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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de la Force du destin de Verdi dans la mise en scĂšne de Martin KuĆĄej et sous la direction dâAsher Fisch au festival dâĂ©tĂ© de Munich 2014.
Munich 2014 (2) :
Le tricorne coupé
Cette reprise de La Forza del Destino au festival dâĂ©tĂ© du Bayerische Staatsoper Ă©tait lâoccasion de retrouver un trio de choc qui a marquĂ© lâhistoire de lâinterprĂ©tation de cet opĂ©ra cette saison Ă Munich. MalgrĂ© la dĂ©fection de derniĂšre minute de Jonas Kaufmann et les Ă©cueils de la production, il fallait Ă©couter Anja Harteros et Ludovic TĂ©zier les yeux fermĂ©s.
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Cette nouvelle production de La Forza del destino de la saison 2013-2014 au Bayerische Staatsoper de Munich a bĂ©nĂ©ficiĂ© dâores et dĂ©jĂ de nombreuses retransmissions radiophoniques et tĂ©lĂ©visuelles. Il faut dire quâassociĂ© Ă une nouvelle mise en scĂšne ouvrant le champ des possibles et des espoirs, le triumvirat qui y dictait sa loi avait de quoi susciter bien des attentes : Jonas Kaufmann en Don Alvaro, Ludovic TĂ©zier en Don Carlo, enfin Anja Harteros en Leonora. Comment ne pas y succomber?
LâopĂ©ra en lui-mĂȘme demeure lâun des plus Ă©tranges de Verdi, Ă lâimage sans doute du Trovatore. Le livret y est confus et peu crĂ©dible malgrĂ© une intrigue classique : un fils venge la mort paternelle provoquĂ©e inopinĂ©ment par lâamant de sa sĆur, jolie piĂšce rapportĂ©e honnie a priori par la famille⊠HystĂ©rique comme une Erinye bipolaire, le Destin se dĂ©foule sur le couple de jouvenceaux jusquâĂ la tragĂ©die finale. Malheureusement, par dĂ©faut de vĂ©ritĂ© fictionnelle, le tonus dramatique en prend un coup dĂšs la premiĂšre scĂšne.
PassĂ© la cĂ©lĂ©brissime ouverture, colorĂ©e par ces fameux trois coups du Destin, on en vient Ă y rĂȘver un trio de solistes Ă©lectrique, un metteur en scĂšne habile jongleur et funambule Ă la fois, sur un fil tendu mais tĂ©nu, capable de pallier les faiblesses dâun livret marquĂ© par un enchaĂźnement de sauts de puce spatio-temporels comme les trop nombreux trous noirs dâun mauvais film de Science-fiction.
HĂ©las, premiĂšre dĂ©confiture : Jonas Kaufmann abgesagt et remplacĂ© au pied levĂ© par le germano-serbe Zoran Todorovich. HĂ©las, deuxiĂšme dĂ©confiture : on savait dĂšs le lever de rideau, finalement, que la mise en scĂšne de Martin KuĆĄej Ă©tait dĂ©cevante. Quelques jolis effets graphiques tels cet effet de scĂšne renversĂ©e au III, ou cette dĂ©bauche de croix dans lâacte final, peuvent ravir les yeux, certainement pas lâintellect.
Comment comprendre de tels choix, si ce nâest Ă la faveur dâarguments simplement plastiques ? Ce nâest pas que lâon recherche Ă tout prix cette clartĂ© boileausienne chez Verdi, ce qui serait bien incongru, mais le touffu de cet opus exigeait bien que lâon veillĂąt Ă nâen point ajouter davantage en matiĂšre dâobscuritĂ© !
On passera sur les burgers distribuĂ©s par les moines aux mendiants au dĂ©but du IV. En revanche, rien ne peut venir justifier cette scĂšne militaire pittoresque du III, oĂč le choix dramaturgique dâune gigantesque orgie nous dĂ©montre que ce metteur en scĂšne nâa pas compris que le porno sur les plateaux lyriques Ă©tait aujourdâhui fort dĂ©passĂ© et ne choquait plus personne. Surtout, quel sens Ă cette option?
