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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 décembre 2024 |
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Nouvelle production de De la maison des morts de Janáček dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Marko Letonja Ă l’OpĂ©ra national du Rhin.
L’inaccessible liberté
Brillante ouverture de saison que cette clĂ´ture du cycle Janáček de Robert Carsen Ă l’OpĂ©ra du Rhin. Avec une belle distribution et la direction idĂ©ale de tension et de raffinement du nouveau patron du Philharmonique de Strasbourg Marko Letonja, le Canadien confère Ă l’ultime opĂ©ra du compositeur son vrai climat de claustration.
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Au terme du cycle Janáček de Robert Carsen Ă l’OpĂ©ra du Rhin, hormis l’Affaire Makropoulos qui nous avait moyennement sĂ©duit, le Canadien aura signĂ© l’une de ses rĂ©ussites majeures, notamment avec cet ultime volet dans l’univers dostoĂŻevskien si particulier du dernier opĂ©ra du compositeur, loin de l’affadissement souvent notĂ© ces derniers temps dans le travail de l’un des metteurs en scène les plus sollicitĂ©s du monde lyrique.
Les poses de magazine et l’esthétisme glamour qui lui sont chers n’avaient de toute manière pas la moindre chance de se glisser dans la dramaturgie crasseuse de De la maison des morts, campée dans un sinistre bagne sibérien. Et sans révolutionner une direction d’acteurs qui pourrait être plus réaliste dans le traitement des masses, le spectacle insuffle une parfaite dose d’enfermement, où l’humanité enfouie chez des êtres monstrueux affleure sans cesse.
Décor unique d’un mur de briques infranchissable, qui dira tout du long l’absence totale de d’échappatoire – accentuée par l’image finale libératrice de l’envol d’un vrai aigle dans la coupole du théâtre – pour les prisonniers, ramassis d’écorchés vifs rendus meurtriers par les aléas d’un coup de folie, d’une exaspération fruits d’une condition sociale désastreuse.
Par le biais d’éclairages rasants ou latéraux accusant les traits des bagnards, projetant leurs silhouettes sur le décor-mur, Carsen joue d’ombre et de lumière suivant les évocations des meurtres, comme autant de confessions sous un projecteur de salle d’interrogatoire, et montre par une tension croissante des corps leur aspect inéluctable.
En transformant la séquence plus intime de l’infirmerie en une scène collective de dortoir, il redit l’absence totale d’intimité de la condition carcérale et renvoie à la scène nocturne du Wozzeck de Berg, tout comme il insiste sur la dimension absurde des tâches répétitives infligées aux prisonniers, remède à toute tentative de réinsertion.
Surtout, le Canadien, friand des mises en abyme, boit du petit lait dans les scènes de théâtre dans le théâtre du II, Don Juan et Kedril conçu dans un ralenti presque chorégraphique, la Belle meunière en ombres chinoises derrière un drap blanc, en une pantomime interdite aux moins de dix-huit ans où la gourmande ne sait plus à quelle verge se vouer.
La musique se hisse à la hauteur du visuel, grâce notamment au travail fédérateur de Marko Letonja, qui sans tout à fait masquer les limites de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg dans cet ouvrage d’une difficulté impitoyable, qui avait donné du fil à retordre même aux Wiener à Salzbourg il y a vingt ans, parvient à un résultat tout à fait honorable.
Ici ou là , une trompette en péril, un violon solo en mal de justesse parasitent un rien l’écoute, mais on se souviendra surtout de la juste tension insufflée par le geste du chef slovène, qui clarifie au possible les textures de la version originale sans chercher à en occulter les bizarreries revendiquées, et obtient une pâte sonore caméléon d’une belle théâtralité.
Dans cet ouvrage sans rôle principal, où les récits de bagnards se succèdent à niveau quasiment égal, on notera chez tous une belle clarté d’énonciation et des timbres bien individualisés, notamment chez le Skuratov d’Andreas Jäggi.
L’ardeur juvénile de Pascal Charbonneau en adolescent Alieia réussit à nous faire accepter le transfert de soprano à ténor du seul rôle « féminin » à l’origine conçu comme un travesti – Carsen a également supprimé le personnage de la prostituée –, et la noblesse naturelle du Goriantchikov de Nicolas Cavallier, avec une mention particulière pour des chœurs admirables de précision et d’impact – les sib aigus des ténors.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 27/09/2013 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de De la maison des morts de Janáček dans une mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Marko Letonja Ă l’OpĂ©ra national du Rhin. | Leoš Janáček (1854-1928)
Z mrtvého domu, opéra en trois actes (1928)
Chœurs de l’Opéra national du Rhin
Orchestre philharmonique de Strasbourg
direction : Marko Letonja
mise en scène : Robert Carsen
décors : Radu Boruzescu
costumes : Miruna Boruzescu
Ă©clairages : Robert Carsen & Peter Van Praet
préparation des chœurs : Michel Capperon
Avec :
Peter Straka (Luka Kuzmitch), Adrian Thompson (le Grand forçat), Enric Martinez-Castignani (le Petit Forçat), Patrick Bolleire (Le Commandant), Nicolas Cavallier (Goriantchikov), Sunggoo Lee (un gardien), Rémy Corazza (le Trèx vieux forçat), Andreas Jäggi (Skuratov), Pascal Charbonneau (Alieia), Glijs Van der Linden (une voix / Kedril), Jens Kiertzner (le Cuisinier), Martin Bárta (le Prêtre / Chichkov), Peter Longauer (Tchekunov), Hervé Huygues Despointes (un forçat ivre), Guy de Mey (Chapkine), Mario Brazitzov (le Forgeron), Jean-Gabriel Saint-Martin (un forçat / Don Juan), Philip Sheffield (Tcheverin). | |
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