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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Liederabend de la soprano Waltraud Meier accompagnée au piano par Joseph Breinl dans le cadre des Lundis musicaux du Théâtre du Palais-Royal, Paris.
Ors intimes
Concert aux chandelles avec l'immense Waltraud Meier qui choisit l'écrin intime du Théâtre du Palais-Royal pour un concert placé sous le signe du Lied, que l’Allemande, incontournable soprano wagnérien de notre époque, sait mâtiner de teintes expressives et subtiles, avec l'intelligence théâtrale qu'on lui connaît. Pari réussi.
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Discrètement rutilant sous ses ors et son pourpre de petit théâtre à l’italienne typique de la IIIe République, le Théâtre du Palais-Royal se niche dans une rue aussi peu fréquentée aux abords du parc. Quelques rares promeneurs glissent un œil curieux sur le système ingénieux d’escaliers extérieurs qui quadrillent la façade pour en renforcer le caractère mystérieux et sculptural.
Ils ne se doutent pas que sept cents bienheureux vont assister à l’un des trop rares Liederabend de l’un des plus envoûtants sopranos wagnériens d’aujourd’hui, Waltraud Meier, loin des trompettes du Walhalla et des héroïnes paroxystiques auxquelles on l’associe naturellement sur la scène lyrique.
C’est ce cadre intime que la star allemande a choisi pour un récital dédié à son complice de toujours, le metteur en scène Patrice Chéreau décédé en septembre dernier : celui-ci l’a immortalisée en Isolde et, plus récemment, en Clytemnestre dans l’Elektra donnée au Festival d’Aix 2013, production reconduite à la Scala ce printemps.
Sous le charme de ses apparitions à l’opéra, on ne sait pas assez que Meier est une fervente mélodiste et que, selon elle, « la source de tout le chant, c’est le Lied. » Celle qui a campé plus d’une quinzaine de personnages wagnériens sur les scènes les plus prestigieuses du monde, et qui semblait dès la naissance prédestinée au chant des Nibelungen par son prénom rappelant la Waltraute de Götterdämmerung, propose ici avec bonheur un répertoire classique de la littérature du Lied.
Le public peut ainsi apprécier ses qualités expressives et l’intelligence de sa pensée au service d’une musique et d’un texte relevant du drame intime. Et pourtant ce n’était pas gagné : l’acoustique très sèche de la salle impose des prises de risque, et l’on se dit parfois que la jolie affiche d’artistes de cette première saison des Lundis musicaux du Théâtre du Palais-Royal détonne par rapport à la qualité phonique du lieu. Et si cet espace n’était pas fait pour la musique, malgré la séduisante proximité des musiciens avec leur public ?
C’est que l’on a parfois le sentiment que Waltraud Meier, dans ces quatre Lieder inauguraux de Schubert (Der Wanderer, Der Zwerg, Du bist die Ruh, Die junge Nonne), se cherche, teste la salle, a parfois peur de joindre nuances très douces et aigus subtils, et laisse une impression de fragilité.
Sentiment qui s’estompe dès les premières mesures de Frauenliebe und –leben, que la chanteuse connaît si bien. Dans cette tessiture plus confortable, aux teintes miellées de la mezzo qu’elle fut, elle dénoue avec subtilité les arcanes de ce drame domestique inspiré de Schumann. La seconde partie gagne encore en intensité avec les extraits de Knaben Wunderhorn et les Rückert-Lieder de Mahler.
La version pour piano de ces œuvres ne rend pas forcément grâce à l’inventivité orchestrale du compositeur. On pourrait reprocher au pianiste Joseph Breinl de manquer de ce poison expressif qui colore l’écriture du piano romantique, mais il faut avouer qu’il excelle dans l’art d’exploiter les palettes sonores du clavier, qu’il sait transformer en instrument-orchestre.
La beauté de cette seconde partie vient de cette qualité de Meier à pouvoir s’adapter à la fois à la tonalité de cette soirée, au volume sonore du piano, à la nature originelle de ces partitions, enfin aux poèmes que la musique porte. Largeur expressive des phrases, amplitude de la voix, précision du texte et dramatisme scénique, tout y est : le Romantisme crépusculaire de Mahler se déroule ici en volutes inspirées.
La générosité de la chanteuse n’a d’égal que la beauté de son chant : quatre bis ponctuent cette soirée. Et Mozart, Brahms, Schubert, enfin l’un des Wesendonck Lieder de Wagner achèvent d’envoûter le public tel Alberich par l’Or du Rhin.
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Théâtre du Palais-Royal, Paris Le 24/02/2014 Florent ALBRECHT |
| Liederabend de la soprano Waltraud Meier accompagnée au piano par Joseph Breinl dans le cadre des Lundis musicaux du Théâtre du Palais-Royal, Paris. | Franz Schubert
Der Wanderer D489
Der Zwerg D771
Du bist die Ruh D776
Die junge Nonne D828
Robert Schumann (1810-1856)
Frauenliebe und –leben op. 42
Gustav Mahler (1860-1911)
Des Knaben Wunderhorn (extraits)
RĂĽckert-Lieder
Waltraud Meier, soprano
Joseph Breinl, piano | |
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