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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production du Tour d’écrou de Britten dans une mise en scène de Valentina Carrasco et sous la direction de Kazushi Ono dans le cadre du festival Britten de l’Opéra de Lyon.
Festival Britten (3) :
Les Autres
Ambiance fantasmagorique à souhait dans ce dernier volet de la trilogie Britten de l’Opéra de Lyon, où Valentina Carrasco, transfuge de la Fura dels Baus prenant son envol en solitaire, utilise au mieux l’immense pouvoir de la scénographie pour distiller les ambiances glauques, étranges et malsaines du Tour d’écrou.
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Véritable mine d’or pour les metteurs en scène, le sujet du Tour d’écrou, nouvelle d’Henry James portée sur la scène lyrique par Britten, ne cesse de fasciner avec le développement des nouvelles technologies et des régies de plus en plus perfectionnées. L’argument ouvre tellement de portes à l’imaginaire qu’on ne se souvient pas d’avoir vu une mise en scène franchement ratée de ce Turn of the screw.
Celle de Luc Bondy à Aix a fait les belles heures des années 2000, celle, plus géniale encore, de Jonathan Kent pour Glyndebourne n’a pas fini de hanter de nouvelles générations d’amateurs d’opéras. Issue du collectif catalan la Fura dels Baus, Valentina Carrasco joue clairement la carte du pouvoir du visuel (vidéo, décors et éclairages) pour camper le climat tout en étrangeté de cet ouvrage empli de non-dits, d’interrogations, où l’on se demande sans cesse qui est le plus fou des personnages.
Une vidéo de quelques minutes dans un superbe ralenti façon Terrence Malick qu’aurait contaminé la caméra d’Amenabár pour les Autres ouvre chacun des deux actes en une séquence apparemment anodine où, autour des enfants jouant avec de la ficelle rouge dans un jardin, puis dans un intérieur bourgeois, traîne un malaise palpable, visages évités, gestes avortés, climat lourd en parfaite osmose avec la partition.
Puis le décor à proprement parler, un plancher nu où trônent seulement une porte, une fenêtre tenant debout grâce à des fils peu discrets, fait le lien entre intérieur et extérieur en abolissant la frontière protectrice et rassurante qu’offre généralement un espace clos. Ainsi, pour les scènes du jardin, c’est le plancher de la maison qui se soulève et dévoile sous ses fondations une végétation grimpante comme si l’on déracinait une maison malade.
Petit à petit, la maison se transforme en une immense toile d’araignée piégeant le mobilier et les personnages enserrés dans les maléfices de Quint et Miss Jessel, chaque scène plus suffocante que la précédente, jusqu’à cet épisode final où le pauvre Miles, vêtu d’un tricot rouge, est littéralement déchiré entre Quint et la Gouvernante, chacun tirant sur les fils de laine pour le laisser finalement torse nu, proie sans défense d’un mal omniprésent.
On ne pouvait mieux illustrer en scène la fantasmagorie oppressante et dérangeante de ce génial livret, même si Jonathan Kent par exemple allait beaucoup plus loin dans les ambiguïtés sexuelles sous-jacentes.
Dans la fosse, Kazushi Ono ne rencontre pas exactement la même réussite que la veille dans Peter Grimes, lecture ici très sourde, parfaite dans les épisodes aux limites du silence, sentiment d’attente souvent habité, mais manquant parfois d’arêtes vives, de ces pics orchestraux soudains qui rappellent au spectateur la cruauté latente du conte, timbres dans l’ensemble pas assez aiguisés.
Convenable distribution au demeurant, avec un Andrew Tortise incomparablement plus évocateur en Peter Quint chuintant, persiflant et sadique qu’en Narrateur trop neutre, un Remo Ragonese parfait en Miles, avec son Malo idéalement teinté de désespoir, la Mrs Grose généreuse de Katharine Goeldner, luxe d’une telle présence vocale dans un emploi secondaire, même si la Gouvernante de Heather Newhouse manque à tout moment de lumière, timbre quelconque et mots guère ciselés.
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