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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Crépuscule des Dieux dans une mise en scène de Frank Castorf et sous la direction de Kirill Petrenko au festival de Bayreuth 2013.
Bayreuth 2013 (4) :
La révolution n'a pas eu lieu
Décidément, Castorf réussit à peine un volet du Ring sur deux, à en juger par ce Crépuscule qui retombe comme un mauvais soufflé, où les saillies théâtrales s’espacent, où le metteur en scène donne l’impression de n’avoir jamais cru à cette histoire. Au final, on oubliera vite la Révolution Castorf annoncée, pour célébrer la révélation Petrenko.
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On s’était imaginé une fin de Ring en feu d’artifice, en bouquet final toxique, en explosion de barils, en plateforme pétrolière ravagée par les flammes : on n’aura eu droit qu’à un pétard mouillé. Comme dans la Walkyrie, Castorf tombe en panne sèche dans ce dernier volet où la vidéo se réduit comme une peau de chagrin, et où seule la scène des Filles du Rhin, allongées lascivement dans une interminable Mercédès décapotable, aura encore une certaine vigueur théâtrale.
Avec peut-être la scène des Nornes, coincées au rez-de-chaussée d’une cage d’escalier fermée par des grilles, constellée d’ex-voto, sorte d’antre glauque dont elles maculent le mur carrelé du sang des oiseaux qu’elles plument, et où s’enfermera Hagen pour sa veille. Ou encore, au rapt de Brünnhilde, ce landau, mais rempli de patates, qui dévale un grand escalier, clin d’œil à Eisenstein déjà cité dans la Walkyrie.
Reste qu’on ne voit pas où Castorf veut en venir à nous transbahuter sans cesse entre la brique new yorkaise et une sinistre baraque à kebab berlinoise, où les Vassaux de Hagen brandissent des petits drapeaux français et anglais. Confusion des lieux mais aussi des époques entre le Berlin contemporain et celui du sortir de la Seconde Guerre mondiale. Et le prétexte du pétrole, dans tout ça ? La façade immaculée de Wall Street peut-être…
Sans doute le metteur en scène cherche-t-il à nous dire que notre univers mondialisé est finalement très étriqué, et que partout le capitalisme largement appuyé au vingtième siècle sur l’exploitation du pétrole a entraîné les mêmes recettes et produit la même standardisation. Le problème, c’est que cette conception politique du Ring, maintes fois éprouvée, a presque trente ans de retard !
Dans la fosse, Kirill Petrenko referme un cycle d’une constance et d’une homogénéité stylistique absolues, et continue dans ce dernier volet à prendre son temps sans jamais laisser se déliter la trame orchestrale. Son premier acte reste un exemple de continuité, de modelé, de couleurs sombres, et sa scène du Rhin sonne vraiment désabusée, comme en attente de la catastrophe. Du grand art pour conclure ces débuts dans l’Abîme mystique.
Vocalement, les Gibichungen affichent le meilleur – Gunther cuivré d’Alejandro Marco-Buhrmester et Gutrune au beau lyrisme d’Allison Oakes – et le pire – le Hagen d’Attila Jun, désespérant de chevrotement, de grosse voix avalée, tout dans le halo, rien dans le noyau du timbre.
Une fois encore, Catherine Foster étonne par sa capacité à se ménager des plages de respiration pour ne pas saturer sa voix légère, et même si elle se trouve parfois en tension dans le haut registre et que la justesse des aigus s’en ressent, sa Brünnhilde reste constamment touchante, avec ce grave idéalement poitriné affirmant un caractère bien trempé sous une apparente fragilité. Belle ovation méritée aux saluts.
On ne peut pas en dire autant du Siegfried de Lance Ryan, sans doute pire encore qu’il y a deux jours, hirsute, vulgaire et déboutonné, caricature de Heldentenor qui ne viendra saluer en solo qu’une unique fois, afin de ne pas recevoir une double ration de huées.
Au terme de l’aventure que reste toujours la confrontation au Ring sur le vif, on gardera finalement une réelle sympathie pour la démarche de l’iconoclaste Frank Castorf, mais de sérieuses réserves sur sa mise en scène au final dispersée et confuse, en regrettant sincèrement l’affaiblissement progressif de son propos. Car si son spectacle entier avait été du niveau du prologue, on aurait tenu une vraie révolution pour fêter le bicentenaire de la naissance de Wagner.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 19/08/2013 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Crépuscule des Dieux dans une mise en scène de Frank Castorf et sous la direction de Kirill Petrenko au festival de Bayreuth 2013. | Richard Wagner (1813-1883)
Götterdämmerung, troisième journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen (1876)
Livret du compositeur
Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Kirill Petrenko
mise en scène : Frank Castorf
dĂ©cors : Aleksandar Denić
costumes : Adriana Braga Peretzki
Ă©clairages : Rainer Casper
vidéo : Andreas Deinert & Jens Crull
Avec :
Lance Ryan (Siegfried), Alejandro Marco-Buhrmester (Gunther), Martin Winkler (Alberich), Attila Jun (Hagen), Catherine Foster (BrĂĽnnhilde), Allison Oakes (Gutrune), Claudia Mahnke (Waltraute / 2. Norn), Okka von der Damerau (1. Norn / FloĂźhilde), Christiane Kohl (3. Norn), Mirella Hagen (Woglinde), Julia Rutigliano (Wellgunde). | |
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