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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Première à l’Opéra de Lyon de Cœur de chien de Raskatov dans la mise en scène de Simon McBurney et sous la direction de Martyn Brabbins.
Une satire grinçante et cruelle
Serge Dorny a été bien avisé d’accueillir à l’Opéra de Lyon Cœur de chien d’Alexander Rastakov. Adaptée en 2008 du récit de Mikhail Boulgakov, à la demande de Pierre Audi, directeur de l’Opéra d’ Amsterdam, cette œuvre est déjà passée par Milan et Londres avant de gagner New-York. Partout, c’est un triomphe public.
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Pièce fantasque, satire du régime soviétique, la nouvelle Cœur de chien de l’écrivain russe Mikhaïl Boulgakov (1891-1940), est devenue un opéra dont la création française a lieu à Lyon. C’est sidérant d’invention, acide, truculent à la limite du scabreux, et poignant d’émotion : une fable extravagante.
L’histoire a été écrite par Boulgakov en 1925. Censuré par les communistes, le texte, connu en occident à la fin des années 1960, n’a été publié en Russie qu’en 1987. Pourquoi cet ostracisme ? C’est que derrière la fable, Boulgakov pulvérise le système soviétique.
L’histoire est celle d’un illustre professeur de médecine qui, dans le début de l’ère communiste, veut créer un homme nouveau. Il est un frère de Frankenstein et imagine sa création en récupérant un gentil chien errant, Charik (traduction en français Bouboule). Il l’amadoue, le nourrit puis, trompant sa confiance, il lui greffe l’hypophyse et des organes génitaux humains.
Malheureusement, l’animal se transforme en ivrogne obscène, haineux et devient un dénonciateur, un suppôt du régime soviétique. Moralité : la science est incapable de créer l’homme socialiste comme tout autre homme ! Il ne reste au médecin qu’à détruire sa créature.
Le texte est aussi magnifique que grinçant. La mise en scène étonnante de dynamisme et d’invention de l’Anglais Simon McBurney crée une atmosphère anxieuse. Le spectateur est autant atterré que subjugué par son audace et sa truculence, souvent à la limite de l’ignominie. Manipulé par de formidables marionnettistes qui arrivent à donner vie à une créature hybride, ce chien est doté de trois voix. Selon les circonstances, il a la voix du formidable ténor Peter Hoare, une autre déplaisante (Elena Vassilieva) et celle explosive et haut-perchée du contre-ténor Andrew Watts.
La star de la production est l’inusable et toujours magnifique Sergei Leiferkus, entendu si souvent en Don Giovanni. Le seul défaut de ce Cœur de chien est positif. L’histoire et la mise en scène sont si intenses qu’on en oublierait la musique. Elle est pourtant impressionnante, imprégnée des racines russes mais aussi d’innovations hétéroclites : elle montre la culture monteverdienne et mozartienne, d’un compositeur cultivé.
Elle est intense, savante, créatrice à partir des maîtres Moussorgski et Chostakovitch. Elle a une vivacité, une intensité, une intériorité qui va bien au-delà de cet héritage. Le compositeur, Alexander Rastakov, vit en région parisienne et la musique française hante aussi sa partition. Ce conglomérat d’influences crée un époustouflant opéra à partir d’un texte dont les initiateurs donnent une fin surréaliste et diabolique : toutes ces créatures animalo-hommoïdes envahiraient notre planète. Une magnifique création qui a échappé à Paris…
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Opéra national, Lyon Le 20/01/2014 Nicole DUAULT |
| Première à l’Opéra de Lyon de Cœur de chien de Raskatov dans la mise en scène de Simon McBurney et sous la direction de Martyn Brabbins. | Alexander Rastakov (*1953)
Cœur de chien, opéra en deux actes et un épilogue (2010)
Livret de Cesare Mazzonis, d’après Mikhaïl Boulgakov
Ensemble vocal Il Canto d’Orfeo
Orchestre de l’Opéra de Lyon
direction : Martyn Brobbins
mise en scène : Simon McBurney
décors : Michael Levine
costumes : Christina Cunningham
Ă©clairages : Paul Anderson
vidéo : Finn Ross
préparation des chœurs : Gianluca Capuano
Avec :
Sergei Leiferkus (Filipp Filippovitch Preobrajenski), Ville Rusanen (Ivan Arnoldovitch Bormenthal), Peter Hoare (Charikov), Elena Vassilieva (Voix déplaisante de Charik / Daria Petrovna), Andrew Watts (Voix plaisante de Charik / Viazemskaya), Nancy Allen Lundy (Zina), Robert Wörle (Un Provocateur / Un patient), Annett Andriesen (Une patiente), Sophie Desmars (Une secrétaire), Vasily Efimov (Schwonder), Piotr Micinski (Quatrième prolétaire / Un détective), Gennady Bezzubenkov (Un Chef haut placé / Fiodor, Portier / Un Vendeur de journaux). | |
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