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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production du Turc en Italie de Rossini dans une mise en scène de Christopher Alden et sous la direction de Marc Minkowski au festival d’Aix-en-Provence 2014.
Aix 2014 (4) :
Un Turc enrayé
Première annulée, deuxième repliée au Grand Théâtre de Provence en version semi-concertante, le Turc en Italie aura été la production la plus fortement perturbée, tant par le conflit des intermittents que par les caprices de la météo, de la 66e édition du festival d’Aix. Expansive et jubilatoire, la baguette de Marc Minkowski a gardé le cap d’une production en quête de metteur en scène.
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Théâtre de l’Archevêché, Aix-en-Provence
Le 15/07/2014
Mehdi MAHDAVI
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Bons baisers d’Eltsine
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Moins actif de ce côté de l’Atlantique que son frère David, Christopher Alden ne lui cède en rien sur le plan de cette esthétique que les Américains qualifient d’Eurotrash, une moue de dégoût et d’effroi mêlés accrochée au visage. Rien, dans sa lecture du Turc en Italie, n’est pourtant en mesure de soulever de cris d’orfraie, qui plus est au Festival d’Aix-en-Provence, qui en a vu d’autres en la matière – meilleures ou pires, chacun jugera selon ses affinités.
Sous prétexte que six personnages y sont en quête d’auteur – ou un metteur en scène en quête d’acteurs : « Prosdocimo, c’est moi », dit Alden en substance –, le livret de Felice Romani passe pour pirandellien. Faut-il vraiment aller jusque-là ? Mais va pour un théâtre en train de se faire – bien que, même lorsqu’il se répète, et c’est de plus en plus fréquent, Jean-François Sivadier fasse cela beaucoup mieux –, une pièce en train de s’écrire… à la machine, et assez intempestivement, durant la moitié au moins de l’opéra – que Christoph Marthaler ose la même chose quelques instants seulement dans les Noces de Figaro, et c’est Mozart qu’il assassine.
Est-ce un studio de répétitions, une station de métro, un entre-deux qui autorise toutes les absurdités ? Encore faut-il en maîtriser la mécanique, afin de ne jamais perdre totalement ses personnages – bien que ceux-ci tentent parfois de soumettre leur créateur à leurs caprices –, et le spectateur avec – votre serviteur en l’occurrence, au risque de se sentir seul –, qui ne sait s’il doit rire d’une série de gags plus souvent lourdauds que foutraques, ou s’impatienter face à ce premier acte qui n’en finit pas de commencer, alors même que la musique, elle, avance. Car la folie chez Rossini, et selon le mot de Stendhal, est toujours organisée.
C’est d’autant plus dommage que la distribution est quasi imbattable. Avec une exception, donc, et assez notable pour menacer l’ensemble. De Fiorilla, Olga Peretyatko a le minois et les jambes, mais la voix ? Fatiguée peut-être par son escapade de la veille sur le Champ-de-Mars, la soprano n’émet guère mieux, dans des vocalises sans étincelle virtuose comme dans le cantabile, qu’un pépiement sucrailleux, qui va de pair avec un jeu affecté. Ou quand le plumage l’emporte, trop conscient de ses attraits, sur le ramage.
Respectivement barbon et poète, Alessandro Corbelli et Pietro Spagnoli sont des comédiens autant que des rossiniens chevronnés. Quelques traces d’usure sur un timbre qui n’en a pas moins conservé une admirable intégrité comparé à certains de ses cadets, qui n’ont pu trouver d’autre refuge que ces emplois de caractère, n’entament pas la volubilité du premier, tandis que le second tient le spectacle entier sur ses épaules avec un alliage d’art et de naturel tout bonnement étourdissant. Et puis chez l’un et l’autre, la saveur inimitable de la langue italienne.
Selim, le Turc du titre, n’a pas l’envergure de Mustafà , le bey de l’Italienne à Alger, et Adrian Sampetrean paraît dès lors quelque peu en retrait, de surcroît affadi, presque neutralisé par le metteur en scène. Mais sans doute cette basse claire, nette, mais ronde déjà , et séduisante surtout, trouve-t-elle pour l’heure davantage à s’épanouir dans Mozart – c’est en Leporello que Paris le découvrira la saison prochaine, et c’est en Don Giovanni qu’on rêve de l’entendre.
Avec son canotier et ses girls, l’Albazar fringant de Juan Sancho vole la vedette à tout le plateau le temps d’un air de sorbet – qui « n’est même pas de Rossini ! », s’exclame le poète outragé. La palme de l’outrage revient néanmoins au malheureux Don Narciso, frappé de crétinisme et réduit à assurer les intermèdes à rideau fermé. Que Lawrence Brownlee parvienne, dans ces circonstances, et des positions aussi contraignantes pour le larynx, à prodiguer une telle leçon de chant rossinien – fluidité, agilité, éclat sur un ambitus d’une suprême égalité – tient de l’exploit.
Les Musiciens du Louvre Grenoble n’en sont pas loin non plus, tant la fosse du Théâtre de l’Archevêché semble d’abord les étouffer sous une chape de plomb. Pas au point cependant de contenir le geste toujours expansif de Marc Minkowski, qui apprivoise cette acoustique hostile en se délectant du dialogue jubilatoire entre des basses inébranlables et des vents goguenards.
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