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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de rentrée de l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Lawrence Foster, avec la participation du pianiste Evgueni Kissin à l’Auditorium de Lyon.
Inoubliable Kissin
La venue du pianiste russe Evgueni Kissin, monstre sacré du piano, accompagné par la direction toujours juvénile de Lawrence Foster promettait une soirée symphonique exceptionnelle de l’Orchestre national de Lyon. Une occasion que les Lyonnais, probablement submergés par d'autres priorités en ce jeudi proche de rentrée, n'auront pas toujours su saisir.
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On aurait pu s'attendre à une salle comble, mais c'est devant des rangs parfois clairsemés que se tient l'un des événements majeurs de la saison musicale lyonnaise avec la venue d'Evgueny Kissin. C'est d'autant plus dommage que la programmation intelligente de la soirée, parfaitement honorée par la direction de Lawrence Foster, valait le déplacement. Avec deux œuvres parmi les plus populaires du répertoire russe, le chef américain nous donnait l'occasion d'entendre ce petit joyau, peu joué et somme toute assez méconnu, qu'est le Divertimento du Baiser de la Fée de Stravinski.
À 71 ans, Lawrence Foster fait toujours preuve d'une grande fraîcheur, mène l'ensemble avec un tempo soutenu, privilégie la transparence de l'orchestre avec de beaux bois. On apprécie le tranchant rythmique de pupitres très à la corde qui traduisent toute l'acuité de l'incisif Stravinski néo-classique. La direction est en tout point excellente pour honorer ce pastiche tchaïkovskien faisant davantage référence aux scènes intimistes ou pastorales du compositeur d'Eugène Onéguine qu'aux effusions lyriques démesurées.
On retrouve cette précision, cette attention au moindre détail dans le Lac des cygnes où Foster se montre tout autant à l'aise dans les grandes envolées : lecture engagée, conduisant avec souplesse les masses sonores et évitant l'emphase en maintenant une pulsation alerte, loin d'un rubato excessif doublé d'un gros son dans lequel ont tendance à se vautrer beaucoup d'interprètes.
À la fin de la Danse russe, ajoutée en supplément, le chef américain profite de ce passage prisé par Jascha Heifetz pour rendre hommage à la virtuosité de son supersoliste. Un geste auquel on ne peut que souscrire, eu égard à la qualité de l'ensemble des solistes. On eût cependant aimé davantage de personnalité, d'authenticité dans ces solos d'orchestre souvent corsetés, techniquement irréprochables et s'intégrant parfaitement dans l'image sonore de l'ensemble mais au détriment d'une respiration plus individuelle.
À défaut de pouvoir affirmer que c'est toujours une erreur, on peut dire qu'envisager les solos comme une énième variation de la couleur sonore de l'ensemble annihile parfois l'étincelle, la substantifique moelle de la matière musicale vivante. Si l'affirmation de la personnalité permet de redonner corps à l'esprit, alors la seconde partie est un modèle absolu.
D'emblée, on note une présence exceptionnelle d'Evgueny Kissin, jouant avec un incroyable réalisme l'évocation de la cloche ouvrant le Deuxième Concerto de Rachmaninov. Tout du long, l'écriture pianistique touffue est rendue avec une lisibilité extraordinaire : chaque voix secondaire se dessine avec une expressivité aussi naturelle qu'intense ; le pianiste russe anime l'ensemble d'un léger rubato très expressif, comme une petite valeur ajoutée faisant désirer chaque temps pour mieux étirer les phrases sans perdre la régularité d'un temps vécu de l'intérieur.
Alors que beaucoup de Russes semblent venir d'une autre planète, la personnalité intense de Kissin s'exprime ici avec naturel. Son Rachmaninov s'impose avec la force de l'évidence. On apprécie d'autant plus ce concert inoubliable et exceptionnel que Kissin s'adonne plus volontiers à l'art du récital. Une donnée que le public manifestement conquis n'oublie pas en ne cessant de le rappeler. Trois fois, il honorera les rappels, concluant ce concert symphonique par un inoubliable mini-récital, et auréolant notamment de sa personnalité un Prélude en ut# mineur des palettes infinies d'un jeu pianistique proprement époustouflant.
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Auditorium Maurice Ravel, Lyon Le 11/09/2014 Benjamin GRENARD |
| Concert de rentrée de l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Lawrence Foster, avec la participation du pianiste Evgueni Kissin à l’Auditorium de Lyon. | Igor Stravinski (1882-1971)
Divertimento, Suite d'orchestre du ballet Le Baiser de la fée (1928-1949)
Piotr Illitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
Le Lac des cygnes, extraits du ballet et de la suite d'orchestre op. 20 a (1877)
SergeĂŻ Rachmaninov (1873-1943)
Concerto pour piano et orchestre n° 2 en ut mineur, op. 18 (1901)
Evgueni Kissin, piano
Orchestre national de Lyon
direction : Lawrence Foster | |
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