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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production du Vaisseau fantôme de Wagner dans une mise en scène d’Alex Ollé et sous la direction de Kazushi Ono à l’Opéra de Lyon.
En pleine tempĂŞte
Malgré une distribution inégale, très belle ouverture de la saison lyrique lyonnaise avec ce nouveau Vaisseau fantôme signé Alex Ollé du collectif La Fura dels Baus. Après Tristan in loco en 2011, le metteur en scène recrée une véritable dramaturgie fantasmagorique grâce au recours, plus pertinent que jamais, aux nouvelles technologies.
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On l’a souvent écrit, l’Opéra de Lyon, qui compte parmi les salles les plus innovantes et audacieuses, bénéficie rarement de distributions à la hauteur de l’intérêt de ses productions. Ce nouveau Vaisseau fantôme ouvrant la saison 2014-2015 de l’Opéra Nouvel ne fera pas exception à la règle.
Inégal, ce plateau souffre avant tout d’une Senta rien moins que séduisante : médium affublé d’un vibrato lâche, aigus stridents, justesse fluctuante – une Ballade très instable. La Polonaise Magdalena Anna Hofmann montre ici d’évidentes limites, malgré une belle allure en scène et un format wagnérien.
Le Hollandais de Simon Neal, accidenté, couleur d’emblée expressive, voix tantôt bien conduite tantôt chaotique, aigus fébriles, a en comparaison une réelle distinction, et laisse entrevoir une vulnérabilité d’âme damnée qui colle parfaitement au rôle-titre, quand bien même l’intonation n’est jamais loin de se dérober. Présence écrasante, projection hénaurme, le Daland de Falk Struckmann est fidèle à lui-même, d’une vocalité de butor.
Timonier à Bayreuth, Tomislav Mužek est un Erik de moindre rayonnement, notamment par rapport au matelot claironnant et sans rêverie de Luc Robert. Félicitations en revanche à la jeune Eve-Maud Hubeaux, qui campe l’une des rares Mary bien chantantes qu’on ait entendues dans cet emploi sacrifié neuf fois sur dix.
Si l’on se laisse toutefois porter, c’est que Kazushi Ono est un véritable maître à bord, battue contrastée, sans excès, avec quelques petites chutes de tension mais davantage de magnifiques moments, excellent brassage de la houle orchestrale, attention permanente à la continuité dramatique de la version en un acte.
L’Orchestre de l’Opéra de Lyon se plie à la discipline de cette baguette avec un résultat infiniment plus probant que dans Parsifal il y a deux ans, et l’on saluera plus encore les chœurs de la maison, qu’Alan Woodbridge avait portés sur les sommets pendant presque vingt ans, avant de céder ici la place à Philip White.
Mais si ce Vaisseau nous marquera durablement, c’est avant tout grâce au travail scénique d’Alex Ollé qui, après un Tristan à la magnifique scénographie mais à la direction d’acteurs statique en 2011, signe ici une incontestable réussite en démontrant à quel point les nouvelles technologiques, employées avec un vrai professionnalisme, ont le plus bel avenir à l’opéra.
Dès l’ouverture, on est soufflé par une tempête où l’on ne peut distinguer ce qui relève du décor et de la projection vidéo, dans une séquence rappelant l’Odyssée de Pi d’Ang Lee. Sur une plage de dunes s’est échouée la proue d’acier d’un monumental cargo habité de créatures étranges, silhouettes macabres couvertes de chaux.
Après le pacte conclu par les propriétaires des deux navires, le vaisseau du Hollandais sera démonté pièce par pièce sur ce cimetière marin où les fileuses chercheront à recycler les objets glanés à l’intérieur de l’épave. On regrette seulement la pesante kalachnikov d’un Erik façon junte militaire, le contexte du port extrêmement pollué de Chittagong (Bangladesh) qui a inspiré le metteur en scène étant suffisamment éloquent.
Danses balinaises pendant la fête du III, spectres entre la Nuit sur le Mont Chauve de Fantasia et le royaume des morts du Seigneur des Anneaux, le tout dans une parfaite illusion visuelle entre réel et virtuel, Ollé réussit à nous faire croire aux données fantastiques du livret d’ordinaire impossibles à porter à la scène.
C’est là l’une des principales forces de Serge Dorny, probablement le directeur d’opéra de notre époque misant le plus sur les possibilités dramatiques offertes par les nouvelles technologies, si souvent méprisées ailleurs. On ne saurait lui donner tort tant la force du visuel et la crédibilité dramatique savent ici compenser les faiblesses vocales.
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