|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Nouvelle production de la Forza del destino de Verdi dans une mise en scĂšne de Martin KuĆĄej et sous la direction dâAsher Fisch Ă lâOpĂ©ra de Munich.
La Forza toute laideur dehors
Câest dans son fief munichois que Jonas Kaufmann aborde Alvaro de la Forza del destino aux cĂŽtĂ©s de sa soprano de prĂ©dilection, Anja Harteros, et dâun cast difficilement surpassable par les temps qui courent. HĂ©las, une fois encore, la soirĂ©e est gĂąchĂ©e par la vacuitĂ© dâune production aussi sotte que laide signĂ©e Martin KuĆĄej.
|
|
Bons baisers dâEltsine
RĂ©gal ramiste
L'Ătrange NoĂ«l de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
De Dimitri Tcherniakov et Peter Konwitschny, de Richard Jones Ă Christof Loy, de Calixto Bieito Ă Carlus Padrissa, Krzysztof Warlikowski ou Martin KuĆĄej, qui occupe depuis 2011 le poste dâintendant du Residenztheater de Munich, le Bayerische Staatsoper sâest fait une spĂ©cialitĂ© de productions radicales parfois rĂ©ussies mais toujours dĂ©rangeantes.
Câest ainsi que le Munichois Jonas Kaufmann, superstar maison, voit son premier Alvaro gĂąchĂ© par la totale indigence du propos de Martin KuĆĄej, quâon a connu plus inspirĂ© et rigoureux (Lady Macbeth de Chostakovich en particulier) mais qui, ici, nâa strictement rien Ă dire sur lâouvrage ou les personnages.
Ă lâexception dâune premiĂšre scĂšne cohĂ©rente, voire de lâultime tableau sauvĂ© par un dĂ©cor symbolique efficace constituĂ© de croix blanches amoncelĂ©es et enchevĂȘtrĂ©es, le spectacle est simplement indĂ©fendable de laideur et de vulgaritĂ©, de sottise comme de prĂ©tention.
Il ne suffit pas dâhabiller les protagonistes de la pire maniĂšre actuelle pour prĂ©tendre Ă une relecture moderne dâun ouvrage qui, par ailleurs, ne sây prĂȘte guĂšre. Encore moins dâaccumuler tous les poncifs Ă©culĂ©s de scĂšnes de barbarie, de tortures SM, de beuveries et de partouzes trash pour masquer le vide dâun propos probablement anticlĂ©rical : la communautĂ© en costumes sĂ©culiers chicos qui accueille Leonora semble une secte inquiĂ©tante et malsaine qui pourrait se justifier dans Parsifal, mais nâa aucun rapport avec le contexte de La Forza.
On nage donc en total contre-sens comme lâhĂ©roĂŻne, immergĂ©e et Ă demi-noyĂ©e dans un bassin par des religieux sadiques lors dâun ridicule cĂ©rĂ©monial de purification. On note aussi la prĂ©sence rĂ©currente dâune immense table Ă tout faire sur laquelle se dĂ©roule un austĂšre dĂźner familial avec bĂ©nĂ©dicitĂ© pendant lâouverture et sur laquelle les protagonistes vont tour Ă tour sâĂ©triper, copuler, se reposer et expirer, une table de bois oĂč Melitone entrepose des boĂźtes-repas destinĂ©s Ă des misĂ©reux dâaujourdâhui.
Lâindigence thĂ©Ăątrale contraste avec une qualitĂ© musicale et vocale exemplaire par les temps qui courent. Les chĆurs sont somptueux et lâorchestre souple et nerveux, sans raffinement excessif, sous la direction vigoureuse dâAsher Fisch.
Six mois aprĂšs Manrico, Jonas Kaufmann aborde avec succĂšs le plus dramatique des rĂŽles de tĂ©nor verdien. Certes, le timbre, de plus en plus sombre, est moins solaire que celui de Domingo baryton, mais lâart du chant, les nuances, le style, la musicalitĂ© restent exceptionnels et il surmonte les difficultĂ©s de la tessiture. Surtout, on ne voit pas qui ferait mieux aujourdâhui.
MĂȘme constat concernant Anja Harteros, qui sĂ©duit par sa prĂ©sence fiĂ©vreuse et sa classe, par les beaux accents de Son giunta et dĂ©taille divinement un Pace, pace, mio Dio ! convenant idĂ©alement Ă sa voix. Pour autant, les aigus forte sont toujours durs et il faut nâavoir jamais entendu un vĂ©ritable soprano verdien (Leontyne Price ou mĂȘme Montserrat CaballĂ©) dans le mĂȘme rĂŽle pour dĂ©lirer sur une Leonora qui nâest anthologique que dans le contexte actuel.
Lâunique authentique chanteur verdien, si lâon se rĂ©fĂšre Ă la tradition, est Ludovic TĂ©zier, dont les moyens insolents et le punch sont dignes dâun Piero Cappuccilli, mais avec le raffinement dâun Renato Bruson ! Renato Girolami est un Fra Melitone exceptionnel et Vitalij Kowaljow, qui assume Ă©galement le Marchese di Calatrava, un Padre Guardiano irrĂ©prochable. Enfin, Nadia Krasteva en mini short et jambes nues assume une nouvelle fois la Preziosilla putassiĂšre quâon lui fait jouer un peu partout et quâelle assume avec autant de naturel que de dĂ©cibels.
| | |
|
Nationaltheater, MĂŒnchen Le 08/01/2014 Monique BARICHELLA |
| Nouvelle production de la Forza del destino de Verdi dans une mise en scĂšne de Martin KuĆĄej et sous la direction dâAsher Fisch Ă lâOpĂ©ra de Munich. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Forza del destino, opéra en quatre actes (1862)
Livret de Francesco Maria Piave dâaprĂšs Don Ălvaro o la fuerza del sino de Rivas
Version rĂ©visĂ©e de 1869 (livret dâAntonio Ghislanzoni)
Chor der Bayerischen Staatsoper
Bayerisches Staatsorchester
direction : Asher Fisch
mise en scĂšne : Martin KuĆĄej
décors : Martin Zehetgruber
costumes : Heidi Hackl
Ă©clairages : Reinhard Traub
prĂ©paration des chĆurs : Sören Eckhoff
Avec :
Vitalij Kowaljow (Il Marchese di Calatrava / Padre Guardiano), Anja Harteros (Donna Leonora), Ludovic TĂ©zier (Don Carlo di Vargas), Jonas Kaufmann (Don Alvaro), Nadia Krasteva (Preziosilla), Renato Girolami (Fra Melitone), Heike Grötzinger (Curra), Christian Rieger (Un alcade), Francesco Petrozzi (Mastro Trabuco), Rafał Pawnuk (Un chirurgo). | |
| |
| | |
|