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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 novembre 2024 |
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Nouvelle production de Dialogues des Carmélites de Poulenc dans une mise en scène de Christophe Honoré et sous la direction de Kazushi Ono à l’Opéra national de Lyon.
On ne meurt pas chacun pour soi
Coup de maître que cette première mise en scène lyrique pour le réalisateur Christophe Honoré, qui signe des Dialogues des Carmélites actualisés exaltant la notion de perte d’individualité de la claustration et de sacrifice au profit d’un idéal supérieur. Si Kazushi Ono ne trouve pas spontanément le ton juste dans la fosse, le plateau féminin offre un bel engagement.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
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Rentrée prometteuse pour l’Opéra de Lyon, qui a eu la main heureuse en confiant Dialogues des Carmélites à Christophe Honoré, dont rien ne laisse transparaître qu’il signe sa toute première mise en scène d’opéra. Presque rien si l’on exclut la prise de parole liminaire d’une choriste, rideau levé, chargée de lire, avec micro et accent anglo-saxon, un texte de Bernanos sur la jeunesse qu’il eût été plus adroit de faire défiler sur le rideau.
Car on ne peut pour le reste qu’approuver une mise en scène tout en justesse des intentions, en finesse des trouvailles théâtrales, en précision dans la direction d’acteurs des religieuses, jamais outrancière ou caricaturale, contrepoint constamment subtil à l’action principale.
Dans un visuel à la Marthaler, blouses à carreaux du tournant des années 1980 et décor de bois façon squat au dernier étage d’un immeuble laissant entrevoir la place de la République de la capitale, Honoré souligne à chaque instant la prépondérance de la communauté, qui unit ces femmes ayant fait don de leur vie à Dieu au sacrifice de toute intimité, de toute individualité.
Les contraintes souvent oubliées de la claustration, surtout dans un cadre clandestin, sont ici illustrées sans concessions, chaque scène se déroulant en présence des sœurs, y compris lorsque Blanche reçoit son frère au parloir, et jusqu’à l’agonie publique de la Première prieure. Plus de sentiment, d’état d’âme qui échappe à la communauté, aux regards souvent compatissants, parfois curieux, rarement jaloux de ces compagnes de « mort au monde ».
Un petit chat gris merveilleusement sage, suivant la messe avec la même attention que les nonnes, focalise les accès de tendresse de ces femmes privées de sensualité, puis contraintes dans leur sortie forcée de la règle à porter les escarpins de la norme féminine à laquelle elles avaient tourné le dos.
Très fidèle à l’esprit du livret et de la musique, Honoré a imaginé un Marquis de la Force maniaco-dépressif, noyant l’inconsolable chagrin de la mort de son épouse dans des injections de sédatifs et auprès de filles de joie, ainsi qu’un Docteur Javelinot collabo, hurlant avec les loups au point d’accompagner certaines religieuses dans leur défenestration.
Un retournement de veste, un nombrilisme dénoncé en parallèle par la transformation de l’inscription déjà guère engageante « nous avons cru à l’amour de Dieu pour nous », en « nous avons l’amour de nous », symbole d’un monde gangréné par l’égocentrisme, qui confesse au passage la presque impossible transposition de l’œuvre hors du contexte révolutionnaire : même les sœurs ne croient plus ici vraiment en Dieu.
Dans la fosse, Kazushi Ono ne trouve qu’avec intermittence le ton si particulier de cette partition elliptique, constellée de silences, à trop chercher la grande ligne dans une lenteur excessive contre laquelle semblent lutter des chanteurs piaffant d’impatience. Plus à l’aise dans les mixtures de timbres grinçantes, le Japonais réussit toutefois sa montée en puissance après l’entracte, l’orchestre enfin débarrassé des approximations de ses cuivres.
À l’exception de l’Aumônier de Loïc Félix, voix naturelle, diction limpide et belle aura de tendre prédicateur, les voix masculines s’avèrent très insuffisantes. Le Marquis de Laurent Alvaro, à bout d’aigu, bute sur une voix-tronc, sans branches ni feuilles, sans passage ni rondeur. Sébastien Guèze est un Chevalier hors-sujet, aux antipodes du « ténor mozartien » voulu par Poulenc, poussant sur une émission laryngée, en ouverture démesurée des voyelles, comme pour chanter Guillaume Tell.
La dureté, les stridences de la Madame Lidoine droite comme un i de Sophie Marin-Degor demandent un temps d’adaptation, surtout face à la Mère Marie rarement intelligible mais déjà très pète-sec d’Anaïk Morel. Et si la Constance de Sophie Devieilhe est un pur ravissement, timbre adamantin et bonté désintéressée, la radieuse Hélène Guilmette, dans la même lignée vocale, afficherait presque trop de santé pour la fragile Blanche, dont elle a pourtant les vrais élans de sincérité et la beauté des aigus.
Quant à Sylvie Brunet-Grupposo, son incarnation de Madame de Croissy est d’une telle puissance dramatique que l’on finit par abdiquer face à cette diction incroyablement imprécise, à ces voyelles trafiquées, à cette émission chaotique qui sait aussi réserver de bouleversants pianissimi. Une mention particulière enfin pour les ensembles liturgiques, d’une pureté diaphane à convertir les plus réfractaires.
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Opéra national, Lyon Le 14/10/2013 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Dialogues des Carmélites de Poulenc dans une mise en scène de Christophe Honoré et sous la direction de Kazushi Ono à l’Opéra national de Lyon. | Francis Poulenc (1899-1963)
Dialogues des Carmélites, opéra en trois actes (1957)
Livret d’après Georges Bernanos
Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Lyon
direction : Kazushi Ono
mise en scène : Christophe Honoré
décors : Alban Ho Van
costumes : Thibault Vancraenenbroeck
éclairages : Dominique Bruguière
préparation des chœurs : Alan Woodbridge
Avec :
Laurent Alvaro (Le Marquis de la Force), Hélène Guilmette (Blanche de la Force), Sébastien Guèze (Le Chevalier de la Force), Loïc Félix (l’Aumônier du Carmel), Nabil Suliman (Le Geôlier), Sylvie Brunet-Grupposo (Madame de Croissy), Sophie Marin-Degor (Madame Lidoine), Anaïk Morel (Mère Marie de l’Incarnation), Sabine Devieilhe (Sœur Constance), Alexandra Guérinot (Mère Jeanne), Héloïse Mas (Sœur Mathilde), Sophie Calmel (Mère Gérald), Sylvie Malardenti (Sœur Claire), Sophie Lou (Sœur Antoine), Joanna Curelaru (Sœur Catherine), Marie-Eve Gouin (Sœur Félicité), Pei Min Yu (Sœur Gertrude), Pascale Obrecht (Sœur Alice), Sharona Applebaum (Sœur Valentine), Karine Motyka (Sœur Anne), Maki Nakanishi (Sœur Marthe), Marie-Pierre Jury (Sœur Saint Charles), Paolo Stupenengo (un officier), Rémy Mathieu (le Premier Commissaire), Dominique Beneforti (le Deuxième Commissaire), Kwang Soun Kim (Thierry), Jean-François Gay (Monsieur Javelinot). | |
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