyrie, et semble, comme tant d’artistes de l’ancien bloc de l’Est, redouter plus que tout la charge affective du deuxième volet du Ring, accouchant d’un spectacle glacé – le baiser de Wotan à sa fille, comme prise de convulsions.
Si son Or du Rhin brillamment contestable se déroulait sans temps mort, on s’ennuie à cette Walkyrie convenue, sans autre enjeu qu’une transposition qui commence à s’effilocher. Exit l’irrévérence et la direction d’acteurs grisante au moment d’aborder les Walsüngen et leur destin tragique.
Dans la très belle scĂ©nographie monumentale d’Aleksandr Denić, dĂ©corateur du cinĂ©aste Emir Kusturica, sorte d’immense ferme en bois abritant atelier, Ă©curie, puits de forage et rĂ©serve d’explosifs, les personnages errent dans des poses lyriques traditionnelles. Et le public de se contenter cette fois d’applaudir.
On n’en trouve que plus incongrues les touches personnelles du metteur en scène : pendant l’extase du printemps, la vidéo, ô combien moins présente que la veille et se contentant surtout de passer des extraits du Cuirassé Potemkine, montre Erda en train de manger à pleines mains un gros gâteau à la crème. Peur du vide et remplissage gratuit, histoire de meubler une temporalité plus dilatée que celle du prologue.
Et l’on est cette fois gêné par l’anachronisme de ce deuxième volet campé à Bakou une cinquantaine d’années avant l’action américaine de l’Or du Rhin, Wotan en moujik à longue barbe qui disparaîtra au III et Fricka dans la tenue traditionnelle des femmes d’Azerbaïdjan pour justifier le rapprochement avec les puits de pétrole, ce qui commence tout de même à faire branler l’édifice, pour paraphraser Fasolt.
Le contexte géopolitique, la lutte de pouvoir des états pour l’or noir dont on nous refait tout l’historique dans le programme de salle deviennent un prétexte, une idée directrice qu’il faudra faire entrer désormais coûte que coûte là où les jointures du Ring le permettent encore. Quelle déception après un prologue si prometteur !
Heureusement, la baguette de Kirill Petrenko demeure souveraine, au point que l’on finit par écouter plus que regarder. Dans un parfait point d’équilibre entre vision d’ensemble et détails, tension souterraine et envolées, la difficile trajectoire du II, notamment, est admirablement rendue – une Annonce de la Mort d’une funèbre beauté, les sourdes ponctuations de cuivres et timbales comme autant de battements de cœur dans l’attente d’une issue tragique.
Le plateau s’insère idéalement dans cette vision. Au premier chef le Siegmund un rien bonhomme mais admirablement chanté de Johan Botha, comédien impossible mais sans doute l’une des plus belles voix du moment, homogène, sur un souffle et un éventail de nuances à faire pâlir la concurrence.
Assise sur un beau médium juste assez sombre, la Sieglinde d’Anja Kampe, qui l’emporte largement à l’applaudimètre, n’en est pas moins affligée d’un aigu à la limite du cri, qui maltraite la ligne et prive le personnage de ses plus belles envolées – motif de la Rédemption du monde par l’amour. L’inverse en somme de la Fricka de Claudia Mahnke, d’une magnifique ardeur au sommet de la tessiture.
Franz-Josef Selig est un Hunding sournois, beaucoup moins rustre que la moyenne, tandis que le Wotan de Wolfgang Koch se sort beaucoup mieux de ses éclats de colère que de sa confession aux limites du silence, privée d’un vrai grave, l’émission par ailleurs courte en harmoniques et contrecarrée par de vilains intervalles glissés, mais au haut registre mordant.
Quant à la Brünnhilde de Catherine Foster, on se demande bien pourquoi elle a été sifflée au premier cycle fin juillet, car même si la retransmission radio la montrait un rien moins à l’aise que ce soir, on devrait se réjouir de cette voix sans doute trop légère dans l’absolu, et dont le plein volume n’est pas magnifique, mais qui propose des nuances et des intentions dans les piani qui campent un personnage là où tant se contentent de faire du son.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 15/08/2013 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de la Walkyrie de Wagner dans une mise en scène de Frank Castorf et sous la direction de Kirill Petrenko au festival de Bayreuth 2013. | Richard Wagner (1813-1883)
Die Walküre, première journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen (1870)
Livret du compositeur
Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Kirill Petrenko
mise en scène : Frank Castorf
dĂ©cors : Aleksandar Denić
costumes : Adriana Braga Peretzki
Ă©clairages : Rainer Casper
vidéo : Andreas Deinert & Jens Crull
Avec :
Johan Botha (Siegmund), Franz-Josef Selig (Hunding), Wolfgang Koch (Wotan), Anja Kampe (Sieglinde), Catherine Foster (Brünnhilde), Claudia Mahnke (Fricka), Allison Oakes (Gerhilde), Dara Hobbs (Ortlinde), Claudia Mahnke (Waltraute), Nadine Weissmann (Schwertleite), Christiane Kohl (Helmwige), Julia Rutigliano (Siegrune), Geneviève King (Grimgerde), Alexandra Petersamer (Roßweisse). | |
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