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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 novembre 2024 |
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Nouvelle production de Peter Grimes de Britten dans une mise en scène de Yoshi Oida et sous la direction de Kazushi Ono dans le cadre du festival Britten de l’Opéra de Lyon.
Festival Britten (2) :
Le Stigmatisé
Si l’on redescend d’un cran au niveau théâtral avec ce deuxième volet du festival Britten, c’est avant tout en raison du moule beaucoup plus conventionnel de Peter Grimes, premier véritable opéra du compositeur britannique que Yoshi Oida illustre avec un certain classicisme. Dans la fosse, Kazushi Ono met le feu à une partition qu’il domine de bout en bout.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
[ Tous les concerts ]
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Dans un festival affichant trois ouvrages d’un même compositeur en alternance, il est toujours judicieux de bien choisir l’ordre dans lequel on verra les différentes productions, surtout dans le cas de l’évolution stylistique radicale d’un auteur comme Britten. Avouons dès lors qu’on aurait voulu se confronter à ce Peter Grimes avant de voir le Curlew River et le Tour d’écrou programmés dans l’excellent festival de printemps de l’Opéra de Lyon, mais que des impondérables nous ont empêché de voir dans leur ordre chronologique.
Car de toute évidence, davantage que la mise en scène certes plus classique que celle d’Olivier Py la veille, c’est ce soir l’œuvre même qui marque, toutes proportions gardées il va sans dire, un recul, et jamais on n’avait autant senti à quel point malgré sa musique déjà audacieuse, Peter Grimes reste l’opéra le plus académique de Britten, celui dont le livret s’avère l’un des moins riches et originaux, et où la multiplication de personnages secondaires laisse moins de place à une caractérisation psychologique fouillée.
On n’en voudra donc pas à Yoshi Oida d’avoir opté pour une direction d’acteurs dans la belle tradition opératique, notamment la gestion des innombrables et difficiles scènes de chœur, d’un académisme assumé ne laissant toutefois la place à aucun temps mort. Nous louerons en outre la capacité du metteur en scène japonais à introduire par la scénographie une dimension plus contemporaine, une manière d’occuper l’espace par un jeu infini de containers structurant au mieux le cadre dramaturgique, sur un plateau laissant entrevoir la machinerie de l’Opéra Nouvel, chaque changement de décor à vue.
De même, on gardera du spectacle quelques images fortes, comme ce Peter ramant de dos dans sa bicoque toute rouillée échouée sur la grève et plus généralement tout ce qui touche à la solitude infinie de ce pestiféré aux allures de Capitaine Achab, ainsi que les reflets constamment changeants du fond de scène, successivement coque de chalutier et sombre horizon d’un destin vite scellé par la vindicte populaire.
Aucune faute de goût dans ce spectacle s’achevant sur l’abandon d’un stigmatisé condamné d’avance par son inadaptation au monde, admirablement campé par un Alan Oke qui pour ne pas avoir le plus séduisant des timbres, possède ce qui fait la différence dans cet emploi impossible : une demi-teinte élégiaque valant une évocation des constellations en moment d’apesanteur inouï.
Excellents comparses ce soir dans cet opéra riche en la matière, avec une déclamation anglaise évidente au vu du nombre de natifs que compte la production (Balstrode d’Andrew Foster-Williams, Hobson de James Martin), avec une mention particulière pour les emplois de caractère : Mrs Sedley de Rosalind Plowright, tellement plus à sa place ici qu’en Carmélite au TCE, et Tantine humongous de Kathleen Wilkinson.
Il n’est guère au final que l’Ellen Orford de Michaela Kaune de priver l’ouvrage de son seul véritable rayon de soleil, voix décidément bien ingrate, grave grêle et troisième registre hululant son saoul, privant le seul rôle humaniste de l’opéra de sa compassion. La bonne surprise d’une Sieglinde plutôt réussie à Genève cet hiver aura donc été de courte durée.
Le moteur de cette soirée restera donc avant tout la direction de Kazushi Ono, d’une superbe tension, juste assez analytique pour exalter la richesse d’orchestration du compositeur, en particulier dans des intermèdes marins grondants, aussi imprévisibles qu’une tempête en mer, et avec un magnifique souffle dans des épisodes choraux chauffés à blanc, laissant une trajectoire dramatique implacable.
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Opéra national, Lyon Le 26/04/2014 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Peter Grimes de Britten dans une mise en scène de Yoshi Oida et sous la direction de Kazushi Ono dans le cadre du festival Britten de l’Opéra de Lyon. | Benjamin Britten (1913-1976)
Peter Grimes, opéra en un prologue et trois actes op. 33 (1945)
Livret de Montague Slater d’après le poème The Borough de George Crabbe
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Lyon
direction : Kazushi Ono
mise en scène : Yoshi Oida
décors : Tom Schenk
costumes : Richard Hudson
Ă©clairages : Lutz Deppe
préparation des chœurs : Alan Woodbridge
Avec :
Alan Oke (Peter Grimes), Michaela Kaune (Ellen Orford), Andrew Foster-Williams (Balstrode), Kathleen Wilkinson (Tantine), Caroline MacPhie, Laure Barras (Nièces), Colin Judson (Bob Boles), Károly Szemerédy (Swallow), Rosalind Plowright (Mrs Sedley), Jeff Martin (Révérend Adams), Benedict Nelson (Ned Keene), James Martin (Hobson), Gilles Dugrand (Dr Crabbe), Marin Bisson (John l’apprenti). | |
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