Que dire de la pauvre Preziosilla, dans la continuitĂ© de cette scĂšne, interprĂ©tĂ©e par une Nadia Krasteva SM en latex noir ? Elle se trĂ©mousse avec tant dâallure et de sensualitĂ© que notre Nabilla nationale passerait Ă cĂŽtĂ© pour Nadine de Rotschild. Un peu hagarde, un peu perdue, elle passe son fameux Rataplan Ă trĂ©bucher sur les corps allongĂ©s et inertes de ces chauds militaires un brin harassĂ©s par cette partie carrĂ©e au carré⊠On la comprend, elle nâa rien compris, nous non plus. Vergogna !
Heureusement, il y a le chant. MalgrĂ© une apparition un peu douteuse dĂšs le premier air, et une voix toujours peu ouverte, Zoran Todorovich campe un Don Alvaro qui Ă©volue positivement au fil de lâopĂ©ra, et son duo Le minacce, i fieri accenti avec Ludovic TĂ©zier est un petit joyau. Las, le fantĂŽme regrettĂ© de Jonas Kaufman planait sur scĂšne tout le long de cette soirĂ©e : câest quâil nous manquait pour son aisance dramatique Ă incarner des personnages peu faciles Ă faire exister dans le rĂ©pertoire lyrique, outre une carrure vocale de Heldentenor certainement plus intĂ©ressante pour le rĂŽle. Bref, il nous a manquĂ© la troisiĂšme piĂšce de ce puzzle si parfait.
Car sâil fallait absolument se dĂ©placer ce soir au Nationaltheater de Munich, câĂ©tait sans nul doute pour Ludovic TĂ©zier et Anja Harteros : impĂ©riaux de bout en bout, dominant lâopĂ©ra par une technique de chant parfaite mais aussi grĂące Ă cet art consommĂ© du drame, leur permettant de donner corps aux personnages, de les habiter, dâen exprimer les ressorts intimes et tragiques. La soprano allemande entonne un Sono giunta ! Grazie o dio ! dâune sensibilitĂ© bouleversante, et Ă©puise le personnage de Leonora avec bonheur Ă force de versatilitĂ© vocale, apanage des grands interprĂštes verdiens.
La direction dâAsher Fisch, un peu atone, demeure celle dâun chef dâopĂ©ra techniquement au point. Lâorchestre quant Ă lui, toujours un peu lourd dans le rĂ©pertoire italien, nâest pas vraiment Ă la traĂźne ni cependant trĂšs excitant. Ă cĂŽtĂ© de la mise en scĂšne, ce nâest pas lĂ le principal Ă©cueil de cette production.
Il conviendrait sans doute de se rendre compte ce soir que cet opĂ©ra rĂ©putĂ© maudit de Verdi nâest peut-ĂȘtre quâun mal-aimĂ© qui, Ă lâinstar de ses protagonistes, jouit dâun destin funeste auquel ne devrait le rĂ©duire la plus mĂ©diocre des mises en scĂšne, par la magie du chant.
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Nationaltheater, MĂŒnchen Le 31/07/2014 Florent ALBRECHT |
| Reprise de la Force du destin de Verdi dans la mise en scĂšne de Martin KuĆĄej et sous la direction dâAsher Fisch au festival dâĂ©tĂ© de Munich 2014. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Forza del destino, opéra en quatre actes (1862)
Livret de Francesco Maria Piave dâaprĂšs Don Ălvaro o la fuerza del sino de Rivas
Version rĂ©visĂ©e de 1869 (livret dâAntonio Ghislanzoni)
Chor der Bayerischen Staatsoper
Bayerisches Staatsorchester
direction : Asher Fisch
mise en scĂšne : Martin KuĆĄej
décors : Martin Zehetgruber
costumes : Heidi Hackl
Ă©clairages : Reinhard Traub
prĂ©paration des chĆurs : Sören Eckhoff
Avec :
Vitalij Kowaljow (Marchese di Calatrava / Padre Guardiano), Anja Harteros (Donna Leonora), Ludovic TĂ©zier (Don Carlo di Vargas), Zoran Todorovich (Don Alvaro), Nadia Krasteva (Preziosilla), Renato Girolami (Fra Melitone), Heike Grötzinger (Curra), Christian Rieger (Un alcade), Francesco Petrozzi (Mastro Trabuco), Rafał Pawnuk (Un chirurgo). | |
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