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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise d'Alcina de Haendel dans la mise en scène de Robert Carsen, sous la direction de Christophe Rousset à l'Opéra de Paris.
Les sortilèges de Christophe Rousset
Avec sa dramaturgie réductrice et son érotisme esthétisant et lisse, la mise en scène d'Alcina signée Robert Carsen ne méritait sans doute pas cette troisième reprise. À l'inverse des débuts retentissants de Christophe Rousset et de ses Talens Lyriques dans la fosse du Palais Garnier, qui en sont dès lors la raison nécessaire et suffisante.
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Rien de neuf à dire, et encore moins à penser, de l'Alcina mise en en scène par Robert Carsen en 1999. Ni de son inévitable cohorte d'éphèbes plutôt plus que moins dévêtus, ni d'une appropriation a minima de l'esthétique baroque du changement à vue, qui estompe le merveilleux haendélien et ses perspectives vertigineuses sur le pouvoir de l'illusion sous le masque d'une comédie de mœurs sagement érotisée, dont la direction d'acteurs ne s'élève que trop rarement au-dessus des conventions du théâtre de boulevard.
Non, l'intérêt de cette reprise réside d'abord et avant tout dans la fosse, où Christophe Rousset et ses Talens Lyriques font des débuts qui, pour avoir été trop longtemps différés, n'en sont que plus fracassants. C'est là qu'il faut puiser l'énergie qui tend la ligne pour mieux en libérer les galbes, goûter le subtil camaïeu des affetti comme l'ahurissante virtuosité d'un orchestre qui profite, dimensions du Palais Garnier obligent, de l'inhabituelle profusion de ses effectifs.
Car depuis dix ans que, de Bilbao à Montpellier, de Drottningholm à Amsterdam, et jusqu'au miracle versaillais de juin 2012, chef et musiciens sondent les sortilèges d'Alcina, leur interprétation a atteint une plénitude qui relègue aux oubliettes, non seulement les errements des excités de Matheus menés à la débâcle par Jean-Christophe Spinosi en 2007, mais aussi les riches heures de la création de cette production, dont le disque ne conserve manifestement qu'un reflet tronqué.
Convergence stylistique
En dépit d'une certaine convergence stylistique, la distribution n'atteint pas de tels sommets. Exceptons cependant Sandrine Piau, qui même dépourvue de trille prodigue en Morgana des trésors d'agilité scénique et vocale, et surtout ce supplément d'âme qui mérite décidément mieux que la mini-robe noire de soubrette délurée jadis portée par Natalie Dessay – et pourquoi pas le rôle-titre ?
PrivĂ© de mordant par une tessiture relativement basse, Cyrille Dubois n'en campe pas moins un Oronte traĂ®treusement, jalousement ou amoureusement musicien, tandis que le Melisso de Michał Partyka, lui aussi frais Ă©moulu de l'Atelier Lyrique, s'avère une imitation crĂ©dible de basse haendĂ©lienne, sans pour autant convaincre que sa vraie couleur n'est pas plus claire. Et si Patricia Bardon fait enfin entendre celle, fĂ©minine et cuirassĂ©e, de Bradamante, elle peine Ă battre les records de vitesse qu'exigent les sprints lancĂ©s par Christophe Rousset.
Sans doute Anna Goryachova ne détient-elle pas encore les clés de la rhétorique expressive propre au bel canto du baroque tardif, mais la jeune mezzo russe a d'évidents atouts pour relever les défis de Ruggiero. À commencer par un timbre égal et séduisant qui ne laisse rien paraître de l'indisposition annoncée, non plus qu'une projection naturellement souple, qui lui permet de triompher de la vélocité toutes voiles dehors de Sta nell'Ircana.
Voix suffisamment longue, mais dont la plastique avenante et concentrée manque de ressources et d'envergure pour habiter les voluptueuses langueurs de la magicienne, Myrtò Papatanasiu compose une Alcina plus émue qu'émouvante, au point de se perdre dans le da capo d'un Ah ! mio cor ! étiré jusqu'à la bradycardie. Et dire que les grandes scènes persistent à ignorer Karina Gauvin, la plus envoûtante titulaire du rôle depuis Arleen Auger…
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