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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Version de concert des Pêcheurs de perles de Bizet sous la direction de Mark Shanahan à Angers Nantes Opéra.
La pĂŞche miraculeuse
Version de concert incontournable des Pêcheurs de perles de Bizet. Parce qu'Angers Nantes Opéra a réuni la fine fleur de la jeune génération de chanteurs francophones, au sein de laquelle Frédéric Antoun, qui après Renaud dans Armide de Gluck et Gérald de Lakmé s'apprête à enchaîner les contre-ut de la Fille du régiment à Covent Garden, se révèle un Nadir simplement miraculeux.
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Topos de la scène lyrique jusqu'aux premières décennies du siècle dernier, l'exotisme traîne désormais des relents de colonialisme nauséabond, au détriment d'un pan entier, et essentiel, du répertoire français. Tant pour éviter le kitsch d’un capharnaüm façon Bollywood ou Pier Import – chacun fera selon son budget –, que l'épure inefficiente encore récemment illustrée par la production terne et toc de Lakmé signée Lilo Baur à l'Opéra Comique, représenter les Pêcheurs de perles en version de concert semble le meilleur compromis.
Pour seul décor, et couleur locale donc, l'orchestre. En est-il d'ailleurs de plus poétique et évocateur que celui de Bizet ? Grand habitué des fosses d'Angers Nantes Opéra, où il laisse notamment le souvenir d'un Falstaff d'anthologie, Mark Shanahan s'entend à faire sonner mieux que personne l'Orchestre National des Pays de la Loire – pourquoi ne pas s'étonner dès lors, et sans préjuger du travail qu'effectuera Pascal Rophé ces prochaines années, que les rênes de cette phalange ne lui aient pas été confiées ?
Par manque de familiarité peut-être avec cet alliage de classicisme distancié de la forme et d'exaltation parfois naïve du sentiment qui fonde ce demi-caractère propre à l'opéra français de la seconde moitié du XIXe, le chef britannique privilégie la teinte et la courbe d'ensemble plutôt que le détail. Et si elle ne parvient pas à endiguer les débordements de puissance de la réunion des chœurs d’Angers Nantes et de Montpellier, sa baguette suscite de superbes effets de fondu enchaîné, permettant aux solistes instrumentaux de se couvrir de gloire, à commencer par un quatuor en état de grâce.
Mais le défi des Pêcheurs de perles est d'abord vocal. Parce que cet art du chant français dont l'acmé coïncide avec les riches heures de ce répertoire, s'exprime à travers une langue, un esprit, un style, une tradition en somme, perdus, ou du moins oubliés. La nouvelle génération d'interprètes francophones, dont les plus beaux fruits arrivent aujourd'hui à maturité, semble toutefois à même de la raviver.
Ainsi, la distribution réunie à Angers et Nantes affiche un Français certes, mais surtout une Belge et deux Québécois. Moins uniment, et irrésistiblement stentor que dans des emplois il est vrai plus enjoués, Nicolas Courjal fait preuve en Nourabad d'une autorité nuancée. Leïla agile, sobre et scrupuleuse, Anne-Catherine Gillet est objectivement irréprochable.
Pourtant, et quand bien même elle passerait pour de l'acharnement, motivé par un esprit de contradiction réfractaire au consensus, notre subjectivité nous inciterait à formuler à son encontre des réserves qui, au risque de provoquer l'incompréhension, sinon l'ire de ses plus fervents admirateurs, n’en paraissent pas moins légitimes, jusque dans leur ambivalence même.
Car enfin, ce grelot incessant, dont la désuétude n'est pas sans charme, renvoie aux premiers âges du microsillon ; cette émission en pointe ne s'épanouit – et ne s'irise – qu'à certaines hauteurs, qui plus est seulement par intermittence ; et ces voyelles d'une clarté inouïe sentent l'artifice d'un exercice de phonétique. D'autant plus que le Zurga d'Etienne Dupuis lui oppose une leçon de naturel absolu, au point de susciter quelques craintes quant à un vibrato qui a tendance à s’élargir, et à distendre le phrasé de son air du III, mais sans mettre en doute ni la qualité d'un matériau ample et racé, ni l'éclat d'un aigu intrépide.
Dans le sillage enfin de son Gérald du mois dernier à la salle Favart, Frédéric Antoun est un Nadir simplement miraculeux. Nulle ostentation – ni contre-ut optionnel – dans cette ligne au frémissement immaculé et cette diction coulant de la source la plus limpide. Le timbre est admirable de fluidité et de tendresse – ce qui n'exclut en rien de soudains éclairs de virilité –, et surtout sans la moindre rupture dans les passages en voix mixte. C'est un doux rêve assurément qui, au fond du temple saint comme sous les palmiers, ferait pleurer les pierres.
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Cité des Congrès, Nantes Le 06/02/2014 Mehdi MAHDAVI |
| Version de concert des Pêcheurs de perles de Bizet sous la direction de Mark Shanahan à Angers Nantes Opéra. | Georges Bizet (1838-1875)
Les Pêcheurs de perles, opéra en trois actes (1863)
Livret de Michel Carré et Eugène Cormon
Anne-Catherine Gillet (LeĂŻla)
Frédéric Antoun (Nadir)
Étienne Dupuis (Zurga)
Nicolas Courjal (Nourabad)
Chœurs d'Angers Nantes Opéra
Chœurs de l'Opéra de Montpellier Languedoc-Roussillon
Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon
Orchestre national des Pays de la Loire
direction : Mark Shanahan | |
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