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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Neuvième Symphonie de Beethoven sous la direction de Vladimir Jurowski au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Net et sans bavure
Exécution d’une précision diabolique, digne d’une horlogerie musicale, pour cette Neuvième Symphonie de Beethoven aux inflexions baroques par les troupes du London Philharmonic et leur très charismatique chef Vladimir Jurowski. Pas la Neuvième la plus humaniste qu’on ait entendue, mais une démonstration d’orchestre implacable.
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Grand surdoué de la direction d’orchestre, Vladimir Jurowski, dont rien ne laisse paraître sur un visage encore juvénile à la beauté racée qu’il a franchi la barre des quarante ans, commence à se faire une place de choix parmi les chefs de notre temps, et il est rare que sa présence sur le podium soit entachée par la routine. Bosseur acharné, très soucieux du détail, il est en somme tout l’opposé de l’improvisateur Gergiev, qui préfère de plus en plus souvent la quantité à la qualité.
Connaissant l’attrait du jeune Russe pour les exécutions historiquement informées, on ne s’étonnera guère que son Beethoven sonne aussi punchy, tranchant et anguleux, notamment à la tête de l’Orchestre de l’Âge des Lumières, avec lequel il a déjà donné des ouvertures et symphonies explosives. Et comment ne pas admirer avec quelle discipline de fer il a dompté les sonorités modernes du London Philharmonic Orchestra, ici purgées de tout vibrato intempestif et singulièrement raccourcies de coups d’archet ?
Cassant, percutant et frondeur, ce Beethoven avec le seul renfort de trompettes à perce étroite, où chaque son semble écourté, ne manque ni d’énergie ni de poigne, sans pour autant virer à la caricature, et présente au final un visage assez peu amène, tournant le dos à toute galanterie Ancien Régime comme à tout romantisme, particulièrement dans cet ouvrage vantant l’humanisme, la démocratie et la fraternité.
Sur ce point, on restera sur la frustration, l’approche cérébrale, purement instrumentale et souvent un peu sèche du maestro ne cédant à aucun moment à l’expression immédiate, y compris dans un mouvement lent irréprochable de bon goût et de tenue, tout dans l’avancée et la clarté polyphonique mais jamais bouleversant.
D’une radiographie impitoyable, l’entrée en matière du premier mouvement, l’œil rivé sur la régularité des doubles croches qui seront dans tout l’Allegro ma non troppo liminaire comme un mètre étalon (jusque dans des roulements de timbale ainsi mesurés, façon lapin Duracell, sur le climax, d’une très belle tension), ne s’embarrasse pas de métaphysique ou de mystère, tout comme le premier énoncé instrumental de l’hymne à la joie, d’une exactitude confinant à l’indifférence.
On remarquera davantage l’horlogerie millimétrée du Scherzo, rapide mais sans la moindre précipitation, où le trio présente un vrai sentiment d’accélération, ainsi que la manière de faire phraser la houle chorale des derniers épisodes, dans des tempi beaucoup moins cravachés, ne lâchant la bride à aucun moment du Prestissimo final.
Saluons au passage l’impact physique sans bavure des voix féminines du chœur, très droites mais parfaitement justes sur leurs volées de la aigus, pour une fois plus solides que des hommes un rien égosillés, même si le quatuor soliste, où trône un Gerald Finley d’une classe absolue, d’une dignité inouïe dans sa harangue, est sérieusement handicapé par une soprano exsangue.
Une belle Neuvième assurément, mais par trop privée de portée littéraire pour en faire une interprétation inoubliable.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 02/03/2014 Yannick MILLON |
| Neuvième Symphonie de Beethoven sous la direction de Vladimir Jurowski au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 9 en ré mineur op. 125
Emma Bell, soprano
Anna Stéphany, mezzo-soprano
John Daszak, ténor
Gerald Finley, basse
London Philharmonic Choir
London Philharmonic Orchestra
direction : Vladimir Jurowski | |
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